Monde

Quand les « narcos » fanfaronnent sur les réseaux sociaux

Comme le baron de la drogue, Francisco Tejon, arrêté mercredi, les narcotrafiquants du sud de l’Espagne étalent leur vie d’excès sur internet, ulcérant les forces de l’ordre.
Début octobre, le clip de reggaetón « Candela » a fait le tour des réseaux sociaux. Et pour cause : l’interprète cubain de la chanson y est accompagné de Francisco Tejon, chef du clan « Los Castañas », principal réseau de trafic de hashish dans la région. Mais deux semaines après la publication du clip, le trafiquant a été arrêté par la police mercredi à La Linea de la Concepcion, haut lieu du trafic de drogue de la province de Cadix, dans l’extrême sud du pays.

Affrontements violents avec les forces de l’ordre, débarquements de drogue sur la plage en plein jour, attaque d’un hôpital pour libérer l’un des leurs : « Los Castañas » faisaient depuis des mois les gros titres des médias avec leurs agissements spectaculaires. Francisco Tejon était recherché par la police depuis fin 2016, quand il avait échappé avec son frère Antonio à un coup de filet contre leur organisation qui avait abouti à l’arrestation de 30 personnes. Son frère a été arrêté en juin.

La publication du clip, probablement enregistré en septembre dans l’une des propriétés du trafiquant, a ulcéré la police de la province qui concentre 40% des saisies de stupéfiants en Espagne. « Cela démontre le manque de respect qu’ils ont vis-à-vis des forces de l’ordre », affirme José Encinas, responsable provincial du syndicat de gardes civils AUGC.
Car d’autres trafiquants étalent sur internet leur vie d’excès, avec des photos de fêtes et de voitures de sport, des vidéos de débarquements de drogue ou d’eux-mêmes à la barre des bateaux à moteur servant à transporter la drogue depuis le Maroc tout proche.

« Une preuve de plus de l’impunité dont jouissent les narcotrafiquants depuis des décennies » dans la région, affirme aussi Raul Zambrana, porte-parole d’un autre syndicat de gardes civils, l’AEGC. C’est aussi « un reflet de la société dans laquelle nous vivons », estime Francisco Mena, président d’une association locale de lutte contre la drogue. « Les gens normaux mettent leurs voyages, leur vie sociale sur les réseaux sociaux et les narcos font exactement la même chose ».

Les trafiquants veillent habituellement à ne pas donner, dans ces photos et vidéos, des indices aux policiers qui les surveillent de près : visages ou plaques d’immatriculation floutées, lieux non identifiables… Mais début septembre, un compte Instagram anonyme a dévoilé des photos et vidéos dévoilant noms et visages de certains d’entre eux.
Le créateur du compte, resté en ligne seulement quelques heures, « doit être quelqu’un de proche » qui pourrait « avoir participé à certains faits », estime José Encinas.

Les membres de la trentaine de gangs de la région, qui compteraient quelque 3.000 collaborateurs directs, selon les syndicats de police, sont depuis longtemps connus pour leur goût du luxe. »Voitures de luxe, grosses dépenses en bijoux…, ce n’est pas nouveau », confirme Macarena Arroyo, procureure anti-drogue de la région. « Ce qui, de l’extérieur, nous semble extraordinaire, pour eux, c’est normal. Ce n’est pas qu’ils se sentent intouchables, parce que finalement, tous finissent par en avoir assez d’être poursuivis », dit-elle.

Leur vie de flambeurs est aussi selon elle une « façon de vendre ce qu’ils font » et recruter des jeunes dans cette province minée par le chômage, avec plus d’un actif sur quatre sans emploi.

Combattre ces réseaux, qui peuvent payer des centaines d’euros pour un simple travail de guetteur, est en outre compliqué par le manque de moyens que dénoncent les syndicats de police…

 



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