Zakaria Sadik : “Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est une vraie opportunité pour la promotion de la certification HQETM”
Zakaria Sadik
DG d’Alto Eko, Référent et Auditeur HQETM
Pour montrer que leurs bâtiments respectent les Objectifs du développement durable (ODD), qui limitent l’impact du bâti sur l’environnement extérieur et favorisent un espace intérieur confortable et efficace sur le plan énergétique, de plus en plus d’institutions publiques et privées marocaines recourent à la certification HQE™. Qui sont ces rares institutions ? Que leur apporte cette certification ? Quel est l’avenir de la certification HQE au Maroc ? Éclairages de Zakaria Sadik, référent, auditeur et formateur HQE reconnu par le cabinet Certivea / Cerway.
Pouvez-vous nous dire ce qu’est la certification Haute qualité environnementale (HQE) ?
La certification HQE est une marque française (NF) de certification des bâtiments (neufs ou en rénovation) et territoires en général, qui est destinée à tout acteur désirant valoriser les performances énergétiques, environnementales, de santé et de confort de ses bureaux, écoles, commerces, espaces culturels, hôtels, etc ; ceci quelle que soit la nature de ces bâtiments, c’est-à-dire qu’ils soient publics ou privés.
En raison des relations historiques qui existent entre le Maroc et la France, c’est cette certification qui est la plus demandée sur le marché marocain. Toutefois, il existe d’autres certifications majeures également très connues comme le LEED d’origine américaine, le BREEAM d’origine britannique et le EDGE de la Société Financière Internationale, filiale de la Banque mondiale.
Quels sont les objectifs de la certification HQE ?
La certification HQE s’inscrit dans une logique de développement durable, visant l’optimisation des ressources, à travers une démarche d’Eco-Conception et d’Eco-construction, apportant des atouts lors des travaux de construction et de rénovation de bâtiments en faveur de l’occupant, sa santé, son confort et ses dépenses et cela dans le respect de l’environnement.
En effet, l’occupant d’un tel bâtiment bénéficie, entre autres, d’une meilleure gestion des ressources, d’une qualité d’air améliorée et d’une réelle économie d’énergie avec une baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Que faut-il faire pour remplir ces objectifs ?
La première étape est de mettre en place une démarche de qualité permettant d’aller sereinement vers les objectifs visés. Puis d’être entourés d’experts qualifiés pour couvrir l’ensemble des enjeux auxquels l’occupant et son bâtiment seront confrontés. Ces experts doivent concevoir des solutions adaptées au contexte du projet, à coûts maîtrisés et à haut rendement.
En effet, Il faut que le bâtiment soit équipé de dispositifs limitant la pollution (olfactive et sonore par exemple) et la consommation des ressources en eau. Le bâtiment doit aussi être doté d’une isolation thermique de qualité améliorant l’efficacité énergétique du bâti et d’installations à haut rendement énergétique utilisant des énergies renouvelables.
Une fois mis en place, ces moyens doivent être entretenus et maintenus tout au long de la vie du bâtiment. Cela nécessite des séances de sensibilisation et de formation des preneurs du futur bâtiment.
Autrement dit, quels sont les critères qu’il faut réunir pour obtenir une certification HQE ?
Les critères indispensables pour qu’un projet soit certifié «Haute qualité environnementale» sont au nombre de quatorze. Ces quatorze cibles se répartissent en quatre familles. Dans l’ordre, la première famille est constituée de cibles d’éco-construction, qui sont mises en œuvre lors des chantiers de construction ou de rénovation dans le but d’émettre peu de déchets, de nuisances sonores ou de pollution.
Le bâti doit être en harmonie avec son environnement direct. Par ailleurs, les méthodes déployées, les matériaux et les produits doivent être écologiques. La seconde famille est celle des cibles de santé, qui sont déployées pour veiller à ce que les qualités d’air, d’eau et d’hygiène offertes par le bâtiment soient optimales.
La troisième famille est celle des cibles d’éco-gestion, qui regroupent tous les critères qui concernent la gestion optimisée de l’eau, de l’énergie, des déchets et de l’entretien du bâtiment. La quatrième et dernière famille est constituée de cibles du confort, qui doivent procurer un confort visuel, olfactif, acoustique et hygrothermique (faible humidité) du bâti.
Est-ce que la certification HQE est entrée dans les moeurs au Maroc ?
Globalement, oui. Même si des efforts restent encore à faire, il y a déjà une grande prise de conscience sur l’importance de travailler et de vivre dans un bâtiment écologique. Les propriétaires d’hôtels, de banques et de complexes immobiliers résidentiels, mais également de plus en plus d’industriels et de propriétaires de bâtiments tertiaires franchissent le pas.
