Participation politique des MRE : une option écartée en 2021 ?
Les projets de lois électorales qui seront discutés par le parlement n’instaurent pas la représentation politique des Marocains résidant à l’étranger contrairement à ce qui était attendu. Le sujet sera de nouveau discuté au sein des deux chambres. Concrètement, comment peut-on assurer la participation politique des MRE qui est techniquement difficile ?
Les partis politiques continuent de plaider pour l’activation de l’article 17 de la Constitution qui permet aux Marocains résidant à l’étranger (MRE) de participer aux élections en tant qu’électeurs et candidats. Selon la loi fondamentale, « ils peuvent se porter candidats aux élections au niveau des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales ». Le dossier de la représentativité politique de la communauté marocaine vivant à l’étranger a été soulevé lors des concertations autour de la réforme électorale. Finalement, les projets de loi qui ont été élaborés par le ministère de l’Intérieur ne font pas référence à cette question. La balle est désormais dans le camp des parlementaires pour y introduire des amendements et permettre aux MRE d’accéder au parlement. Or, les députés risquent de se heurter au veto du ministre de l’Intérieur en raison des difficultés techniques ayant trait à la concrétisation de cet objectif. Rappelons à cet égard que la carte logistique et financière a été déjà brandie par l’exécutif pour justifier le retard dans l’opérationnalisation des dispositions constitutionnelles relatives à la participation politique des Marocains du monde. Si le principe fait l’objet de consensus, il n’en demeure pas moins que sa mise en œuvre nécessite une ferme volonté politique pour dépasser les obstacles techniques qui la bloquent dont « l’éparpillement» dans les quatre coins du globe des Marocains du monde dont le nombre est estimé à plus de cinq millions de citoyens soit plus de 12 % de la population marocaine.
L’expérience de 1984 infructueuse
L’instauration de la participation politique des MRE ne s’annonce pas de tout repos. Idéalement, il faudra assurer une mobilisation totale au niveau de tous les pays de résidence pour élire des représentants des MRE au niveau des circonscriptions à l’étranger et permettre aux Marocains de voter dans les consulats et les ambassades. Ce qui nécessite des moyens logistiques et financiers très lourds surtout en ces temps de crise. À cela s’ajoute une problématique de taille qu’il faudra trancher : sur quelle base va-t-on calculer et répartir cette représentativité. L’expérience que le Maroc a menée en 1984 n’a pas porté ses fruits. La communauté marocaine à l’étranger était représentée par cinq députés. Mais cet exercice s’est heurté à plusieurs obstacles dont l’étendue de la superficie des circonscriptions et le grand nombre de MRE que représentaient les parlementaires issus des Marocains du monde. Aujourd’hui, l’enjeu est de tirer les enseignements de l’expérience précédente pour mettre en place un système efficace et représentatif. D’aucuns soulignent que le développement des moyens d’information et de communication pourrait faciliter cette participation politique. Quelques pistes favorisant la représentativité politique des MRE ont été proposées par les partis politiques à travers la mise en place de mécanismes simples et facilement gérables. À titre d’exemple, le PJD plaide pour la nécessité d’instituer le vote dans le pays de résidence et d’instaurer une liste nationale au profit des MRE à l’instar de celle qui a été dédiée, jusque-là, aux femmes et aux jeunes en vue que les Marocains du monde soient représentés à la chambre basse. Le parti de l’Union constitutionnelle, quant à lui, prône une représentativité au niveau de la Chambre des conseillers. Du côté des partis de l’opposition (PAM, Istiqlal et PPS), on appelle à assurer la présence des MRE à la chambre des représentants à travers les listes régionales. D’ailleurs, plusieurs formations partisanes se sont engagées auprès de la coordination des partis politiques marocains à l’étranger à attribuer des sièges aux représentants des MRE au niveau des circonscriptions régionales. Mais celles-ci, telles qu’elles sont prévues dans le projet de loi organique sur la chambre des représentants, ne permettront l’élection que de candidates femmes. Les partis politiques pourraient éventuellement consacrer quelques sièges à des Marocaines résidentes à l’étranger, mais il faudrait qu’ils justifient leurs choix auprès de leurs militantes.
Des propositions de loi gelées
Le débat autour de la participation politique des MRE ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait des années que les partis politiques appellent à activer les dispositions constitutionnelles en la matière. Les propositions de loi relatives à ce dossier sont gelées dans les bureaux des commissions. À titre d’exemple, celle présentée par le PJD, à la veille des élections législatives de 2016, prône la création de quatre circonscriptions pour garantir au moins 16 sièges aux MRE à la chambre des représentants tout en prenant en considération le critère démographique et l’ajout d’une treizième région, avec la garantie d’une représentativité des femmes résidant à l’étranger. Le groupe parlementaire de l’Istiqlal a déposé en 2014 une proposition de loi prônant de porter le nombre des membres de la chambre des représentants de 395 à 455 pour inclure quelque 60 MRE élus au niveau des circonscriptions électorales qui seront définies par décret ( 70 % pour l’Europe, 15 % pour l’Afrique, 10 % pour l’Amérique et 5 % pour la région arabo-asiatique). Pour sa part, le groupe parlementaire socialiste avait proposé de consacrer 30 sièges aux Marocains du monde.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco