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Automobile : la crise existentielle de Nissan exacerbée par les taxes américaines

Les taxes douanières américaines sur l’automobile plombent le constructeur japonais Nissan, déjà massivement endetté et déficitaire, pour qui les Etats-Unis restent un marché crucial: un défi existentiel, faute d’antidote évident et de partenaire après l’échec du mariage avec Honda.

Depuis début avril, Washington surtaxe à 25% les voitures importées aux États-Unis. Or, Nissan a réalisé l’an dernier 30% de ses ventes mondiales dans ce pays : 924.000 véhicules, dont 45% étaient importés du Japon et du Mexique. Le groupe est déjà fragilisé: il anticipe une perte nette annuelle de 500 millions d’euros sur l’exercice achevé fin mars, sur fond d’essoufflement des ventes. Pour se redresser, il avait annoncé début novembre vouloir supprimer 9.000 postes dans le monde et réduire de 20% ses capacités de production.

Casse-tête
Certes, Nissan produit en partie son SUV Rogue dans son usine du Tennessee, mais son importante production au Mexique «est un point négatif majeur», observe Christopher Richter, du consultant CSLA.

«Des entreprises comme Toyota et Honda, disposant de bases de bénéfices robustes peuvent mieux résister», mais pour Nissan, «l’impact sera énorme», indique à l’AFP Tatsuo Yoshida, analyste de Bloomberg Intelligence.

Selon lui, absorber les surtaxes sans les répercuter aux consommateurs représenterait pour Nissan une perte annuelle de 2,7 milliards d’euros. Si Nissan reste en quête d’un allié après l’échec du rapprochement avec son compatriote Honda, «ce n’est pas un partenaire qui résoudra les problèmes douaniers», insiste une source industrielle proche du dossier, jugeant «plus urgent d’intensifier son plan de redressement».

Dans l’immédiat, Nissan assure «disposer de stocks importants chez (ses) concessionnaires américains, non affectés par les surtaxes». Des stocks s’expliquant par des ventes moroses, faute d’avoir proposé les modèles hybrides prisés par les consommateurs américains. Au-delà, «la réponse à court terme sera d’ajuster les prix de vente (des véhicules importés) aux États-Unis», souligne Tatsuo Yoshida.

«Mais si vous augmentez les prix pour ne pas perdre vos marges, et que vos concurrents dans le même segment ne le font pas, alors vous perdrez immédiatement en volumes (de ventes)», s’alarme la source industrielle.

«Et si tous augmentent leurs prix», cela découragera les acheteurs. Nissan prévoit d’adapter ses plans pour ses usines de Canton (Mississippi) et de Smyrna (Tennessee). Alors qu’il entendait la sabrer, il a annoncé maintenir la deuxième chaîne du SUV Rogue à Smyrna. Et il cessera de commercialiser aux États-Unis deux SUV produits au Mexique. Difficile d’imaginer des marchés alternatifs : «Nissan peine à vendre ses voitures partout, il n’est pas réaliste d’explorer d’autres marchés», cingle Tatsuo Yoshida.

Nissan évalue ses options
«La solution la plus simple serait de transférer la production du Mexique et du Japon vers les États-Unis, cette stratégie prendrait six mois ou plus», explique Todd Duvick, du cabinet CreditSights.

«Nissan étudiera ses options en matière de prix, transferts de production, changements de fournisseurs afin de privilégier les composants américains…», estime-t-il.

Donald Trump vise la réindustrialisation, alors qu’environ la moitié des 16 millions de voitures vendues en 2024 aux États-Unis étaient importées.

«Mais transférer sa production signifie créer des capacités, les outillages, trouver les fournisseurs… Pour réaliser quelque chose de significatif, ça prendra au minimum deux ans», au détriment d’usines japonaises, insiste Duvick.

«Nissan nous a fait part de son intention de revoir une partie de sa production», s’inquiète un responsable de la préfecture de Fukuoka (sud du Japon) qui abrite deux filiales produisant notamment le Rogue.

Nissan pourrait en profiter pour commencer à produire aux États-Unis des modèles hybrides et électriques adaptés au marché américain.

Vu l’ampleur et le coût des projets, «ce n’est pas une solution miracle. Cela deviendra une option à long terme, mais je doute qu’un constructeur japonais soit pour l’heure sérieusement prêt à franchir le pas», affirme Tatsuo Yoshida.

Face aux revirements fréquents de l’administration Trump, «la mesure la plus réaliste est de se préparer sans épuiser ses ressources et effectifs: opter d’abord pour (l’ajustement des prix), et, si la situation perdure, transférer la production», ajoute-t-il. Si les barrières douanières s’installent, «cela pourrait porter un coup fatal à Nissan, qui se trouverait à court de liquidités» mais un allié pourrait apporter son secours, «qu’il s’agisse de Honda ou d’une firme tech», juge-t-il.

«Même si cela ne constitue pas un coup mortel pour Nissan, cela pourrait certainement rendre son plan de redressement et sa survie à long terme plus difficiles», complète Todd Duvick.

Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO



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