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Union douanière/CEDEAO : Le warning de Chorfi

L’hypothèse de l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pose de nombreuses questions d’ordre économique et douanier. Éléments de réponse avec le patron de la douane.

«On a besoin de débats sur le sujet», insiste Zouhair Chorfi, directeur général de l’Administration des douanes et impôts indirects (ADI). Ce haut responsable public regrette «l’absence de débat» au sujet de la demande d’adhésion du Maroc à cette entité régionale et de ses implications économiques, précisément douanières. «Pour nous, l’Afrique se vit davantage comme une opportunité. Si on se place du point de vue des autres pays africains, certains ont déjà une appréhension face à la demande d’adhésion du Maroc. Notre pays est perçu comme le grand frère venant avec une offre exportable», rappelle Chorfi. Même son de cloche de l’économiste sénégalais Khadim Bamba Diagne, directeur scientifique du Laboratoire de recherches économiques et monétaires à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar: «La CEDEAO permettra au Maroc de faire partie d’un marché communautaire de 320 millions de consommateurs dans lequel les échanges intercommunautaires sont de 17% entre les pays membres. Les produits marocains pourront circuler librement dans l’ensemble des pays membres. Ce sont donc autant d’opportunités pour les entreprises marocaines». Dans une interview accordée à notre Cahier Afrique, K.B. Diagne estime que «C’est également une bonne chose pour les pays de la CEDEAO qui pourront avoir accès à certains produits sans se déplacer hors du continent. Mais en retour, il faut que le marché communautaire profite également du Maroc. J’espère qu’il y aura un effet d’entraînement au bénéfice du secteur industriel des pays ouest-africains», analyse-t-il. L’ADII se prépare déjà à cette future adhésion. Simulations et études sont en cours d’élaboration.

Quelles implications économiques ?
Sur ce processus, Chorfi se veut rassurant : «Le royaume saura relever le challenge. Les experts commenceront leur travail d’échange. Mais des simulations sont déjà en cours pour préparer l’entrée à cette union douanière», annonce-t-il lors du colloque de la FONDAFIP tenu à Rabat le 16 septembre dernier. Le patron des Douanes prévoit tout de même une période de transition pour s’adapter aux taux pratiqués au sein de cette zone. Parmi les questions qui sont à l’étude, les tarifs douaniers, les positions tarifaires et les règles d’origine. «Les tarifs CEDEAO sont au nombre de sept et commencent de 0 à 35% contre 2,5% à 25% pour le Maroc. Le Maroc compte 17.000 positions tarifaires contre 7.000 pour la zone douanière de la CEDEAO», compare-t-il.  En plus des aspects techniques liés à l’adhésion du Maroc, ce processus implique des arbitrages politiques. «Une union douanière suppose un certain nombre de prérequis, notamment la libre circulation des personnes», précise Chorfi. Un autre arbitrage est lié au niveau d’intégration économique avec les marchés de la zone. «Des demandes devraient s’exprimer au sein de la CEDEAO pour mettre en place un traitement différencié en matière de droits de douane, similaire à celui choisi entre le Maroc et l’UE», détaille le patron des douanes. À noter que les droits de douane entre le Maroc et l’espace communautaire européen étaient de 0% pour les produits marocains dès la signature de l’accord en 2010. Le démantèlement tarifaire graduel sur dix ans a, lui, concerné les produits européens.

Quid de l’Union douanière arabe ?
L’adhésion à cette nouvelle zone douanière pose également la question de la cohérence de la stratégie du commerce extérieur marocain. «Au Maroc, nous nous sommes depuis des années lancés dans le processus d’harmonisation pour lancer l’Union douanière arabe. Le sommet arabe de Koweït en 2014 avait acté cette décision avec une entrée en vigueur prévue pour 2015. Comment être membre de deux unions douanières à des échelles et dans des zones différentes ?», s’interroge Chorfi. Et de conclure : «À nous de déterminer nos priorités et notre feuille de route pour aller vers un jumelage, un rapprochement ou un alignement avec chaque zone douanière».


Chorfi : «L’Europe doit retrouver la raison»

«L’Europe doit prendre conscience des intérêts stratégiques qui la lient au Maroc. Si nous fermons les yeux une journée à Bab Sebta, ce sont des milliers de nos concitoyens africains qui se rendront en Europe. Nous protégeons l’Europe de différentes manières, et celle-ci s’amuse à nous provoquer sur des sujets stratégiques. L’Europe doit retrouver la raison». Ce sont les termes durs tenus par Zouhair Chorfi sur la relation tendue entre le Maroc et l’UE. Chorfi a rappelé les nombreux enjeux en négociation avec l’ALE, notamment le déficit de la balance commerciale. «Depuis que nous avons signé l’accord d’association, nous avons un déficit commercial de 70 milliards de dirhams par an. L’Europe doit porter une attention particulière à la soutenabilité de la balance commerciale. L’Europe doit donner une possibilité d’exportation plus importante aux produits marocains. L’UE ne peut traiter le textile du Bangladesh comme celui du Maroc».



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