Les Cahiers des ÉCO

OPCI : Un dispositif réglementaire et fiscal à parfaire

D’après le ministre de l’Économie et des finances, Mohamed Boussaid, il est attendu que le cadre réglementaire soit finalisé vers la fin du premier semestre 2017 (cf:www.leseco.ma). En plus de la loi déjà promulguée, il reste un décret qui est en cours d’achèvement, des circulaires ainsi que le régime fiscal, qui, selon les professionnels, est à revoir.

La loi 70-14 relative aux Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) fut promulguée en 2016. Au lendemain de sa publication au Bulletin officiel (BO), le 19 septembre 2016, les professionnels se réjouissaient d’avoir enfin un cadre juridique, attendu depuis des années. Toutefois, le texte ne répond pas à tous les questionnements. De même, la disposition fiscale introduite par le projet de loi de finance de 2017 – applicable suite à sa publication au BO par décret, mais retournera dans le giron du Parlement pour discussion et vote dès que le gouvernement est formé – est jugée insuffisante.

Pour Maître Christophe Bachelet, avocat à la Cour Managing Partner de DLA Piper, contacté par Les Inspirations ÉCO, «la transformation de sociétés foncières existante en OPCI, n’est pas prévue ni sur le plan juridique ni sur le plan fiscal. Il faut passer par des voies de restructuration préalable de portefeuilles immobiliers d’apports d’immeubles pouvant générer des coûts de réalisation et frottements fiscaux significatifs. Or, il y a de nombreuses sociétés qui sont organisées dans le pays sous forme de foncières et qui attendaient sagement la possibilité de se transformer en OPCI en déposant un dossier d’agrément». Un point soulevé également par Mohamed Hdid, directeur associé au Cabinet Hdid, lors de la conférence débat sur les OPCI, organisée le 7 février courant, par Colliers International Maroc (voir www.leseco.ma). L’expert comptable y avait souligné que le dispositif fiscal ne prévoit rien au sujet de la transformation d’une société qui passe d’un régime 100% fiscalisé à un régime exonéré, alors qu’en France, «les sociétés paient 19% pour se transformer en OPCI», précisait Romain Fremont, président de Colliers International Investissement & Asset management, lors du même événement.

En effet, le dispositif fiscal prévoit une exonération permanente de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices correspondants aux produits provenant de la location d’immeubles construits à usage professionnel. Une exonération qui aligne ce véhicule de placement collectif à ses confrères OPCVM, FPCT et OPCR qui jouissent d’une exonération de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal. Toutefois, la spécification d’«immeubles construits à usage professionnel» exclue de facto les immeubles en construction ou encore en l’état futur d’achèvement ainsi que les immeubles qui sont à usage résidentiel ou hôtelier. La lecture stricte de ce terme limite donc le champ d’application aux bureaux et aux baux commerciaux. D’ailleurs, Christophe Bachelet, avocat à la Cour Managing Partner de DLA Piper, relève «une certaine frustration (qui) s’est faite sentir chez beaucoup d’acteurs immobiliers privés du bénéfice fiscal des OPCI réservés exclusivement à l’immobilier à usage professionnel tels les investisseurs engagés dans des projets green field ou encore résidentiels».

Des conditions pour l’exonération
Par ailleurs, l’exonération de l’impôt requiert d’autres conditions que l’usage professionnel des immeubles investis. Les éléments apportés aux OPCI doivent être évalués par un commissaire aux apports, choisi parmi les personnes habilitées à exercer les fonctions de Commissaires aux comptes. De même, les actifs immobiliers, ainsi apportés, doivent être conservés pendant une durée d’au moins 10 ans, à compter de la date dudit apport. Enfin, la dernière condition est de distribuer au moins 85% du résultat de l’exercice afférent à la location des immeubles construits à usage professionnel. Ces conditions, une fois remplies, elles permettent aussi une exonération permanente de l’impôt sur les sociétés, retenu à la source sur les sommes distribuées provenant des prélèvements sur les bénéfices pour le rachat d’actions ou de parts sociales des OPCI. La loi introduit également une exonération des droits d’enregistrement pour les actes relatifs aux variations du capital et aux modifications des statuts ou des règlements de gestion des OPCI. Par ailleurs, le traitement fiscal des plus values des cessions lorsqu’elles sont réalisées tout autant que le cas de cession des actifs à un autre OPCI restent sans réponse, estime Hdid.

Pas de faveur en termes d’IR
A contrario, les produits distribués en tant que dividendes par les OPCI, ainsi que les produits de placements à revenu fixe versés, mis à la disposition ou inscrits en compte des personnes physiques ou morales au titre des intérêts et autres produits similaires des OPCI, sont passibles de l’impôt retenu à la source au titre de l’Impôt sur le revenu. En effet, Abdellah Tahri, chef du service de la Législation de l’Impôt sur les sociétés à la DGI, a expliqué, lors de l’événement du jeudi dernier, que la Direction générale des impôts a choisi de «ne taxer qu’au moment de la distribution des produits dans les mains des actionnaires et détenteurs de parts». Sur un autre registre, le PLF de 2017 ne soumet pas à l’Impôt sur le revenu, au titre des profits fonciers réalisés, les personnes physiques qui procèdent à l’apport de leurs biens immeubles et/ou de leurs droits réels immobiliers à l’actif immobilisé d’une société, à condition qu’elle ne soit pas un OPCI. Ainsi, dans le cas d’un apport à un OPCI, la soumission à l’IR reste de vigueur.