Ils comprennent désormais que cette certification est un investissement qui leur permet de baisser leur facture et d’attirer des clients qui sont de plus en plus sensibles aux critères liés au respect de l‘environnement. Nous nous sommes rendu compte de ces changements au sein du Morocco Green Building Council (MGBC), la représentation marocaine du réseau World Green Building Council présent dans 70 pays, où nous faisons une veille sur le marché de la construction durable avec des indicateurs portant sur la surface du projet, son niveau de performance, le suivi de sa certification ou non, et l’année de sa certification.
Ces indicateurs sont notamment pilotés par l’Observatoire de la construction durable au sein du MGBC pour suivre l’évolution de la construction durable au Maroc.
Qui sont ceux qui certifient leurs bâtiments dans le Royaume, avez-vous des exemples que votre entreprise Alto Eko a certifié ou à contribué à faire certifier ?
Avant de répondre à votre question, permettez-moi de vous montrer comment nous sommes organisés au sein du MGBC pour booster la certification dans le bâtiment au Maroc. Nous organisons périodiquement des formations certifiantes «HQE Référent» en collaboration avec Certivea/Cerway au profit d’architectes, de bureaux d’études et de maîtres d’ouvrages.
Les sessions portent toutes sur des modules techniques de la certification HQE d’un bâtiment neuf ou en en rénovation. Aujourd’hui, ces formations du Réseau ont permis au cabinet français Cerway de totaliser 43 Référents HQE ici au Maroc. Maintenant, s’agissant des exemples de certification, nous en avons réalisé plusieurs avec des banques, des hôtels, des complexes immobiliers, des industriels, des fondations, des ONG, des administrations et des particuliers notamment.
Nous sommes fiers d’avoir accompagné des projets comme l’Université Mohammed VI Polytechnique, la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, la technopole de Foum El Oued, la Station Taghazout Bay , certains projets du nouveau pôle urbain de Casa Anfa, le groupe Attijariwafabank, etc. Plusieurs projets de nos clients ont été récompensés à travers des Prix Internationaux de la Construction durable, notamment le complexe immobilier Sindibad Beach Resort, situé sur la corniche de Casablanca, qui a été consacré à l’international à la COP24 à Katowice en Pologne.
Sindibad Beach Resort a décroché le prix «Santé Confort» aux Green Solutions Awards 2018. Certifié en 2016 avec la mention «Très bon», le complexe résidentiel était le seul projet marocain et africain à s’être distingué à cette occasion. Pour rappel, sur ce projet, nous avons accompagné la Société Maroc Emirats Arabes Unies de développement (SOMED).
Pour autant, la certification HQE n’est pas encore très répandue dans le pays. Qu’est-ce qui bloque son expansion, le coût ?
Non je ne pense pas. Les coûts varient d’une certification à l’autre et dépendent surtout de la taille du projet. Ceci étant, ce coût ne dépasse pas, en général, 2% du coût global du projet. Par contre, les solutions et avantages que la certification apporte permettent des économies qui dépassent de loin son coût.
Bref, la plupart des coûts des solutions mises en place dans le cadre d’une certification HQE sont amortis dans les cinq ans en moyenne, ce qui est dérisoire par rapport à la durée de vie d’un bâtiment respectant les principes de la construction durable qui dépasse les 60 ans.
En ce qui concerne ALTO EKO, nos projets certifiés HQE obtiennent souvent des niveaux de certification HQE entre Excellent et Exceptionnel, avec un surcoût ne dépassant pas les 1%. Pour certains, nous avons même pu réaliser des économies par rapport au budget initial. Cela est possible grâce à nos démarches d’Eco-conception.
Pensez-vous que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui poussera les industriels marocains à se doter d’un bilan carbone, boostera aussi la certification HQE ?
Nous l’espérons sérieusement, car un bilan carbone doit être toujours suivi d’un plan d’action de réduction des émissions de GES, ce qui devrait encourager les exportateurs marocains vers l’UE à s’engager dans une démarche d’Eco-conception avec une certification HQE. En tout cas, je pense que c’est une vraie opportunité ! Cette initiative est appuyée par les autorités.
On se rappelle, en effet, que le ministère de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique a lancé, l’année dernière, en partenariat avec le ministère de l’Énergie, des mines et de l’environnement, la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE) et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), une grande opération de généralisation du bilan carbone.
L’opération consiste notamment à accompagner les entreprises industrielles en général, et celles exportatrices vers l’UE en particulier, à faire leur bilan carbone. C’est-à-dire à quantifier les émissions de gaz (GES) générées par leurs activités de production de biens ou de services (les consommables, la consommation d’énergie, le transport, les déchets, etc…).
À travers cette opération, les unités industrielles marocaines augmenteront ainsi leur compétitivité en réduisant leurs coûts grâce à la diminution des besoins en énergie, en déplacements, en consommables… Elles réaliseront donc des économies, auront une bonne image auprès des investisseurs et des clients et surtout détiendront le sésame qu’il faudra montrer pour pouvoir commercer avec l’UE. Bien entendu, l’opération est menée avec l’appui de cabinets spécialisés, comme le nôtre.
Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO