Les Cahiers des ÉCO

Monnaie virtuelle : La guerre du bitcoin a commencé

 

Au Maroc, les autorités financières viennent de statuer officiellement : le bitcoin est interdit. Or, sur le web, il cartonne. Pourtant, le Maroc fait bien de prôner la précaution. Décryptage…

Les autorités financières (Office des changes, ministère de l’Économie et des finances, Bank Al-Maghrib et AMMC) sont formelles: le bitcoin n’est pas légal. Plus encore, elles mettent en garde contre l’utilisation de cette monnaie dite virtuelle dans un récent communiqué. À l’origine de cette sortie, une jeune entreprise a déclaré accepter le paiement en bitcoin de ses prestations. «Ces annonces sont de nature à semer la confusion dans l’esprit du public, en faisant croire que cette monnaie virtuelle est reconnue par les autorités monétaires», rétorque ainsi le communiqué en question.

Parmi les risques associés à cette activité non régulée, le communiqué cite l’absence de protection du consommateur due à l’absence de protection réglementaire pour couvrir les pertes en cas de défaillance des plateformes d’échanges, outre l’absence d’un cadre juridique de protection spécifique des usagers de ces monnaies en rapport avec les transactions effectuées, surtout en cas de vol ou de détournement. Le document évoque également la volatilité du cours de change de ces monnaies virtuelles contre une devise ayant cours légal, notant que le cours peut varier fortement à la hausse comme à la baisse, en très peu de temps et de façon imprévisible, tout en signalant l’utilisation de ces monnaies à des fins illicites ou criminelles, notamment le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le non-respect des réglementations en vigueur, en particulier celles ayant trait aux marchés des capitaux et à la législation des changes, figure aussi parmi les risques cités par le communiqué, expliquant que la monnaie virtuelle ou crypto-monnaie est une unité de compte décentralisée, créée non pas par un État ou une union monétaire mais par un groupe de personnes (physiques ou morales) reposant sur l’existence d’un registre contenant la totalité des transactions, tenu à jour sur l’ensemble des nœuds du réseau (technologie Blockchain).

La monnaie virtuelle s’échange uniquement en ligne et, par conséquent, n’existe pas sous forme de pièces ou de billets. Il en existe aujourd’hui plus de 5.000 dont le bitcoin est la plus aboutie, explique-t-on. Or, au Maroc, même s’il n’existe encore aucun chiffre officiel sur le volume des transactions effectuées en bitcoin, certains experts l’estiment avoir déjà atteint plus de 200.000 dollars/jour. Pour un professionnel, qui approuve la démarche des autorités, «elles sont entièrement dans leur rôle», arguant qu’il existe un vide juridique autour de la monnaie virtuelle qui pourra porter préjudice à l’investisseur si cela tourne mal. «Le bitcoin a été créé dans une sphère qui représente une bulle spéculative. Du coup, cette monnaie virtuelle ne protège de rien au final», affirme ce juriste. Un autre analyste, beaucoup plus jeune, a un tout autre avis : «Au lieu d’interdire, il faut réguler et réglementer… Nous sommes en 2017, soit près de 10 ans après sa création… La monnaie virtuelle en est encore à ses balbutiements». De l’autre côté de la Méditerranée, le bitcoin est également qualifié d’«investissement risqué» en raison de l’extrême volatilité de la devise numérique. Il s’adresse aux investisseurs avertis. «Un minimum d’appétence technique et financière est nécessaire afin de comprendre le protocole sur lequel il repose et ses risques», souligne l’Autorité des marchés financiers (AMF). Or, d’autres pays ont réussi à amorcer le virage du bitcoin. Au Japon par exemple, le gouvernement a officiellement adopté le bitcoin comme moyen de paiement, au même titre que les monnaies classiques. La République de Singapour essaie, de son côté, de créer sa propre crypto-monnaie. En Europe, certaines startups utilisent même le bitcoin pour faire des levées de fonds.

Le bitcoin est aujourd’hui sur toutes les lèvres, surtout qu’il vient de crever le plafond des 11.000 dollars. «Il est même plus performant que les valeurs refuges… Même l’or et autres métaux précieux n’ont pas autant d’attrait», déclare un trader. Il explique aussi que si le bitcoin est aussi cher aujourd’hui, c’est parce que sa valeur est essentiellement basée sur le jeu de l’offre et de la demande. La volatilité de cette monnaie reste aujourd’hui la plus critiquée. Au point que le prix Nobel français d’économie Jean Tirole a exposé ses craintes sur ce phénomène qu’il qualifie de «pure bulle» financière. Dans une tribune publiée jeudi dernier dans les colonnes du «Financial Times», l’économiste s’inquiète de la frénésie qui s’est emparée des particuliers et des acteurs financiers. Il se pose également la question de la soutenabilité et de l’intérêt économique du bitcoin et des crypto-monnaies. Pour Tirole, le bitcoin représente un «actif sans valeur intrinsèque» avec une absence de réalité économique derrière cette monnaie virtuelle. En effet, avec une demande folle sur un stock de 16,8 millions de bitcoins déjà émis, représentant une offre d’un peu moins de 200 milliards de dollars (soit la masse monétaire d’un petit pays), tout le monde ne peut être servi dans la mesure où le créateur de ladite monnaie virtuelle, Satoshi Nakamoto avait fixé la limite à 21 millions de bitcoins. Avec tous ces paramètres, le Maroc, qui vient d’entamer la réflexion sur le bitcoin, aura-t-il assez de temps pour rattraper le train de cette monnaie du «futur» ?


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