Les Cahiers des ÉCO

«La conjoncture est bonne pour l’IPO de Mutandis»

 

Adil Douiri, PDG de Mutandis

Dans cet entretien à bâtons rompus, Adil Douiri, PDG de Mutandis, commente les résultats et les faits marquants de l’année 2016. L’occasion de s’arrêter sur la contreperformance de l’activité «Produits de la mer», l’évolution des marchés à l’export et l’état d’avancement du processus menant à l’introduction à la Bourse de Casablanca.

Les Inspirations ÉCO : Êtes-vous satisfaits des résultats 2016 de Mutandis ?
Adil Douiri : 2016 a été une année record en matière de rentabilité pour Mutandis. Sur le périmètre actuel du groupe (n’englobant que l’activité industrielle et les produits de consommation courante, car il y a eu une scission de l’activité automobile en 2015), le résultat brut d’exploitation a atteint son plus haut niveau historique, soit 155 MDH. Ce record a été réalisé avec des résultats contrastés entre les différentes gammes de nos produits (détergents, produits de la mer, bouteilles alimentaires). Les branches des détergents et des bouteilles alimentaires affichent de très bons résultats avec des volumes intéressants et des gains de parts de marché. En revanche, l’année 2016 a été compliquée du côté des produits de la mer. L’avantage d’avoir trois gammes de produits permet d’avoir un équilibre et une certaine marge de compensation quand souffre l’une d’entre elles. En construisant la «Mutandis industrielle», qui vend des produits du quotidien, nous essayons de lisser au maximum les résultats et la rentabilité. De la sorte, le jour où nous seront cotés en Bourse, les investisseurs, aussi bien les particuliers que les institutionnels (Sicav, OPCVM, assureurs, caisses de retraite) détiendront une part de capital d’une société stable, prévisible et rassurante. Je voudrais ajouter que nous sommes en train de constituer une quatrième ligne d’activité avec une nouvelle gamme de produits de tous les jours, toujours dans la même logique des autres branches (développement de marques, R & D, fabrication industrielle, distribution jusqu’aux épiciers et aux supermarchés).

La nouvelle activité sera-t-elle opérationnelle dès cette année ?
D’ici deux à trois mois, nous saurons si nous pouvons la démarrer en 2017.

Certains vous annoncent déjà candidat à la reprise de la marque de jus Marrakech chez Citruma…
Nous n’avons encore rien racheté. Pour l’instant, nous ne faisons que distribuer le jus d’orange Marrakech.

Comment expliquez-vous la contreperformance de l’activité «Produits de la mer» ?
Deux principales raisons sont à l’origine de cette baisse. La première est liée à l’arrêt brutal de trois de nos cinq usines (deux à Safi et une à Dakhla) pour des raisons de maintenance d’urgence et de mise à niveau. La deuxième est liée à des problèmes d’ordre économique ou géopolitique caractérisant deux de nos marchés en Afrique que sont la RDC et l’Angola, cette dernière ayant subi une panne de réserves de change du fait de la baisse des cours de pétrole. Sachant que nous n’envoyons pas la marchandise si nous ne sommes pas payés par avance, nous étions contraints d’enregistrer un manque à gagner de 65 MDH de chiffre d’affaires (40 MDH en Angola et 25 MDH en RDC).

Perdre deux marchés aussi importants que l’Angola et la RDC ne va-t-il pas peser sur les résultats futurs des filiales concernées ?
«Les produits de la mer» représentent une activité qui a un énorme potentiel. Pourvu qu’on change les trajectoires de ces entreprises. D’ailleurs, nous avons déjà commencé à le faire. Entre 2012 et 2015, nous nous sommes intégrés en amont. Nous avons acheté des bateaux et loué des droits de pêche. Cela nous permet de nous approvisionner nous-mêmes en poissons pour être sûrs que les usines tournent en continu. C’est un détail qui a toute son importance dans le secteur de l’industrie agroalimentaire. Nous nous approvisionnons également de la pêche côtière artisanale. Le deuxième changement majeur a eu lieu fin 2015 quand nous avions pris nous-mêmes la gestion quotidienne de l’activité, après avoir racheté les parts détenues par les actionnaires minoritaires. Nous sommes donc passés à une nouvelle phase de transformation qui consiste à changer les produits, monter en gamme et aller vers les marchés les plus rémunérateurs. Quand on peut transformer un produit et le vendre beaucoup plus cher, c’est tout bénéf pour le PIB marocain.