Éviter la mésaventure des OPCR
L’ensemble des intervenants dans l’évènement, organisé par Colliers International Maroc, estiment que le volet fiscal nécessite des éclairages. C’est le cas notamment de Mohamed Hdid qui estime que «le régime fiscal doit être revisité» ou encore de Maître Hicham Naciri, directeur associé Allen & Overy Maroc, qui a souligné que «le principal défi et le vrai enjeu est d’ordre fiscal. Le cadre juridique est bon et équilibré». Pour Maître Bachelet, il faut que l’arsenal fiscal et législatif «soient à la hauteur des attentes du marché et bénéficient avant tout aux « family offices » actifs du secteur autant qu’aux institutions financières traditionnelles. Les locations à usage résidentiel sont, pour le moment, totalement écartées du champ des OPCI alors qu’elles contribuent à leur succès massif en France». Il souligne aussi que plusieurs sociétés se sont déjà structurées en sociétés de gestion ou ont restructuré leurs portefeuilles en vue d’être prêtes à déposer leurs dossiers d’agrément, mais «il faut attendre la sortie du décret et de la circulaire tout autant que le package fiscal, avec le risque de revivre la même mésaventure que les OPCR qui, faute d’un régime fiscal adapté, ne compte a ma connaissance que 3 structures créées en un an et demi malgré l’engouement au moment de l’élaboration de la loi les concernant».


Nicolas Mérindol
Vice-président de Colliers International France

Le secret de la réussite du produit est le conseiller bancaire. Il doit expliquer la durée du placement et disposer d’une check list (d’un argumentaire) précise.

Ikhlas Mettioui
Directrice de la gestion de l’épargne à l’AMMC

Il est possible de faire lister à la Bourse de Casablanca les actions des SPI (sociétés de placement immobilier) dans un compartiment dédié. En effet, la réforme de la loi régissant la Bourse de Casablanca prévoit la cotation des OPC dans un compartiment du marché principal. Par ailleurs, pour ce qui est de l’agrément à accorder à l’évaluateur, il sera accordé par l’autorité compétente sauf qu’il n’est pas précisé si cette autorité est le ministère de l’Économie et des finances ou celui de l’habitat.

Khalid Nasr
Président du directoire de BMCE Capital

Le cadre réglementaire est aux standards internationaux permettant de protéger l’investisseur. Toutefois, l’OPCI n’est pas un produit sans risque et il est important de situer ce risque sur le plan macroéconomique.

Gilles Betthaeuser
Président Colliers International

Il faut mettre des mécanismes pour garantir les cashflow locatifs tout en faisant attention au risque de dépersonnalisation de la relation entre l’asset-manager et le locataire.


Christophe Bachelet
Avocat à la Cour. Managing Partner de DLA Piper

La première problématique c’est que nous sommes toujours en attente d’un décret d’application qui devra préciser notamment le niveau du capital social de l’OPCI, les conditions de cotation des titres émis, les conditions de liquidation des OPCI, les sommes distribuables, les modalités de délivrance et retrait de l’agrément. De même, le marché est toujours dans l’attente de la circulaire de l’AMMC, devant préciser le contenu du dossier d’agrément. Il reste donc beaucoup de points d’interrogation, mais ça n’empêche pas les acteurs de se préparer. De plus, le texte fait des renvois à la législation sur les sociétés à capital variable datant de 1922 avec certaines contradictions. La loi sur les OPCI devrait s’accompagner d’un toilettage de ce texte qui est quelque peu obsolète. Pour le moment, la cohérence de l’environnement législatif présente encore des zones d’ombre. Il y a aussi une attente d’un régime fiscal qui soit plus clair et efficace. Des  fiscalistes ont souligné que l’exonération de l’Impôt sur les sociétés sous tend une détention des actifs sur une période de dix ans, or beaucoup d’investisseurs estiment que c’est  trop long . Des arbitrages sont souvent nécessaires dans les 4 à 5 ans. Nous attendons avec impatience toujours la «vraie» Loi de finance (ndlr :le PLF de 2017 est applicable suite à sa publication au BO par décret mais retournera dans le giron du Parlement pour discussion et vote dès que le gouvernement est formé), qui devrait sortir ce mois-ci et qui permettra de clarifier le statut des sociétés à prépondérance financière et les incertitudes relevées par le marché sur le traitement fiscal des remontées des dividendes, le niveau de transparence fiscale des sociétés à prépondérance immobilière.


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