G20 : les prêts coûteux et les turbulences provoquées par Trump nuisent à l’Afrique

La croissance de l’Afrique est freinée par les coûts d’emprunt élevés imposés par les prêteurs internationaux tandis que les changements imprévisibles de l’administration américaine aggravent la pression, a déclaré le responsable du panel d’experts du G20 pour l’Afrique.
Le politicien chevronné et militant anti-apartheid Trevor Manuel préside le panel d’experts travaillant sur des propositions pour résoudre les problèmes affectant le continent, notamment la forte dette. Ces propositions seront présentées lors d’un sommet du Groupe des 20 principales économies en novembre en Afrique du Sud.
Les pays africains ne sont pas nécessairement plus endettés que les grandes économies mais doivent faire face à un service de la dette – le coût du remboursement -, plus élevé, explique l’expert dans une interview à l’AFP.
89 milliards de dollars
«Nous savons que les notations sont défavorables aux pays africains», déclare celui qui a exercé de hautes responsabilités politiques dans l’Afrique du Sud post-apartheid entre 1996 et 2014.
«Nous savons que les primes de risque en général en Afrique sont beaucoup plus élevées qu’elles ne devraient l’être, et cela impacte les coûts du service de la dette», qui deviennent «incroyablement élevés et prohibitifs» et freinent le développement des États.
Une situation sur laquelle le panel d’experts alertera les membres du G20 ainsi que certains organismes internationaux comme le FMI et la Banque mondiale. Plus de la moitié des 1,3 milliard de personnes vivant en Afrique sont dans des pays qui dépensent plus d’argent pour rembourser les intérêts de leur dette que pour des questions sociales telles que la santé, l’éducation et les infrastructures, selon le gouvernement sud-africain.
L’Afrique du Sud est la seule nation africaine du G20 et a fait de la durabilité de la dette des pays en développement l’une des priorités de sa présidence du G20, qui est composé de 19 pays, de l’Union africaine et de l’Union européenne.
Cette année, les pays africains devraient payer près de 89 milliards de dollars (environ 78 milliards d’euros au cours actuel) en service de la dette, alors que 20 pays à faible revenu sont dans une situation de surendettement.
Trump n’a pas arrangé les affaires
Par ailleurs, les changements brusques dans la gouvernance mondiale depuis que le président Donald Trump a pris ses fonctions en janvier, tels que les réductions massives de l’aide américaine et les taxes commerciales, auront des répercussions durables pour le continent, déclare Trevor Manuel.
L’annonce «capricieuse» de Trump en avril concernant les importants droits de douane a également mis un terme de facto à l’accord commercial AGOA qui avait contribué à renforcer certaines économies africaines, juge-t-il, citant le Lesotho, qui s’est vu imposer des droits de douane de 50% pour ses exportations vers les États-Unis, ou Madagascar (47% de droits de douane). Si ces taxes ont finalement été suspendues pour 90%, un taux plancher de 10% s’applique toujours.
À cela s’ajoutent la fermeture soudaine de l’Agence américaine de développement USAID et l’arrêt de l’aide humanitaire américaine qui en découle, ainsi que la pression exercée sur les pays membres de l’Otan pour qu’ils dépensent davantage pour leur défense et soient donc tentés de couper dans leur budget dédié à l’assistance. «L’impact sur le continent africain va être très sévère», prédit l’expert.
Pour le président du panel d’experts, le travail effectué par ses membres pour une meilleure compréhension de l’économie africaine et pour développer des solutions est susceptible de se poursuivre au-delà du G20 de cette année, par exemple, via la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies et l’Union africaine. Les travaux engagés ont inclus l’étude des «dynamiques intra-africaines», telles que le rôle de l’Accord de libre-échange continental africain lancé en 2019.
L’économie de la région souffre aussi des conflits, affirme Trevor Manuel, qui cite la guerre au Soudan et les affrontements qui ont freiné un important projet gazier dans le nord du Mozambique.
«Lorsque les pays dépensent plus pour la guerre que pour l’amélioration des conditions de vie des populations, alors nous faisons face à des conséquences profondes», déclare-t-il, appelant à une ONU et une Union africaine fortes «pour persuader les pays de faire les bonnes choses».
Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO