PLF2022 : l’opposition en rangs serrés
Les formations de l’opposition présentent, en commun, des propositions d’amendements au projet de loi de Finances. L’élargissement de cette coordination à d’autres dossiers, qui ne divisent pas sur le plan idéologique, n’est pas exclu.
L’opposition a décidé de serrer les rangs lors de la phase décisive du vote des amendements au projet de loi de Finances. L’Union socialiste des forces populaires (USFP), le Mouvement populaire (MP), le parti du progrès et du socialisme (PPS) et le parti de la justice et du développement (PJD) ont fait front commun pour présenter leurs propositions d’amendements.
Contacté par Les Inspirations ÉCO, le président du groupe parlementaire du PPS à la Chambre basse, Rachid Hamouni, explique cette initiative par la vision commune des quatre composantes de l’opposition sur le projet de budget, un texte qui ne divise pas sur le plan idéologique. Le président du groupe parlementaire du parti de la rose, Abderrahim Chahid, a été désigné en tant que premier coordonnateur des quatre composantes de l’opposition en raison du poids numérique de l’USFP. Cette fonction sera exercée à tour de rôle par les «alliés» de l’opposition lors des prochaines sessions parlementaires. Les députés des quatre partis politiques ne comptent pas lâcher du lest sur plusieurs dossiers. Ainsi, la mission du duo du département de l’Économie et des finances ne sera pas facile. Les deux responsables gouvernementaux sont appelés à expliquer aux députés les motifs du rejet de chaque proposition d’amendement. Le gouvernement pourra, cependant, tirer son épingle du jeu grâce à l’appui des parlementaires de sa majorité, comme à l’accoutumée. L’Exécutif pourra aussi brandir la carte de l’article 77 de la Constitution pour «opposer, de manière motivée, l’irrecevabilité à toute proposition ou amendement formulés par les membres du Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la loi de Finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation des charges publiques». Cette disposition constitutionnelle été déjà utilisée par les précédents grands argentiers du Royaume.
Impôt sur la fortune : la sempiternelle doléance
Les débats s’annoncent animés lors de la prochaine réunion de la Commission des finances et du développement économique. L’opposition entend soulever plusieurs questions durant la séance d’adoption du texte, dont le sempiternel dossier de l’impôt sur la fortune. Ce sujet a été évoqué aussi par le président du groupe parlementaire de l’Istiqlal, Noureddine Mediane lors de la discussion du projet de budget en commission. Difficile, donc, pour les députés du parti de la balance de rejeter cet amendement au cas où il serait proposé. L’instauration de l’impôt sur la fortune est, chaque année, remise sur le tapis tant par les députés que les conseillers qui sont nombreux à reprocher au gouvernement de chercher des solutions fiscales simplistes au lieu d’explorer cette piste qui recèle, selon eux, un grand manque à gagner, surtout en cette période de vaches maigres. Mais, le gouvernement, rappelons-le, a toujours opposé un niet catégorique à cette proposition. On s’attend aussi à ce que les propositions d’amendements portent sur les nouvelles dispositions fiscales. Il s’agit, notamment, de l’élargissement de la révision de l’abattement forfaitaire appliqué aux revenus salariaux versés aux sportifs professionnels ainsi qu’à d’autres catégories, également frappées de plein fouet par les répercussions de la crise sanitaire, dont les artistes. Quant à la suppression de la progressivité des taux du barème actuel de l’IS et l’adoption d’un mode de calcul selon des taux proportionnels, elle a été vivement critiquée par certains députés de l’opposition. Selon le gouvernement, cette mesure vise à assurer la convergence progressive vers un taux proportionnel unifié en matière d’IS. Par ailleurs, la réduction du taux de cotisation minimale de 0,50 % à 0,45 %, pour les entreprises dont le résultat courant hors amortissement est déclaré positif, est jugé insuffisante, comme le souligne Rachid Hamouni. Cette mesure fiscale, proposée par le gouvernement, ne coûtera que 177 millions de dirhams. Aussi, est-il proposé de réduire ce taux à 0,40%, voire 0,35%. En ce qui concerne la contribution professionnelle unique, il s’avère nécessaire, selon le président du groupe parlementaire du PPS, de définir clairement l’ensemble des professions assujetties à cet impôt.
Opposition : Quel poids réel ?
Les quatre composantes de l’opposition vont-elles étendre leur coordination à d’autres dossiers ? Cette option n’est pas exclue. Hormis les dossiers qui pourraient diviser les quatre partis sur le plan idéologique, l’opposition pourrait affronter le gouvernement en rangs unis, surtout à la Chambre basse. Deux composantes de la gauche gagneraient à colmater les brèches de leurs relations et à se rapprocher pour donner un coup de fouet à l’opposition : l’USFP et le PPS pourraient, en effet, animer les débats parlementaires durant la onzième législature. La coordination avec d’autres partis de l’opposition leur permettrait de marquer de leur empreinte l’action parlementaire. Bien que leur poids numérique ne leur permette pas d’introduire des amendements de fond sur le plan législatif, les partis de l’opposition peuvent actionner plusieurs mécanismes de contrôle, dont la création de commissions d’enquête parlementaires. En ce début de législature, beaucoup d’attentes sont nourries dans l’opposition qui est toujours taxée de faiblesse. Les formations de concernées réfutent ce reproche, estimant que le plus important est de présenter des alternatives au gouvernement et ne pas verser dans les surenchères politiciennes.
Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO