Éco-Business

Youssef El Alaoui : «Prise de risque, une affaire de mindset»

Youssef El Alaoui
Membre d’administration de Réseau Entreprendre Maroc et cofondateur de Mobiblanc

La fintech reste le maillon faible de la chaîne. Les statistiques indiquent que l’activité est le laisser-pour-compte dans la région Mena et occupe la 5e place en termes de fonds investis. Youssef El Alaoui, membre d’administration de Réseau Entreprendre Maroc et cofondateur de Mobiblanc, met en exergue les limites de
la fintech au Maroc.

Comment cet écosystème s’est développé au Maroc ?
La transformation digitale a chamboulé tous les paradigmes. Et l’avènement de «l’innovation nation» n’a fait qu’accélérer la cadence. Cet écosystème devient une donne importante et disruptive. Les technologies ont permis de réaliser une avancée sans précédent et l’émergence du nouveau mécanisme startup ne fait que créer de nouvelles opportunités et prendre ainsi le lead, bien qu’il soit menaçant. La crise pandémique a contribué de façon considérable à accélérer le caractère devenu urgent de la transformation digitale.

Toutefois, l’État a bien pris conscience de ce tissu entrepreneurial, notamment à travers l’adoption de l’Agence de développement digital (ADD) d’une stratégie inhérente. Certes, la dynamique est lancée, notamment en termes de levées de fonds, mais il est important de noter que cet écosystème nécessite un mindset particulier. Sauf qu’au Maroc nous restons un pays conservateur, notamment dans les prises de risques.

L’accompagnement s’avère crucial pour une startup, que propose Réseau entreprendre ?
L’écosystème se développe, mais il est encore embryonnaire. Nous comptons des success-stories, mais cela reste limité. Nous restons encore loin de ce qui se fait ne serait-ce qu’en Afrique. Tant que le secteur privé n’est pas très investi, l’avancée ne sera pas spectaculaire. Il y a différents programmes pour scaler les startups, ce qui s’avère indispensable.

Toutefois, il faut noter qu’une startup a des cycles de vie et le taux de mortalité reste très élevé au début, d’où l’intérêt de jouer sur le volume pour les fonds d’investissement dont l’objectif est de réduire le taux d’échec. C’est à ce moment-là que l’incubateur intervient pour apporter un soutien et encadrer l’entrepreneur, et c’est ce nous faisons au niveau de Réseau entreprendre. Ce sont 90 patrons d’entreprises qui accompagnent bénévolement les porteurs de projet. Une sorte de mentorat qu’on apporte aux porteurs de projet dès la première phase qui est axée sur l’idée. On est dans le partage d’expérience, puisque bien des patrons d’entreprises membres du réseau était dans la même situation et avait besoin d’un mentor.

A votre avis, quels sont les défis auxquels l’écosystème fait face ?
En tant qu’opérateurs dans la tech, nous constatons un manque criard dans les compétences principalement marqué par la fuite des cerveaux dans le monde VUCA, un phénomène qui engendre une inflation des salaires. Les profils qui opèrent dans le secteur se font de plus en plus rares. A mon sens, il faut s’orienter vers un modèle de formation plus agile. Il faut dire que le modèle élitiste coûte cher à l’État. Des programmes de reconversion professionnelle pour, à titre d’exemple, des profils de développeur ne peuvent être que bénéfiques. C’est un investissement qui n’est jamais à fonds perdu. De plus, beaucoup de startups peinent à avoir une équipe technique.

Quid de la fintech qui reste l’activité la moins concernée ?
En effet, au Maroc, nous comptons des secteurs qui sont protégés. Ce qui n’est pas une mauvaise chose, mais les opérateurs dans ces secteurs d’activité ne doivent pas toujours bénéficier de cette marge de confort. Je parle essentiellement de la fintech qui a du mal à percer. Pour visualiser, je cite l’exemple des personnes non bancarisées. En voilà une catégorie qui ne peut être touchée que via le digital pour les inclure dans le système.

Pour faire du benchmark, au Nigeria, les agriculteurs contractent des assureurs sur leurs mobiles. Tout cela pour dire que le monde de la finance reste verrouillé alors que l’open banking avec la directive DSP2 (directive européenne sur les services de paiement), laquelle autorise un partage de la data, permet à la fintech de se développer davantage à travers le lancement de solutions et des services de paiement moins chers, plus sûrs et innovants. Le e-wallet est également une solution qui, malheureusement, a été mal exploitée au Maroc, alors que l’objectif est de favoriser l’inclusion financière et garantir plus de transparence. Or, la plateforme n’est même pas
rentable.

Quels sont les ingrédients pour les surmonter ?
Aujourd’hui, avec ces changements parvenus si rapidement, il n’y a pas de temps à perdre. Il aurait été plus judicieux de se doter d’une vision limpide à moyen terme. L’intention y est, mais pas de vision. Sans parler de l’accès au financement qui demeure un frein. Au Maroc, on ne finance pas l’espoir et les pauvres. En dépit des fonds d’investissement pour soutenir l’écosystème, certaines phases dans la vie d’une startup ne sont pas concernées par les fonds qui se limitent à l’amorçage. Les grands opérateurs doivent également jouer le jeu et investir dans l’écosystème. Encore une fois, c’est une affaire de mindset.

En tant que professionnel du secteur, quel conseil donnez-vous aux startupeurs ?
Il est important que le porteur de projet réfléchisse «outside of the box». Disposer de beaucoup d’agilité pour s’adapter au marché est une nécessité. La patience est également requise car il faut du temps et beaucoup de travail pour y parvenir. Il faut aussi savoir accepter l’échec et surtout savoir rebondir. L’autre conseil concerne le financement. Il est préconisé de diversifier les formes de financement. L’humain est un facteur important. Le choix de l’équipe et sa fidélisation contribuent à la réussite du projet. In fine, accepter de se faire accompagner est impératif.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO


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