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Coopération : Rome investit en Afrique dans l’espoir de limiter l’immigration

Limiter l’émigration venant d’Afrique en aidant l’économie du continent, tout en y étendant l’influence de l’Italie. Giorgia Meloni a présenté vendredi des engagements de son «plan Mattei», aux ambitions jugées par certains irréalistes, lors d’un sommet co-présidé par Ursula von der Leyen.

Nous venons d’assister à la conclusion de cinq accords très importants, apportant plus de 1,2 milliard d’euros d’investissements» européens et italiens «à l’Afrique», a déclaré vendredi la présidente de la Commission européenne, venue à Rome soutenir le dispositif porté à bout de bras par Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement ultraconservateur italien.

D’après cette dernière, le «plan Mattei» mobilisera jusqu’à 5,5 milliards d’euros dans sa phase initiale pour des initiatives réparties sur 14 pays. «Le défi pour nous est que l’Afrique puisse grandir (…) en offrant une perspective à ses jeunes, notamment pour combattre en amont les causes qui poussent trop de jeunes à payer des organisations criminelles pour entreprendre une traversée dangereuse» vers l’Europe, a avancé vendredi Giorgia Meloni.

«Nous savons tous que l’Afrique a besoin de ses talents, de ses compétences, de ses entrepreneurs et de sa main-d’œuvre,» a abondé Ursula Von Der Leyen à Rome.

Le plan porte le nom d’Enrico Mattei, père fondateur du géant italien des hydrocarbures Eni, connu pour avoir mis en place des contrats d’extraction de pétrole plus avantageux pour les pays producteurs. C’est cet héritage que revendique Rome, qui promet des relations avec l’Afrique dénuées de «paternalisme». Une allusion à peine dissimulée à la France, qui a vu son influence en Afrique reculer, plusieurs pays du Sahel ayant sommé Paris de retirer ses forces militaires.

L’énergie et les matières premières en pole position
Un moyen également de renforcer les relations commerciales entre l’Italie et le continent dans le domaine de l’énergie, alors que l’invasion russe en Ukraine a forcé l’Italie à chercher de nouveaux fournisseurs de l’autre côté de la Méditerranée, notamment en Algérie. Quatorze pays africains sont concernés, notamment ceux du Maghreb – sauf la Libye -, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Kenya ainsi que l’Éthiopie, où Rome a un passé colonial. Les projets plus importants en termes de financements concernent l’énergie et les matières premières, tandis que d’autres fonds sont destinés à l’éducation, la santé et l’accès à l’eau.

Par exemple, étaient au centre du sommet vendredi des financements concernant une voie ferrée entre la Zambie et l’Angola, qui «permettra de stimuler le commerce intra-africain», a salué vendredi le président de la Commission de l’Union africaine Mahamoud Ali Youssouf.

Une porte-parole de la Commission européenne a estimé que le Plan Mattei était une «contribution importante» à la stratégie européenne «Global Gateway» annoncée en 2021, qui inclut de nombreux investissements en Afrique en réponse au programme chinois des «Nouvelles routes de la soie». Les financements européens, prévus à hauteur de 150 milliards d’euros, font pourtant pâlir les 5,5 milliards avancés par Rome.

Un plan globalement bien accueilli
Pour Giovanni Carbone, professeur à l’université de Milan et chef du programme Afrique de l’Institut pour les études de politique internationale (ISPI), le gouvernement «a trop promis» en faisant miroiter que ces investissements, en créant des emplois et de la croissance, pourraient réduire le nombre de migrants.

«Les financements que l’Italie peut mettre à disposition ne sont pas à la bonne échelle», a-t-il jugé.

Le «plan Mattei» a été globalement bien reçu par les gouvernements partenaires, dont plusieurs représentants étaient présents au sommet vendredi. «On ne peut se suffire des seules promesses souvent non tenues», avait toutefois prévenu en janvier 2024 à Rome Moussa Faki Mahamat, alors président de la Commission de l’Union africaine. Le président kényan William Ruto avait alors également salué ce plan «ambitieux», mais noté que «l’investissement seul n’est pas suffisant», rappelant d’autres obstacles pour les économies africaines qui doivent payer «cinq fois plus pour leur dette» que les pays européens.

Giorgia Meloni a justement annoncé vendredi son intention de «transformer environ 235 millions d’euros de dette» de pays en développement «en projets de développement.» Pour Simone Ogno de l’ONG ReCommon, qui «travaille pour contrer le pouvoir des multinationales», les investissements du «plan Mattei» pourraient servir avant tout les intérêts des «grandes entreprises de l’industrie italienne des combustibles fossiles». D’importantes sociétés italiennes sont impliquées dans le plan, comme Eni et le transporteur d’électricité Terna, ou encore le groupe agro-industriel Bonifiche Ferraresi.

Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO



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