Échiquier politique : comment former la prochaine coalition gouvernementale?
Le compte à rebours est enclenché pour les prochaines élections, dont l’un des enjeux fondamentaux porte sur la formation d’une alliance gouvernementale cohérente en vue de mettre en œuvre les orientations du Nouveau modèle de développement et d’activer les dispositions constitutionnelles. Les rapprochements politiques commencent à prendre forme.
De grands défis attendent les partis politiques, qui mettent, depuis des semaines, les petits plats dans les grands, dans l’espoir d’améliorer leur score aux prochaines élections prévues dans trois mois. Les enjeux sont de taille. Ils n’ont pas trait uniquement à la nécessité de réviser les programmes électoraux à l’aune du Nouveau modèle de développement (NMD), mais aussi demeure l’impératif de former des coalitions homogènes à même de mettre en œuvre les nouvelles orientations. D’aucuns soulignent que l’enjeu est d’éviter de reproduire le blocage de 2016, qui a débouché l’année suivante sur la formation d’un gouvernement vertement critiqué pour le manque de cohésion entre ses composantes.
Cette accusation est pourtant rejetée par le PJD, qui dirige l’alliance gouvernementale, en dépit du bras de fer serré avec certains de ses alliés. Le parti, qui est de plus en plus isolé au sein de l’échiquier politique, essaie, malgré tout, de se positionner et de gagner des points, d’abord en lançant son «offre politique d’étape» et de «l’initiative politique et de droits de l’Homme », qui suscitent plusieurs interrogations en raison du contexte (veille des élections), et ensuite en tentant de se rapprocher d’autres formations politiques, à commencer par le Mouvement populaire.
Lors de la rencontre tenue mardi dernier avec le chef de file du parti de l’épi de blé, Saad Dine El Otmani a indiqué qu’il s’agissait de renouveler l’engagement politique entre les deux formations, tout en étant ouvert aux autres composantes politiques. Même son de cloche chez Mohand Laenser qui, bien qu’il ait tenu à préciser que cette rencontre ne s’inscrivait pas dans le cadre du contexte électoral, a laissé entendre que son parti était prêt à s’allier de nouveau avec le parti de la lampe.
Le MP nourrit, en effet, l’espoir de faire mieux aux élections de 2021 et de retrouver son poids électoral d’avant 2007. Le parti de l’épi, rappelons-le, n’a décroché que 27 sièges en 2016, soit une perte de cinq sièges par rapport aux législatives de 2011 et de 14 sièges par rapport à celles de 2007. L’expérience montre que ce parti pourrait compléter toute alliance sur le plan numérique. Les «Harakis» espèrent que les instances dirigeantes donneront la priorité aux militants, en cas de participation de leur parti au prochain gouvernement.
Il faut dire que la répartition des portefeuilles ministériels en 2017 et l’entrée au gouvernement de technocrates peints aux couleurs du MP avaient engendré une énorme déception au niveau interne, d’anciens ministres reprochant au secrétaire général de les avoir exclus de l’équipe gouvernementale. La pilule était, au départ, difficile à faire avaler à certains caciques du parti.
Selon un dirigeant du MP, aujourd’hui, il est encore tôt pour se prononcer sur les alliances tant que les résultats ne sont pas connus. En tout cas, le parti de l’épi espère, grâce au nouveau quotient électoral, améliorer son score aux prochaines élections législatives. On s’attend en effet à ce que la nouvelle méthode de calcul permette de diminuer l’écart entre les partis politiques.
Selon les pronostics, le premier parti ne parviendra à décrocher qu’entre 80 et 85 sièges dans les meilleurs des cas. Il devra alors composer avec les partis qui auront atteint les plus hautes marches du podium. Logiquement, la coalition gouvernementale devra se former sur la base des programmes électoraux en vue de mettre en place un programme gouvernemental cohérent. La mise en œuvre de ce programme, ainsi que des dispositions constitutionnelles, constitue l’enjeu principal pour le prochain Exécutif, selon les observateurs. À cela s’ajoute un élément on ne peut plus fondamental : la bonne gestion du temps politique, qui devra être érigée en priorité, comme le précise le rapport sur le Nouveau modèle de développement.
En effet, la Commission spéciale sur le modèle de développement pointe la lenteur dans la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle de 2011 et attribue cet état de fait en partie au contexte politique nouveau, né à la suite de la mise en application des dispositions de la loi fondamentale en rapport avec la formation de gouvernement par le parti arrivé en tête des élections.
Selon le rapport, «alors même que les pouvoirs et attributions du gouvernement ont été fortement étendus par la Constitution, les coalitions gouvernementales successives ont été marquées par des tensions récurrentes et par une dynamique politique peu propice à la convergence des acteurs autour d’une vision de développement économique et social mettant le citoyen au centre et permettant de concrétiser l’esprit de la nouvelle Constitution».
Cette situation a contribué, d’après les conclusions de la commission, à ralentir le processus des réformes et à laisser s’installer «un climat profond de défiance, sur fond de ralentissement de la croissance économique et de détérioration des services publics».
Gouvernement : les principales attentes
La Commission spéciale sur le modèle de développement met l’accent sur la nécessité du changement de la culture politique pour qu’elle soit en phase avec une interprétation «constructive et responsable» de la notion de majorité gouvernementale, «qui doit être portée avant toute chose par la convergence des programmes politiques et électoraux». Le gouvernement est appelé à être responsable à son niveau de l’alignement et la coordination horizontale de son action, entre les différents ministères et institutions sous son contrôle, et ce, en alignement avec les orientations royales.
L’Exécutif doit aussi avoir une «structure lisible et efficace», apte à interagir positivement avec les autres institutions constitutionnelles. Il est également appelé à coordonner son action avec les autres partenaires et forces vives du pays conformément à la vision stratégique portée par le chef de l’État. À cet égard, il est proposé d’organiser le gouvernement en grands pôles ministériels. À cela s’ajoute la mise en place ou le renforcement de mécanismes d’appui à la coordination et au suivi. Une unité d’appui à la mise en œuvre et au suivi de la performance des politiques publiques et réformes devra, par ailleurs, être institutionnalisée au niveau du chef de gouvernement.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco