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France : le bio, en péril, a limité la casse en 2023

La part du bio dans les achats alimentaires des Français a reculé à 5,6% l’an dernier, contre 6% en 2022 et 6,4% en 2021. Le ministère de l’Agriculture a annoncé jeudi un relèvement de 15 millions d’euros du fonds pour les producteurs bio en difficulté, à 105 millions d’euros, «afin de couvrir la totalité des demandes».

Les Français ont encore réduit leurs achats de produits biologiques en 2023, rapporte jeudi l’Agence bio, qui préfère voir le verre à moitié plein: le pays compte davantage de fermes engagées dans ce mode de production.

«On a maintenu le marché [du bio] à 12 milliards d’euros», a déclaré à l’AFP Laure Verdeau, la directrice de l’Agence bio, plateforme nationale chargée de la promotion et du développement du bio, jugeant la situation «pas si dramatique».

Cette stabilité en valeur masque une baisse significative des volumes de produits bio écoulés. Leurs prix ont en effet augmenté de 7,7% sur la période, contre 11,8% pour les produits non bio, selon des chiffres communiqués par l’agence. La part du bio dans les achats alimentaires des Français a reculé à 5,6% l’an dernier, contre 6% en 2022 et 6,4% en 2021. «Cela nous situe au niveau des États-Unis» quand «les pays nordiques, l’Autriche, la Suisse sont entre 9% et 12%», regrette la patronne de l’Agence bio. Le marché a commencé à se retourner en 2021 après des années de croissance à deux chiffres qui avaient dopé les conversions vers cette agriculture sans pesticides ni engrais de synthèse. Le secteur n’a depuis lors cessé d’appeler l’État à verser des aides, les restaurateurs à mettre du bio au menu et les consommateurs à ne pas se laisser aveugler par des allégations vertes ou locales sur les étiquettes, reposant sur des cahiers des charges moins exigeants.

La crainte est d’assister à des déconversions en pagaille, d’autant que les prix payés pour les productions agricoles standards, moins coûteuses à produire, ont progressé. Le ministère de l’Agriculture a annoncé jeudi un relèvement de 15 millions d’euros du fonds pour les producteurs bio en difficulté, à 105 millions d’euros, «afin de couvrir la totalité des demandes». Il y a tout de même eu en 2023 plus d’agriculteurs s’engageant en bio que de sortants, et la France a gagné un millier de fermes bio. Elles sont désormais 61.000 pour tout ou partie en bio, sur un total d’environ 390.000 exploitations.

«Le patrimoine bio, notre trésor national que sont les fermes bio, est plutôt préservé», observe Laure Verdeau, «très contente» de démentir «les bruits hyper alarmistes» sur l’état du secteur.

«Le plus vital, ajoute-t-elle, c’était de préserver notre appareil productif. Parce que si on redémarre en demande bio demain – ce que certains estiment possible avec le pouvoir d’achat qui va se reconstituer -, ce serait dramatique qu’on réimporte du bio alors même qu’on a considérablement augmenté notre souveraineté alimentaire en bio.» Un peu moins de 30% des aliments bio consommés en France sont importés, principalement des denrées introuvables en France (fruits exotiques, café, thé, crevettes, saumon…).

Dans un monde agricole qui vieillit et se dépeuple, 40% des prétendants à l’installation veulent faire du bio, souligne Verdeau. «Qu’est-ce qu’on fait pour ceux-là ?», demande-t-elle. Faut-il les ignorer «au motif qu’il n’y a pas de débouché» ou les encourager parce qu’«on a besoin de gens dans les champs et on se débrouille ensuite pour trouver des débouchés ?», interpelle la directrice de l’agence. Parmi les points noirs de 2023: un recul du cheptel bio et une baisse inédite (-2%) des surfaces agricoles dédiées à ce mode de production (pour nourrir les humains ou les bêtes), avec 54.000 hectares en moins. La surface agricole utile (SAU) en bio représente aujourd’hui 2,8 millions d’hectares.

«On a perdu des grandes cultures et on a gagné des maraîchers plus petits», schématise Verdeau, pour expliquer le décalage entre la baisse des surfaces et l’augmentation du nombre de producteurs.

«Le repli des surfaces implique que nous n’avons pas réussi à amorcer la transition des cultures céréalières qui sont aussi les plus consommatrices des herbicides qu’on retrouve dans notre eau potable», déplore la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) dans un communiqué.

Elle demande des «aides dans la durée» pour les producteurs. Le bio représente désormais 10,4% de la SAU du pays, ce qui éloigne encore la perspective d’atteindre les objectifs nationaux (18% en 2027 et 21% en 2030).

Sami Nemli avec Agence / Les Inspirations ÉCO


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