Parlement : une session aux multiples enjeux
Les parlementaires reprendront les bancs de l’Hémicycle vendredi prochain pour entamer la dernière année de cette législature. Pour cette rentrée parlementaire, les défis à relever sont énormes, tant sur le plan législatif que celui du contrôle. Les parlementaires devront accélérer la cadence pour passer nombre de textes en suspens et d’autres qui leur seront bientôt soumis par le gouvernement, notamment le projet de loi de Finances et les textes électoraux.
Les enjeux sont de taille pour la session automnale qui sera, comme à l’accoutumée, inaugurée par le souverain. Le discours royal est considéré par les parlementaires et la classe politique comme la feuille de route de toute l’année. Sur le plan législatif, une grande responsabilité incombe aux députés et conseillers en vue de faire passer un maximum de réformes au cours de cette dernière année législative, parallèlement à l’examen du projet de loi de Finances de 2021 qui devra être transféré à la Chambre des représentants, avant le 20 octobre et qui accapare une grande partie de la session d’automne. Ce texte sera accompagné par d’autres projets de lois importants, comme l’a déjà annoncé le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun. Ces textes, qui visent la concrétisation des orientations royales, devront permettre la mise en place de trois chantiers stratégiques : la généralisation de la couverture sociale à toute la population marocaine, la création de l’agence nationale chargée de gérer les contributions de l’État et d’évaluer leur performance, et la mise en place du fonds d’investissement stratégique. L’argentier du royaume espère l’accélération de la cadence de leur adoption pour que la mise en œuvre de leurs dispositions soit entamée dès janvier 2021. Mais avant cette étape décisive, on s’attend à ce que les députés parviennent à faire passer en plénière le projet de loi relative à l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption qui devra être bientôt adopté en commission après l’introduction des amendements des différents groupes parlementaires.
Benchaâboun nourrit l’espoir que ce texte franchira aussi le cap du Parlement au cours de la session parlementaire d’automne.
Dans le même cadre, un autre projet sur la lutte contre les conflits d’intérêts préparé par le département de la Réforme de l’administration devra être bientôt soumis à la Chambre des représentants pour compléter l’arsenal juridique ayant trait au dossier épineux de la lutte contre la corruption.
Par ailleurs, les composantes du Parlement devront accorder leurs violons pour faire passer d’autres textes au point mort au Parlement. On peut notamment citer le projet de loi complétant et modifiant le Code pénal qui est bloqué à la Chambre basse, depuis 2016. Plusieurs groupes parlementaires entendent mettre fin au blocage, qui n’a que trop duré, pour adopter enfin ledit texte au cours de cette dernière année législative. En tout cas, les groupes de l’opposition et le groupe du PJD ont déjà déposé leurs propositions d’amendements et appellent à la poursuite du parcours législatif de ce texte en programmant une réunion de vote dans les plus brefs délais.
À ce titre, le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki est très attendu par certains groupes parlementaires en vue de rapprocher les points de vue à ce sujet. Rappelons à cet égard que ce sont les dispositions ayant trait à la lutte contre l’enrichissement illicite qui constituent la principale pierre d’achoppement entre les composantes de la majorité. Tout porte à croire que le conflit autour de ce texte déteindra sur les travaux parlementaires au cours de cette dernière année législative de l’actuel mandat parlementaire. La session automnale devra connaître, vers sa fin, l’examen des projets de lois électorales qui seront transférés par le ministère de l’Intérieur. Ces textes doivent être fin prêts d’ici fin décembre, selon les estimations initiales. Mais avant cette étape, il faut rapprocher les points de vue des partis politiques sur certaines questions de discorde, et à leur tête le quotient électoral. Comme à l’accoutumée, on s’attend à des débats animés au sein de la commission de l’Intérieur entre les parlementaires qui n’auront que peu de temps pour la discussion et l’amendement de ces textes décisifs pour l’opération électorale.
Sur le plan du contrôle, les yeux seront rivés principalement sur la mission parlementaire qui sera constituée par la commission des secteurs sociaux sur les marchés publics passés par le ministère de la Santé pour la gestion de la crise sanitaire. L’objectif étant de jeter la lumière sur la légalité de ces marchés qui ont suscité nombre de critiques. Soulignons à cet égard que le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb avait balayé d’un revers de la main toutes les accusations et avait même souligné que son équipe et lui-même étaient prêts à déposer leurs déclarations de patrimoine après la gestion de la crise sanitaire. Les députés se penchent également sur la législation relative au système de santé. Le groupe de travail thématique qui a été récemment créé devra livrer son verdict au cours de la session d’automne sur plusieurs dossiers relatifs aux infrastructures, aux ressources humaines, à la justice territoriale en matière d’accès aux soins et à la gouvernance en matière de gouvernance et de gestion des programmes relatifs au secteur de la santé.
À cet égard, les auditions avec les acteurs concernés ont été déjà entamées. La santé sera aussi l’un des sujets principaux des séances plénières des questions orales qui seront entamées dès la semaine prochaine. Le ministre de la Santé devra répondre aux questions des députés lors de la plénière du 26 octobre. Une séance qui connaîtra aussi l’interpellation du ministre de l’Intérieur. Mais avant cela, les ministres de l’Enseignement et de l’Agriculture seront interpellés par les parlementaires, le 12 octobre, et le chef de gouvernement devra passer son grand oral, le 19 octobre. Saad Dine El Otmani devra s’exprimer sur la politique gouvernementale en matière de gestion des développements de la situation épidémiologique. Son oral ne sera pas facile face aux critiques acerbes de l’opposition qui n’hésite pas à épingler les décisions gouvernementales depuis la sortie du confinement.
Chambre des représentants : Réformes internes en vue
Pour cette rentrée parlementaire, l’enjeu pour la Chambre basse est de pouvoir lancer nombre de réformes internes déjà annoncées, mais qui peinent à voir le bout du tunnel. Quelques actions sont en vue par la Chambre des représentants, dont le bureau a affiché, à plusieurs reprises, sa détermination à redresser les dysfonctionnements qui émaillent tant le rendement que l’image parlementaires, à commencer par la réforme de la séance des questions orales. Mais il faut dire que sans l’adhésion de toutes les composantes de la Chambre basse, les réformes souhaitées resteront des vœux pieux. Parfois il s’avère difficile non pas d’instaurer de nouvelles réformes, mais d’appliquer les dispositions du règlement intérieur. On peut citer, à titre d’exemple, la lutte contre l’absentéisme. Les mesures disciplinaires à l’encontre des députés absentéistes n’ont été activées par la Chambre des représentants qu’au cours de cette législature. Il reste à étendre cette initiative aux travaux des commissions permanentes pour compléter le dispositif.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco