Les témoignages chocs des Marocains bloqués en Espagne
Les Marocains bloqués dans le Sud de l’Espagne sont devant un dilemme cornélien: abandonner leur véhicule et rejoindre le pays par voie aérienne ou entamer une odyssée vers le port de Sète en espérant obtenir le sésame. Témoignages.
Les Marocains coincés dans le Sud de l’Espagne ne savent plus à quel saint se vouer. Alors que les autorités marocaines ont annoncé une ouverture partielle et exceptionnelle des frontières, les concitoyens bloqués en Andalousie font face à un dilemme cornélien. L’exclusion des ports espagnols de cette opération pénalise de nombreux Marocains ayant effectué la traversée à bord de leur véhicule. Résultat, ils se retrouvés bloqués en Andalousie depuis la décision de fermer les frontières, le 12 mars.
Contactés par Les Inspirations ÉCO, ces derniers peinent à contenir leur frustration, voire colère. «Nous n’en pouvons plus de cette situation. Nous sommes ici depuis mars alors que notre séjour devait durer quelques jours; nous voilà encore bloqués à 14 km seulement de notre pays», confie ce père de famille, bloqué en compagnie de sa famille à Estepona, dans la province de Malaga.
«Nous nous sommes sentis abandonnés, dupés. Nous avons refusé le premier rapatriement car on nous a fait croire qu’il y aurait peu après des rapatriements spéciaux par voie maritime. Si j’avais su que j’allais devoir, tôt ou tard, abandonner mon véhicule, j’aurais pu rentrer avec mes enfants lors de la première vague de cette opération, aux frais de l’État, au lieu de devoir dépenser une fortune pour regagner le Maroc», regrette-t-il. Depuis l’annonce de cette mesure exceptionnelle, ce père de famille ne cesse de pianoter sur sa calculette afin de trouver l’option la plus abordable pour regagner le royaume. Doit-il abandonner son véhicule et prendre l’un des vols annoncés par le gouvernement marocain ? Serait-il plus judicieux de rejoindre le port de Sète, en France, afin de pouvoir embarquer sa voiture et en finir, une fois pour toutes, avec ce cauchemar ? Difficile de trancher. «Le temps passe vite, les billets s’envolent et je n’arrive toujours pas à me décider. Si j’opte pour un retour par voie aérienne, je dois abandonner mon véhicule dans un parking sécurisé dont le coût s’avère plus qu’exorbitant», ajoute ce père de famille désespéré. De fait, les municipalités espagnoles traquent les voitures abandonnées. Dès qu’un véhicule est immobilisé, les services municipaux placardent un premier avertissement où ils indiquent que l’engin sera réquisitionné si son propriétaire ne se manifeste pas. Quant au prix des parkings sécurisés, la facture sera lourde, sachant que nul ne sait combien de temps la voiture restera parquée. Une simulation sur les sites offrant des services de stationnement de longue durée nous renseigne sur les tarifs pratiqués dans un parking sécurisé d’Algésiras. Il s’agit de formules de longue durée où les véhicules ne risquent pas une mise en fourrière. Dans les parkings du port d’Algésiras par exemple, l’option la plus abordable coûte 52,50 euros la semaine. En dehors du port, la seule option disponible offre un stationnement d’une durée d’un mois au prix de 316 euros, du 20 juillet au 20 août. D’autres compatriotres ont décidé de partir à Sète au lendemain de l’annonce. Un trajet de 14 heures 33 minutes depuis Algésiras que de nombreux citoyens ont entrepris en attendant la réouverture des frontières. Pénible et coûteux (environ 95 euros de dépenses en carburants et péages), il faut aussi compter quelques nuitées dans la ville française.
De plus, la traversée revient à environ 1.000 euros pour une voiture et 4 passagers. À cela s’ajoutent les frais liés aux tests médicaux requis pour pouvoir entrer au Maroc. Mustapha, originaire de Tanger, fait le pied de grue à Sète, en attendant d’obtenir un ticket d’embarquement pour le Maroc. «Il y a deux connexions par semaine alors que nous sommes nombreux, très nombreux même», s’indigne ce citoyen. Selon les chiffres dont disposent les services consulaires, ils seraient quelque 4.000 Marocains bloqués à Algésiras. Difficile d’établir des chiffres exacts car les personnes bloquées avec leurs véhicules se déplacent au gré des logements dénichés ou des rumeurs circulant à propos de la réouverture des frontières. Il faut aussi dire que les autorités espagnoles ont encouragé les MRE à se diriger vers les ports espagnols. Les propos de la ministre des Affaires extérieures espagnole, faisant état de la capacité du pays à faire face aux nombreux vacanciers désirant se rendre au royaume en empruntant les routes espagnoles, en a encouragés beaucoup à s’entasser dans la ville andalouse, afin d’être parmi les premiers à embarquer vers le royaume.
Amal Baba Ali, DNES à Séville
Les Inspirations ÉCO