Politique

Réforme du Code pénal : un projet renvoyé aux calendes grecques ?

La balle est dans le camp du chef de gouvernement pour relancer le processus législatif du texte au sein de la Chambre basse. Jusque-là, le dossier n’a jamais été discuté ni par le Conseil de gouvernement ni par l’instance de la majorité, selon nos sources. Plusieurs voix plaident pour une refonte globale du Code pénal.

Le projet de loi modifiant et complétant le Code pénal sera-t-il déterré au cours de cette dernière session parlementaire de la législature ? Rien n’est moins sûr, malgré les demandes insistantes des députés dans ce sens, notamment ceux du PJD, qui saisissent chaque occasion pour appeler le ministre de la Justice à poursuivre le processus législatif du texte qui a été gelé à la phase du dépôt des amendements. Les parlementaires renvoient la balle au département de tutelle pour que ce texte, qui a été transféré en 2016 par le gouvernement de Benkirane, puisse enfin voir le bout du tunnel. Le ministre d’État chargé des droits de l’Homme et des relations avec le Parlement, El Mostapha Ramid, qui est l’initiateur du texte lorsqu’il était ministre de la Justice, s’est même récemment fendu d’un mémorandum publié sur sa page Facebook, dans lequel il appelait à accélérer la cadence d’adoption de ce projet de loi. Le gouvernement compte-t-il, alors, le faire passer avant la fin de son mandat ? Selon nos sources, le dossier n’a jamais été discuté en Conseil de gouvernement et encore moins lors des réunions de la majorité pour rapprocher les points de vue et réviser éventuellement la mouture préparée par l’ancien gouvernement. L’actuel ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader n’a pas, non plus, discuté les dispositions du texte avec les députés de la Commission de la justice et de la législation. Son prédécesseur, en revanche, avait suivi les débats parlementaires autour de ce texte qui divise la majorité. Une grande responsabilité incombe ainsi au chef de l’Exécutif et de la majorité, Saad Dine El Otmani, pour lancer le débat autour de cette question avant de poursuivre le processus législatif au sein de la Chambre basse.

D’ailleurs, rappelons-le, Mohamed Benabdelkader, qui a été interpellé, à maintes reprises, sur ce dossier tant en commission qu’en séances plénières, a expliqué aux députés que cette réforme à caractère politique nécessitait, non seulement l’approbation du ministère de la Justice, mais aussi l’aval de l’institution du gouvernement et les orientations du chef de gouvernement, Saad Dine El Otmani. Or, justement, ce dernier a lui-même déjà déploré le retard d’adoption du texte, appelant les parlementaires à adopter le projet de loi. C’est dire que les deux parties ne cessent de se renvoyer la balle. Le président de la Chambre des représentants a récemment saisi l’Exécutif autour de ce dossier. En effet, les députés ne peuvent pas programmer la séance d’adoption des amendements sans la présence du gouvernement même si le règlement intérieur le leur permet. À cela, s’ajoute la difficulté de rapprocher les points de vue des composantes de la majorité, car malgré les différentes tentatives pour accorder les violons des groupes de la majorité, le blocage perdure.

Le texte est au point mort depuis que le PJD a retiré l’amendement portant sur l’enrichissement illicite de la liste des propositions de la majorité, suscitant l’ire des autres groupes parlementaires de la coalition gouvernementale. Ceux-ci estiment nécessaire de relancer le processus législatif en permettant à chacune des composantes de la majorité de déposer de nouveau leurs amendements. Tout porte à croire que le texte ne passera pas au cours de ce mandat, d’autant que de plus en plus de voix plaident plutôt pour une refonte globale du Code pénal. Le besoin se fait sentir de lancer un débat national sur la politique pénale en vue d’implémenter les dispositions de la Constitution en matière des libertés.

Certains estiment que la société marocaine est encore conservatrice et que, par conséquent, les réformes devront être mises en œuvre progressivement. Mais cela reflète-t-il réellement la réalité ? L’actuel projet de loi modifiant et complétant le Code pénal ne porte que sur quelque 83 articles, sur plus de 600. Il reste à plancher sur plusieurs points sensibles. Le gouvernement et le Parlement sont, en effet, appelés à prendre en considération les changements qu’a connus la société marocaine au cours des dernières années. D’aucuns soulignent que la révision du Code pénal, qui date de soixante ans, s’impose pour s’adapter aux mutations sociales, aux exigences constitutionnelles et aux dispositions des conventions internationales ratifiées par le Maroc.

À cet égard, plusieurs recommandations ont été émises par le Conseil national des droits de l’Homme. À titre d’exemple, le Code pénal ne doit plus être impliqué dans les «relations individuelles intimes» sauf cas exceptionnels, comme lorsqu’elles sont caractérisées par une violence ou par des conditions imposant une protection spéciale. Le consentement doit être considéré comme «la pierre angulaire» dans les relations entre adultes, car cela ne nuit pas à l’ordre général ou privé. Plusieurs autres points importants doivent être largement débattus pour élaborer une politique pénale qui reflète le développement de la société marocaine, comme l’autorisation de l’avortement. Le projet de loi qui est entre les mains des députés est basé, à ce titre, sur les recommandations de la commission royale qui a planché sur le dossier. Cela étant, il s’avère nécessaire de se conformer à la réalité du terrain marquée par l’avortement clandestin et de mettre fin à ce phénomène de manière rationnelle. À la veille des élections, il serait difficile de lancer un débat national autour de la révision de la politique pénale. 

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco



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