Les Cahiers des ÉCO

Finance climat : Les collectivités territoriales d’Afrique s’échauffent pour la COP23

Trois principales résolutions ont été prises pour étoffer la feuille de route des Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique, qui sera mise sur la table en mai prochain à Bonn, puis en novembre lors de la COP23. Deux de ces résolutions proviennent de recommandations du forum tenu l’année dernière à Cotonou, capitale du Bénin.

Les collectivités territoriales d’Afrique bataillent encore fort pour accéder à la finance climat! Réunies sous la bannière de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique), leurs représentants ont organisé un atelier élargi de brainstorming, le 7 avril à Rabat, pour examiner les conditions à remplir afin que les villes et territoires d’Afrique puissent accéder à la finance climat, notamment au Fonds vert climat. C’est dans ce dessein qu’en plus de Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général de CGLU Afrique, cet atelier a réuni une palette de personnalités parmi lesquelles figurent le président du Groupe des négociateurs africains sur les changements climatiques, les représentants du ministère délégué à l’Environnement du Maroc, un représentant du président en exercice de la COP, les représentants du ministère de l’Intérieur marocain qui a appuyé le Sommet mondial des élus locaux et régionaux organisé dans le cadre de la COP22 à Marrakech en novembre 2016, les représentants de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech qui a soutenu scientifiquement les travaux du Sommet mondial des élus locaux et régionaux de Marrakech, les représentants du Fonds d’équipement des communes (FEC), les représentants de deux associations actives dans la problématique de la finance climat (Énergies 2050, Dossiers et débat sur le développement durable – 4D) et des représentants de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Des hommes et femmes d’expérience qui ont fait le déplacement pour plancher huit heures durant sur la question. Au final, trois principales résolutions ont été prises pour étoffer la feuille de route de CGLU qui sera mise sur la table en mai à Bonn, puis en novembre prochain, avec les derniers réglages, lors de la COP23. Deux de ces résolutions proviennent de recommandations du forum tenu l’année dernière à Cotonou, au Bénin. Il s’agit d’abord du fait que les CGLU d’Afrique demandent à ce que le Fonds vert climat, le Fonds mondial pour l’environnement et les autres véhicules de la finance climatique créent un guichet spécifique pour les villes et territoires. Autrement dit, Elong Mbassi et ses acolytes veulent que les différents fonds en vigueur leur réservent un fonds dédié. Ils lorgnent, entre autres, les 300 milliards de dollars que les pays développés se sont engagés à verser dans les caisses du Fonds vert climat durant la période 2017-2019, à raison de 100 milliards chaque année.

Ensuite, comme deuxième résolution, les élus locaux et régionaux d’Afrique souhaitent qu’un programme de renforcement des capacités et d’assistance technique soit élaboré au profit des villes et territoires d’Afrique afin de les rendre aptes à monter des projets éligibles au Fonds vert climat et aux autres véhicules de la finance climat. En effet, l’objectif est de combler le déficit de compétences de l’Afrique qui n’a pas pu déposer de dossiers éligibles depuis Kyoto en 2002. Selon eux, ce programme devrait être défini dans les meilleurs délais pour pouvoir être exécuté entre 2017 et 2019, période qui nous sépare de l’entrée en opération du Fonds vert climat à compter de 2020.

Enfin, la dernière résolution issue de l’atelier de brainstorming -et non des moindres- est une demande des CGLU à faire partie des membres chargés de la gouvernance du Fonds vert climat et de tous les autres véhicules de la finance climat. Selon le secrétaire général des CGLU d’Afrique, «nous continuerons à frapper à la porte jusqu’à obtenir satisfaction. Pour ce faire, nous allons prochainement mettre en place un écosystème où tous ceux qui peuvent porter la voix africaine seront réunis». En attendant, il faut signaler que cet atelier fait suite à plusieurs idées et propositions formulées par les CGLU d’Afrique à l’issue du forum qui les a réunis le 10 septembre 2016 à Cotonou, en préparation à leur participation aux travaux de la COP22 tenu en novembre 2016 à Marrakech.

À cette occasion, les élus locaux et régionaux d’Afrique ont confirmé leur total engagement dans la lutte contre les changements climatiques aux côtés des États et de la communauté internationale, bien que l’Afrique n’ait contribué que marginalement aux dérèglements climatiques actuels. Ils ont recommandé que le maximum de villes et territoires du continent s’engagent dans la mise en œuvre de la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie, avec comme objectif principal d’élaborer et mettre en œuvre des Plans climat au niveau des différents territoires. À Cotonou, les élus locaux et régionaux du continent ont également pris conscience que le sort de la lutte contre les changements climatiques au niveau mondial sera également et de plus en plus intimement lié aux choix que feront les villes et territoires d’Afrique en matière d’efficacité énergétique et de transition écologique.

L’Afrique sera en effet le premier foyer humain de la planète à l’horizon 2050 puisqu’elle comptera alors un peu plus de deux milliards d’habitants. Elle connaît la croissance urbaine la plus rapide au monde, et les experts prévoient que sa population urbaine va tripler en l’espace de 35 ans, passant de 400 millions en 2015 à 1.200 millions d’habitants en 2050. Le choix des trajectoires que l’Afrique prendra par rapport à la maîtrise de l’urbanisation, à la transition et au mix énergétiques, aux modes de production et de consommation en fonction de leur empreinte carbone déterminera donc dans une large mesure le succès ou l’échec de la lutte contre les changements climatiques au niveau de l’ensemble de la planète.

Toujours à Cotonou, les élus locaux et régionaux ont toutefois affirmé que la priorité pour l’Afrique reste d’une part l’accès à l’énergie, et d’autre part l’adaptation aux changements climatiques. S’agissant des questions d’atténuation, ils ont suggéré qu’elles soient traitées à l’occasion des choix à faire par rapport aux modes d’accès à l’énergie et aux solutions privilégiées pour la prévention et la gestion des impacts des changements climatiques. Le forum de Cotonou a également été l’occasion pour les élus locaux et régionaux d’Afrique de rappeler que les fonds alloués dans le cadre du Fonds mondial pour l’environnement et du Protocole de Kyoto à travers le mécanisme de développement propre (MDP) ont très peu bénéficié à l’Afrique (moins de 2%) et très marginalement aux villes et territoires du continent. Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’une des raisons expliquant cette situation est la faible capacité des pays africains à préparer des dossiers éligibles aux financements climatiques mobilisables.

L’autre raison évoquée est le fait que les villes et territoires n’avaient pas d’accès direct aux mécanismes mis en place, leurs demandes devant nécessairement s’inscrire dans le cadre des requêtes présentées par les États, qui naturellement priorisaient avant tout les projets jugés d’intérêt national.

À Cotonou, les élus locaux et régionaux d’Afrique ont également constaté que la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) devra nécessairement impliquer les collectivités territoriales pour être effective. Mieux: ce n’est que si les villes et territoires sont au cœur de la réalisation des engagements volontaires des États que ceux-ci pourront avoir un impact réel au niveau de l’atténuation du réchauffement climatique ou de l’adaptation au changement climatique. C’est pourquoi Elong Mbassi et son équipe plaident pour que leur organisation continentale, Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique) soit reconnue au minimum comme une entité d’exécution, et au mieux comme une agence de mise en œuvre du Fonds vert climat pour pouvoir participer à l’instruction et à l’acheminement des requêtes des villes et territoires d’Afrique à destination dudit fonds et des autres véhicules de la finance climat. 



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