Corruption et blanchiment : Crédit Suisse dans la tourmente
La banque suisse, visée par une enquête internationale, est accusée d’héberger des fonds d’origine illicite.
Après une année 2021 déjà difficile, le Crédit Suisse se retrouve depuis dimanche soir dans la tourmente, accusé par une enquête internationale, réalisée par plusieurs médias, d’héberger des fonds d’origine criminelle ou illicite, des accusations que la banque helvète «rejette fermement». Se basant sur les données de plus de 18.000 comptes bancaires hébergés depuis le début des années 1940 et jusqu’à la fin des années 2010, l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), consortium regroupant 47 médias parmi lesquels Le Monde, The Guardian, le Miami Herald ou encore La Nacion, affirme que l’établissement financier a «hébergé des fonds liés au crime et à la corruption plusieurs décennies durant», selon le quotidien Le Monde. L’OCCRP a pu se baser sur des données remises anonymement il y a un peu plus d’un an au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, concernant des comptes appartenant à 37.000 personnes ou entreprises, pour un montant total de plus de 100 milliards de dollars (plus de 88 milliards d’euros), «dont au moins huit milliards liés à des clients identifiés comme problématiques», assure Le Monde.
Fuite des données
Dans la soirée, le Crédit Suisse a vivement a réagi à ces accusations, via un communiqué, affirmant que les données étudiées sont «partielles, inexactes, ou sont prises hors de tout contexte, entraînant une présentation tendancieuse de la conduite des affaires» par la banque. «90% des comptes concernés sont aujourd’hui clôturés, dont plus de 60% avant 2015», assure la banque, qui précise par ailleurs «mener l’enquête» concernant la fuite de données. Pour les médias du consortium cependant, les pratiques mises en lumière ont toujours cours au sein de la banque et impliquent directement l’état-major du Crédit Suisse. Pire, Le Monde ajoute que plusieurs médias au sein de l’OCCRP, se faisant passer pour des «clients fortunés en quête de discrétion» se sont vu proposer des instruments permettant d’ouvrir un compte anonymement, et même la mise en place de holdings avec prêtes-noms et trusts, une façon de remplacer les comptes numérotés anonymes, une pratique d’opacification en cours de disparition en Suisse.
Des clients dans tous les continents
Parmi les personnes recensées dans les données entre les mains de l’OCCRPS, l’immense majorité proviennent de pays en développement : en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud et les clients domiciliés en Europe occidentale ne représentent que 1 % du total, précise le journal. Crédit Suisse, le numéro deux du secteur bancaire helvétique, a été secoué par une série de scandales depuis un an. En mars, la banque a été éclaboussée par la faillite de la société financière Greensill, dans laquelle quelque 10 milliards de dollars avaient été engagés par le biais de quatre fonds, puis par l’implosion du fonds américain Archegos qui a coûté quelque 5 milliards de dollars à la banque. En octobre, elle s’était, de surcroît, vu infliger 475 millions de dollars de pénalités par les autorités américaines et britanniques pour ses prêts à des entreprises d’État au Mozambique, qui s’étaient retrouvées au coeur d’un scandale de corruption. Son nouveau président, Antonio Horta-Osório, élu fin avril en pleine tourmente, avait lancé une réorganisation des activités de la banque avec pour objectif de remettre la gestion des risques au coeur de la culture de la banque. Mais ce banquier portugais, qui s’était forgé une solide réputation pour avoir redressé la banque britannique Lloyds, a lui-même été éclaboussé par des révélations de presse en décembre concernant des règles de quarantaine qu’il avait enfreintes. Mi-janvier, il avait donné sa démission, passant la main à Axel Lehmann, un banquier suisse reconnu pour son expertise dans la gestion des risques, qui avait rejoint le conseil d’administration en octobre.
Sami Nemli avec Agence / Les Inspirations ÉCO