Sommet UA-UE : Libérer le potentiel africain
Quelque 83 chefs d’État et de gouvernement, en plus des 5000 autres participants, sont attendus, pour deux jours, au sommet UA-UE. La sécurité, la jeunesse et la migration seront au centre des débats.
Les deux organismes d’intégrations européen et africain se donnent rendez-vous aujourd’hui, à Abidjan, au sommet UA-UE pour débattre de l’avenir commun des deux continents. Quelque 83 chefs d’État et de gouvernement, en plus des 5000 autres participants, y sont attendus pour deux jours. Le 5e sommet du genre sera placé sous le thème «Investir dans la jeunesse pour un développement durable». Ironie du calendrier ou lobbying dans les coulisses, l’évènement arrive à point nommé pour la diplomatie marocaine, quelques mois seulement après la réintégration du royaume de l’Union africaine. Une dynamique politique s’en est suivie, doublée d’un regain de l’activité économique dont les pays africains ne peuvent faire l’économie. En 2016, la croissance a fortement ralenti en Afrique subsaharienne pour s’établir à 1,5% seulement. Selon les prévisions, elle devrait atteindre un taux de 2,5% en 2017 puis s’améliorer encore en 2018 grâce à la hausse des cours des matières premières et à l’amélioration de la situation intérieure. Il s’agit néanmoins d’une reprise fragile car elle repose essentiellement sur les trois plus grandes économies de la région (Afrique du Sud, Angola et Nigéria) dont la croissance se redresse après un très net ralentissement en 2016.
La forte croissance observée dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) se maintient, soutenue par des investissements dans les infrastructures. En Afrique Orientale, la persistance de la sécheresse, qui sévit depuis 2016 et réduit la production agricole, affecte sérieusement plusieurs pays, en particulier le Kenya. En revanche, d’autres pays connaissent une croissance régulière bien que modérée, tirée par la consommation (Comores), l’investissement dans les infrastructures (Madagascar, Maurice) et le tourisme (Cabo Verde, Seychelles, Maurice).
Cette conjoncture, liée à l’essoufflement du modèle économique, trop subordonné à la demande européenne et asiatique, risque de s’accentuer tant qu’une voie alternative n’a pas été trouvée. Même si la croissance devrait rester soutenue par la demande intérieure dans les économies peu consommatrices de ressources, le resserrement de la liquidité en devises dans les grands pays exportateurs de pétrole ne joue plus en faveur du modèle actuel mais au-delà des facteurs locaux, ce sont les problèmes de sécurité transnationaux, en particulier la criminalité organisée (et notamment la traite des êtres humains) ainsi que le terrorisme qui menacent la stabilité régionale et le développement économique. La dégradation de l’environnement, tant terrestre que maritime, les conséquences du changement climatique et les épidémies de maladies infectieuses telles qu’Ébola risquent également de compromettre les progrès. La famine qui sévit au Soudan du Sud, au Nigeria et en Somalie met en évidence les conséquences de l’insécurité, du changement climatique et de la pénurie de nourriture et d’eau ainsi que les liens entre eux. Ces difficultés ont entraîné des déplacements forcés sans précédent en Afrique. Elles ont également provoqué une augmentation de la migration clandestine, avant tout en Afrique même, mais aussi vers l’Europe, ce qui accroît les pressions qui s’exercent sur les responsables politiques et les systèmes de gouvernance de tous les pays concernés. Jamais auparavant les intérêts de l’UE en matière de sécurité n’ont été aussi étroitement liés à ceux de l’Afrique. En raison du lien direct entre la Libye et le Sahel ou encore entre la Corne de l’Afrique et la région du Golfe, une approche plus stratégique allant au-delà du cadre établi s’impose.
Les menaces qui pèsent sur la sécurité maritime dans la mer Rouge, l’océan Indien et le Golfe de Guinée ont des répercussions directes sur l’économie européenne. Le terrorisme, l’extrémisme violent et la criminalité transnationale organisée (telle que la traite des êtres humains) ainsi que les menaces plus «traditionnelles» pour la paix et la stabilité (conflits intra-étatiques, conflits locaux concernant les ressources, violences électorales, attaques à main armée, actes de piraterie, etc.) constituent tous des symptômes d’une instabilité et d’une fragilité structurelles plus profondes. Du côté africain, l’on aspire à avoir des liens dynamiques et fructueux avec sa diaspora et à être un continent aux frontières sans discontinuité afin de mettre un terme à la fuite des cerveaux ainsi qu’à toutes les formes de migrations illégales et de traite des jeunes tout en encourageant une plus grande mobilité chez, par exemple, les universitaires, les chercheurs et les étudiants. Parmi les autres priorités figurent l’amélioration des mécanismes de rapatriement de fonds et les politiques responsables en matière de migrations économiques.
Plan d’ajustement extérieur
Pour pallier à cet état de fait, un plan d’ajustement extérieur, d’un coût d’environ 44 milliards d’Euros dans le cadre du prochain partenariat entre l’Afrique et l’Europe, pourra être présenté et adopté lors du sommet Union africaine (UA)-Union européenne (UE), annonce-t-on du côté de Bruxelles. Selon la même source, dans le rôle de «principal investisseur étranger en Afrique et premier partenaire dans le domaine du développement et commercial», l’Union européenne a élaboré un instrument spécifique ayant un intérêt stratégique à renforcer et adapter le partenariat avec le continent africain. «Ce plan structurel extérieur vise à renforcer la coopération dans des domaines d’intérêt commun et sur la base d’interactions politiques communes en améliorant le climat d’investissement sur les deux continents, à donner corps à un partenariat axé sur les personnes en renforçant les échanges entre les populations et entre entreprises et en renforçant la coopération avec les autorités locales, le secteur privé et la société civile». Une majeure partie des investissements seront ainsi dirigés vers l’éducation, un domaine où le continent pêche par mauvaise gouvernance. Bien que la participation à l’éducation dans la plupart des pays africains ait considérablement augmenté au cours des dernières décennies, plus de 20% des enfants africains, en particulier les filles, n’achèvent toujours pas leurs études primaires ; quelque 50% n’ont pas accès à l’enseignement secondaire et seuls 7% ont accès à l’enseignement supérieur. Les niveaux actuels de l’apprentissage de base, nécessaire pour que les jeunes puissent poursuivre leurs études dans le cadre de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP) ainsi que de l’enseignement supérieur, sont encore très bas. Une initiative pour «libérer le potentiel africain».
L’Agriculture, le défi de la durabilité.
L’agriculture et notamment l’élevage, la pêche et l’aquaculture sont essentielles pour l’Afrique. Elle représente la principale source de revenus pour environ 90% de la population rurale du continent et constitue d’après les estimations un moyen de subsistance pour 75% de la main-d’œuvre, dont la moitié sont des femmes. La productivité demeure peu élevée et repose sur une agriculture de subsistance à petite échelle et sur la pêche artisanale. Le manque de capitaux, la gestion non durable des ressources, les problèmes relatifs à la propriété foncière et l’insécurité maritime sont les principaux obstacles à la croissance requise. L’UE compte ainsi faciliter les investissements du secteur privé tout au long des chaînes de valeur de l’agroalimentaire, en s’appuyant sur des initiatives telles que l’instrument de financement de l’agriculture (AgriFI), le plan d’investissement extérieur européen proposé (PIE) et le guide de l’OCDE et de la FAO pour des chaînes d’approvisionnement agricoles responsables.