Ne peut-on pas déceler dans la baisse de cette activité l’effet d’une transformation culturelle qui peine à s’installer dans vos filiales autrefois familiales ?
Les 65 MDH de chiffre d’affaires perdus sur les marchés de l’Angola et de la RDC ne sont pas liés à la transformation culturelle. Il en est de même pour l’arrêt momentané des trois usines lié aux toits qui menaçaient de s’effondrer et soulevaient une vraie question de risque. Je pense que l’avenir de notre pays passe par la pérennisation et l’institutionnalisation des usines familiales pour les rendre indépendantes de n’importe quelle famille. Je suis très confiant dans l’avenir. Si l’intégration en amont a pris trois ans, la montée en gamme des produits et des marchés, elle, va prendre deux à trois ans. Nous comptons bientôt saisir les opportunités qui se présentent aux États-Unis. À ce titre, je vous annonce que nous venons de recevoir l’approbation de l’agence américaine des produits alimentaires (FDA). Je reste convaincu que la logique d’une famille ne peut être celle d’un groupe industriel appartenant à plusieurs actionnaires dont des institutionnels…

Hors du Maroc, quel est le poids du marché africain dans les résultats du groupe ?
Le marché africain génère 15 à 20% du chiffre d’affaires consolidé de Mutandis. Si la part de l’export des détergents va augmenter à destination de l’Afrique, celle des produits de la mer va probablement baisser. Le poisson étant une denrée rare et limitée, il faudra la vendre dans les marchés qui ont le pouvoir d’achat le plus élevé possible. Si j’étais le ministère de la Pêche, je m’asseoirais avec les opérateurs industriels pour voir les raisons qui les poussent à vendre dans un marché à bas prix alors qu’il y a d’autres marchés à haut prix.

Vous avez lancé récemment au Sénégal un spot publicitaire d’une de vos marques de détergent. Y a-t-il des besoins ou des spécificités propres à ces marchés ?
Oui, les produits ne peuvent pas être les mêmes. Nous sommes obligés de faire des tests consommateurs comme on le fait au Maroc (dosages des composants actifs, mousse, parfum, etc). Il s’agit aussi de chercher un compromis entre un coût de revient acceptable, un prix compétitif et un produit qui plaît. Donc, le Magix sénégalais n’est pas le Magix marocain. Ce n’est pas la même formule.

Ce n’est pas le cas pour les «Produits de la mer» puisque vos marques sont destinées exclusivement aux marchés de l’export. Pourquoi pas le Maroc ?
Le marché marocain des conserves de poisson est déstructuré voir désorganisé avec des prix de vente très bas. Ayant généralement une durée de péremption très courte, les produits lancés sur le marché local ne sont pas acceptés à l’export. Il faut savoir qu’une conserve a une durée de vie de six mois. Nous n’arrivons pas à faire une vraie politique pour servir le marché local parce que les prix ne le permettent pas.

Vous avez annoncé début février l’entrée dans le capital de Mutandis d’un fonds  d’investissement du nom de Capital North Africa Venture Fund II pour  100 MDH. Quel est l’objectif de cette opération ? 
En juillet 2015, les actionnaires se sont réunis et ont opéré deux augmentations de capital. L’une est réservée à des fonds de capital risque internationaux et l’autre par voie d’introduction en bourse. L’objectif est d’attirer des investisseurs internationaux de renom comme la BEI, la SFI, la BERD, la BEI et la SFI qui, à travers leurs réseaux d’entreprises et de relations, notamment en Afrique, apportent de la crédibilité et de la visibilité à Mutandis. En tout état de cause, l’arrivée de ce fonds devait intervenir avant l’IPO. C’est un placement pré-IPO. L’idée est justement de préparer l’introduction en bourse. Ledit fonds devait rentrer dans le capital à un niveau de prix cohérent (avec une légère décote) comparativement à celui qu’on imagine pour l’IPO et il est possible qu’on ait un deuxième fonds qui rentre avant l’introduction en bourse.

Avez-vous fixé un montant plafond pour l’entrée de ce deuxième fonds ?
Le montant plafond du capital ouvert aux deux opérations et à ces deux fonds est de 200 à 220 MDH. L’objectif est de financer nos acquisitions en fonds propres et non pas par dette.

Où en est le projet de l’introduction en Bourse de Mutandis qui, rappelons-le, a été repoussé par l’AMMC pour un complément d’information, à titre officiel et pour incohérence des statuts de l’entreprise,
à titre officieux ?
Nous discutons toujours des dispositions statutaires qui conviennent.

Ce report étalé dans le temps de l’IPO ainsi que le mutisme des autorités à ce sujet ne risquent-ils pas de réduire les chances de succès de l’introduction de Mutandis, si introduction il y a ?
Ce qui compte le plus dans une introduction en Bourse, c’est bien la qualité de l’entreprise. Celle-ci doit être belle, rentable, bien gérée et transparente. On vend quoi et à quel prix ? C’est ça qui fait le succès d’une IPO. Si Mutandis n’est pas belle, des institutions comme la BEI, la BERD et la SFI n’auraient pas dû rejoindre son capital.

Comment voyez-vous le niveau net de l’endettement actuel, situé à 41% des capitaux de Mutandis ?
C’est un niveau raisonnable pour une entreprise industrielle, mais nous n’ajouterons pas de dettes. Les analystes suivent un autre ratio non moins important (total dettes /excédent brut d’exploitation). Après l’augmentation du capital ouverte à CNAVFII, ce ratio est de 2 contre un niveau maximum usuellement admis à 4. Autrement dit, nous pouvons aller jusqu’à atteindre 600 MDH de dettes, contre 350 MDH actuellement. De toute façon, nous pouvons toujours faire des augmentations de capital avec des fonds de capital risque, en attendant de plancher sur les statuts et l’introduction en Bourse.

La conjoncture économique et boursière serait-elle toujours favorable à l’introduction de Mutandis ?
La Bourse a besoin de beaucoup d’IPO. Il n’y a pas beaucoup d’entreprises au Maroc de la même qualité que Mutandis qui peuvent prétendre s’introduire en Bourse. Je pense que la conjoncture est bonne pour l’IPO de Mutandis.  


Univers Motors ouvrira bientôt son capital

Interrogé au sujet de la sortie de l’activité automobile du périmètre de Mutandis, Adil Douiri nous explique que cette décision lui a été recommandée par la banque d’affaire qui l’accompagne dans la préparation de l’IPO. Un choix motivé par la nature de l’automobile et son cycle de consommation durable. «L’activité automobile n’est pas aussi mûre et mature pour une introduction en Bourse. Nos conseillers nous ont recommandé d’avoir une Mutandis qui soit pure et simple, n’englobant que des biens de consommation quotidiens», souligne Douiri. Ce dernier nie la rumeur d’une éventuelle cession d’Univers Motors. «Nous avons plutôt discuté une ouverture du capital avec des fonds de capital risque», révèle le président fondateur de Mutandis. Et d’ajouter : «Nous allons attendre un an avant d’entamer cette opération, le temps de recevoir de nouveaux modèles, notamment chez Seat. Cela valorisera mieux Univers Motors».


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