Marchés : L’habilitation, la future arme de l’AMMC
Le marché a du mal à se remettre des écarts commis durant cette dernière décennie sur la place boursière. Le Conseil Déantologique des Valeurs Mobilières (CDVM) ayant subi récemment un relifting pour devenir l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) s’est engagé à resserrer la vis et traquer les prestataires mal intentionnés. La formation, la certification…sont les critères pris en considération. D’ailleurs, le conseil de gouvernement vient d’approuver un projet de décret relatif à l’habilitation des professionnels du marché.
Le calendrier de l’AMMC semble être bien tenu. L’Autorité Marocaine du marché des capitaux avait annoncé lors de la présentation de son règlement général -quelques mois auparavant (voir www.leseco.ma)- que l’habilitation des acteurs du marché devrait se faire en 2018. Les choses vont donc bon train puisque le projet de décret n° 2.17.216 portant application de l’article 31 de la loi n° 43.12 relative à l’AMMC, vient d’être approuvé au Conseil de gouvernement du jeudi 16 novembre. Ce projet de décret vise à déterminer les modalités pour habiliter des personnes physiques à exercer certaines fonctions au sein des personnes morales soumises au contrôle de l’Autorité et à définir la liste des tâches à mettre en œuvre pour opérer cette réhabilitation sur avis du régulateur.
Il faut dire que les professionnels du marché ont trainé pendant une longue période une réputation peu flatteuse, remettant en cause tout l’écosystème financier. Dans un souci d’assainissement, l’AMMC s’était mise un point d’honneur à l’encadrement de la procédure d’habilitation des professionnels. Ceux-ci devraient désormais être accrédités par le régulateur des marchés de capitaux. Ce qui donnera une autre dimension aux efforts de la place à mettre tout le monde dans les rangs. L’Association Professionnelles des Sociétés de Bourse (APSB) –en collaboration avec la Bourse- offrait une formation nommée « cycle d’habilitation aux métiers de la Bourse ». Cette formation comprenait des cours servant à mieux appréhender le marché financier et boursier, «mais seuls quelques opérateurs pouvaient y prétendre», nous apprend un analyste de la place. De plus, pour les plus téméraires, la Bourse offre la possibilité d’obtenir la certification CFA (Chartered Financial Analysts). Le «graal» de l’analyste financier est pour nombreux le gage d’excellence. A travers ce décret, «l’habilitation représentera ainsi un levier non négligeable pour hisser le marché marocain aux meilleurs standards», relève un professionnel de la place. Pour garantir le bon fonctionnement du marché, toutes les personnes y intervenant doivent désormais disposer d’un haut niveau d’expertise. Plusieurs postes sont donc concernés dont notamment la fonction d’analyste financier, le contrôleur interne, de gérant de portefeuille ou encore le trader.
L’habilitation sera ainsi matérialisée par une carte professionnelle qui requiert non seulement la possession d’un diplôme d’enseignement supérieure, mais aussi 2 ans d’expérience dans le domaine financier, et le passage d’un examen tous les 3 ans, jusqu’à atteindre 10 ans d’expérience. Les acteurs qui ont plus de dix ans d’expérience seront dispensés du renouvellement. Par contre, ils doivent suivre un programme de formation. Certaines fonctions pourraient nécessiter une certification d’organismes internationaux. Si les compétences et les connaissances techniques restent élémentaires pour prétendre à ce type de métiers, la question de l’éthique reste tout aussi importante. En effet, le processus prévoit un test d’habilitation dans lequel la déontologie et l’éthique ont une place prépondérante. «C’est l’épargne des investisseurs qui est mise en jeu», se lance un trader…dans un sursaut de conscience. Or, la place de Casablanca, a été témoin –il y a encore quelques années- de plusieurs manquements, écarts et sorties de routes qui ont fait fuir les investisseurs -les petits porteurs, surtout- du marché. Il faudra remonter à 2008 où le pot aux roses a été découvert. La Bourse marocaine est alors secouée par plusieurs scandales de délits d’initiés et manipulations de cours. 2011, le couperet de la Cour des comptes tombe. Le Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM) a été pointé du doigt pour des manquements à la réglementation, des insuffisances dans le contrôle de l’activité gestion d’actifs et l’octroi de visas sans examen de la cohérence des business-plans. Et même si les manquements relevés exposaient les personnes morales sous le contrôle du gendarme au lieu des personnes physiques qui y exercent, le marché est resté sur sa faim en termes de sanctions. «A l’époque, l’écosystème même te conduisait mécaniquement à certains types de largesse», se souvenait cet autre expert. «Le concept de neutralité des avis n’a toujours pas été assimilé», tacle cet autre analyste de la place. Pourtant, «je me rappelle avoir signé une charte déontologique au moment où j’ai intégré la société de Bourse», souligne un analyste ayant débuté dans ce domaine il y a pratiquement une dizaine d’années.. «En la signant, notre responsabilité personnelle est engagée», poursuit-il.
Aujourd’hui, l’Autorité, qui veut faire preuve d’intransigeance, pourrait suspendre temporairement ou définitivement le visa d’exercer d’un acteur du marché en cas d’infractions. A cet effet, l’habilitation serait pilotée par un comité paritaire composé de membres de l’Autorité mais également de représentants des associations professionnelles des personnes morales soumises au contrôle de l’Autorité. Le comité d’habilitation sera en charge de la définition des compétences requises et de la détermination des modalités d’organisation de l’examen d’habilitation. Ceci dit, différents professionnels de la place semblent bien accueillir la nouvelle disposition qui «haussera le niveau» au sein de la communauté financière. Les plus sceptiques eux, relativisent. «Quand on veut ne pas respecter une loi, on trouve tous les moyens pour le faire»…A bon entendeur.
La certification en France
Le règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) impose aux prestataires de services d’investissement de vérifier que les personnes exerçant certaines fonctions sous leur autorité ou pour leur compte disposent d’un niveau de connaissances minimales sur 12 domaines relatifs à l’environnement réglementaire et déontologique et aux techniques financières. Cette vérification peut s’effectuer via des examens organisés en interne par les prestataires ou via des examens externes «certifiés» par l’AMF. Trois grandes catégories de personnes, sont concernées. Celles qui, chez les prestataires de services d’investissement, y compris les sociétés de gestion de portefeuille, informent ou conseillent des clients en vue de transactions sur instruments financiers. Ou celles qui, pour les mêmes prestataires, exercent des fonctions clés déterminées sur les marchés financiers et/ou dans les relations avec les investisseurs. Les conseillers en investissements financiers, conseillers en investissements financiers CI F (personnes physiques), dirigeants et salariés CIF (personnes morales), dès lors que ces salariés délivrent des conseils en investissement à la clientèle.