Crise catalane : Les patrons très inquiets
Les tensions et le manque de visibilité concernant le devenir de la Catalogne portent préjudice à l’économie du pays. Les opérateurs économiques suivent avec appréhension le bras de fer entre Barcelone et Madrid.
Le flou entoure le secteur économique espagnol et catalan. Sauf miracle, la déclaration unilatérale d’indépendance, proclamée par le Parlement catalan, n’est qu’une question de temps. Le discours du roi d’Espagne n’a pas apaisé les tensions, du côté des autorités de cette région. De même, l’allocution télévisée du souverain, suivie par 12 millions de téléspectateurs, confirme un éventuel recours aux solutions extrêmes de la part de l’État espagnol. En pleine tempête, des entreprises ont commencé les annonces de déménagement. C’est le cas d’Oryzon Genomics, une firme spécialisée dans la biotechnologie.
La compagnie a annoncé lundi son souhait de transférer son siège vers Madrid au lieu de Barcelone où elle est sise actuellement. La Bourse a applaudi des deux mains cette décision et ses actions ont grimpé après cette annonce: Ses actifs ont connu une hausse de volume d’environ 700% en comparaison avec les cinq derniers jours. C’est la première entreprise qui saute le pas après la célébration du référendum, toutefois il y a eu un antécédent. La firme Naturhouse a pris cette décision en juillet dernier, juste après la présentation de la loi portant sur l’organisation du référendum d’autodétermination. Le spécialiste du rééquilibrage alimentaire a justifié sa décision par des «questions techniques». Cependant, il est de notoriété publique que son management s’oppose farouchement à toute velléité indépendantiste, croit savoir le site économique www.eleconomista.es. L’un des poids lourds de l’économie espagnole, le géant de la distribution low-cost Mercadona, a fait part de son inquiétude quant à la santé économique de notre voisin ibérique et à sa capacité à encaisser un coup dur comme la sortie d’une riche région. Ces craintes ont vite été balayées par le ministre de l’Économie espagnol Luis de Guindos. «La Catalogne n’aura pas son indépendance». Des paroles qui ne rassurent guère les marchés. Hier à midi, l’indice boursier espagnol Ibex 35 continuait doucement sa dégringolade, en partie à cause de la situation des banques catalanes. D’ailleurs, que se passera-t-il en cas de divorce catalo-espagnol ? En cas d’indépendance, les banques catalanes perdraient le droit de se financer auprès de la Banque centrale européenne, vu que la Commission européenne a déjà averti la Generalitat que la rupture conduirait à une exclusion systématique de l’espace européen et de ses institutions. Pour éviter ce scénario, les banques catalanes comme La Caixa Bank, présente au Maroc, et Sabadell devraient transférer leur siège vers un territoire espagnol. Cette hypothèse n’est plausible qu’en cas de reconnaissance de l’indépendance de la Catalogne par l’UE. Dans le cas contraire, ces établissements demeureraient espagnols, même si le gouvernement catalan procédait à une déclaration unilatérale de son indépendance.
Selon les analystes du Crédit Suisse, la sortie de la Catalogne provoquera une chute de 20% de son PIB, lequel est actuellement supérieur à la moyenne espagnole et similaire à celui de la Finlande. En effet, la région concentre 19% de la production espagnole (211.819 millions d’euros) et accueille 16% du total de la population du pays. Ce divorce assénera un coup dur à l’économe espagnole en général. Elle n’occupera plus sa position de 5e puissance économie européenne et perdra 411.210 millions d’euros annuellement, selon la banque anglaise HSBC. Autre hantise qui guette les entreprises catalanes : le boycott massif, par le reste des clients espagnols, de leurs produits en cas de sécession. D’ailleurs, des pétitions listant les produits d’origine catalane ont refait surface sur les réseaux sociaux.