Lutte contre la corruption : le Maroc perd (encore) des places
La lutte contre la corruption demeure plombée par de nombreuses insuffisances qui entachent la mise en œuvre de la stratégie nationale, selon Transparency Maroc. L’organisation émet plusieurs recommandations pour remédier à cette situation.
Les principaux indicateurs recueillis par Transparency Maroc, pour le compte de l’année 2021, montrent que les risques de corruption sont de plus en plus pesants sur le pays. Pour Azzeddine Akesbi, membre dirigeant de l’ONG marocaine, la réforme du statut de l’instance nationale de probité n’a pas encore permis à cette dernière de remplir ses missions, en raison du retard constaté dans la mise en place du conseil, qui sera composé de 12 membres. «On peut se poser des questions sur la volonté politique de combattre la corruption», a indiqué Akesbi, citant plusieurs facteurs qui empêchent de mener une véritable politique de lutte contre la corruption.
«On ne peut guère être fier du score obtenu -qui est de 39- lequel nous place dans le groupe des pays considérés comme les plus exposés au risque de corruption», indique le rapport de Transparency.
Ce dernier, qui porte sur la période 2020-2021 et s’est basé sur plusieurs critères d’analyse, confirme l’évolution défavorable du Royaume. En effet, ce dernier perd trois places en occupant le 87e rang dans le classement mondial, ce qui «montre que les efforts déployés restent insuffisants», souligne l’argumentaire de l’ONG marocaine.
Au sein de la région arabe, le Maroc se positionne en milieu de tableau. Par ailleurs, les scores enregistrés, sur l’ensemble des indicateurs de l’année écoulée, n’ont pas connu d’amélioration notable. Ainsi, le rapport souligne «les déficits de transparence dans la gestion des affaires publiques, souvent en lien avec les défaillances inhérentes à l’ensemble du système national d’intégrité». Concernant le dispositif destiné à améliorer l’accès à l’information budgétaire, Transparency Maroc a relevé que l’indice du budget ouvert n’a pas pu s’apprécier en raison «de la non publication, dans les délais, du rapport préalable du budget et celui de la fin de l’exercice budgétaire». En affichant un score de 43/100 pour cet indicateur, le Maroc se contente de «délivrer l’information minimale». l’ONG conclut son rapport en formulant une recommandation consistant en la publication en ligne, par les autorités, de huit rapports d’accompagnement du budget, cette mesure devant intervenir préalablement à l’étape de discussion parlementaire du projet.
Les principaux griefs
Comme chaque année, l’évaluation de Transparency s’est focalisée sur les quatre indicateurs fondamentaux que sont l’indice de perception de la corruption, le volet de la défense, la liberté de la presse et la transparence du budget. À noter que les critères utilisés pour établir ce classement annuel, dans lequel figure le Maroc, ont été élaborés par treize instances internationales. Ces dernières ont mis, dans ce cadre, un accent particulier sur l’impact des réformes déjà entreprises. Pour l’année 2021, les principales observations concernent «l’absence d’une volonté de lutter contre le phénomène», et le fait que «le Maroc n’arriverait pas à s’extirper du niveau «supérieur» de la corruption, ce qui n’est pas un fait nouveau», selon l’ONG. La note obtenue durant l’année écoulée, de l’ordre de 39/100, montre par ailleurs la persistance d’indicateurs inquiétants. «La principale conclusion est qu’on n’avance pas dans cette problématique de lutte contre la corruption, en dépit du discours officiel et des réformes légales et réglementaires censées lutter contre le phénomène». La note obtenue par le Royaume traduirait ainsi le faible impact des mesures adoptées. Transparency insiste à ce que les pouvoirs publics affichent une volonté plus forte d’activer les lois en vigueur. Cette condition étant jugée nécessaire pour opérer une véritable rupture avec cet état des lieux qui dure depuis 2017, et fait perdre au pays des places précieuses dans le classement mondial de perception de la corruption.
À souligner aussi que l’approche prônée par Transparency met en exergue la contribution des citoyens au façonnement du budget annuel. La note obtenue, dans ce cadre, n’est que de 6/100, alors que celle attribuée au Parlement, relative à son influence positive lors de l’examen des lois de Finances, n’a pas dépassé 40/100. Sont évoquées aussi, dans ce rapport annuel, les exigences en matière de protection des deniers publics, avec la nécessité de prévoir un mécanisme impliquant les citoyens et les associations». Le suivi et l’évaluation des politiques publiques devront, quant à eux, s’adapter aux standards internationaux, notamment pour renforcer le rôle de la Cour des comptes et des commissions parlementaires des finances publiques. Transparency insiste, dans ce registre, à ce que «la Cour des comptes soit entièrement autonome de l’Exécutif, en vue de permettre aux audits réalisés de produire les effet escomptés».
Younes Bennajah / Les Inspirations ÉCO