Éco-Business

Uber, Careem… : Le vide juridique nourrit la tension

Les agressions visant les chauffeurs des applications de transport de personnes se sont multipliées durant les dernières semaines. Une véritable guerre des nerfs s’est installée entre les professionnels et les utilisateurs de ces applications mettant en exergue l’urgence d’une réglementation claire concernant ce mode de transport alternatif.

La floraison des modes de transport alternatifs de type Uber, Careem ou ma-navette.com, fait de plus en plus rager les professionnels. Les agressions portant atteinte aux chauffeurs utilisant ces applications sont désormais monnaie courante, à tel point que certaines de ces entreprises ont dû dicter des mesures de sécurité à leurs chauffeurs afin d’éviter toute confrontation dans des points noirs de Casablanca. «Évitez les gares, les grands centres commerciaux et les parvis des grands hôtels», voici en somme ce que les chauffeurs d’Uber ont appris à leurs dépens durant ces derniers mois. «Uber nous a, par exemple, donné des instructions afin de récupérer nos clients à l’aéroport directement depuis les parkings afin d’éviter le face-à-face avec les chauffeurs de taxis qui attaquent en horde», explique un chauffeur d’Uber. Même son de cloche chez un chauffeur Careem qui explique vouloir être désormais accompagné par un autre chauffeur afin de se sortir des situations les plus délicates. Une vraie guerre des nerfs est menée entre les chauffeurs. «Je fais en sorte de toujours appeler mon client lui demandant souvent de changer de lieu de prise en charge afin d’éviter les centres les plus dangereux», précise un chauffeur de Careem.

Protection juridique
Il faut dire que la greffe tentée par une entreprise comme Uber afin d’intégrer de plus en plus de chauffeurs de taxis dans l’écosystème n’a manifestement pas pris. «Beaucoup de taximen n’ont décidé d’intégrer Uber qu’en vue de profiter d’un téléphone gratuit pour ensuite déguerpir. Ce qui a d’ailleurs poussé le management à rendre les conditions d’accès au système plus compliquées», révèle un chauffeur Uber sous couvert d’anonymat. Uber Maroc compte aujourd’hui pas moins de 5.000 utilisateurs réguliers et compte en attirer encore plus durant les prochains mois. Il faut dire qu’une clientèle, de plus en plus intéressée par ce mode de transport, commence à se manifester, ce qui pose avec acuité la question de la réglementation. En l’absence d’encadrement juridique, ces applications d’intermédiation souffrent d’un manque flagrant de protection juridique. «La question de la réglementation est au cœur de la polémique et doit être traitée de manière urgente en prenant en considération les acteurs du tourisme et la situation des chauffeurs locataires d’agréments», souligne Abdelilah Hifdi, président de la Fédération de transport au sein de la CGEM. Pour ce professionnel, les autorités compétentes -en l’occurrence le ministère de l’Intérieur- doivent trouver un mode opératoire innovant qui préservera la stabilité sociale tout en favorisant ces nouveaux modes qui créent de l’emploi. «Il faut pouvoir suivre les évolutions liées à l’utilisation des nouvelles technologies et de la digitalisation qui sont désormais inévitables et qui constituent des inflexions majeures au niveau de l’économie», explique Hifdi. Des discussions avaient été menées entre les représentants de ces entreprises et les autorités afin d’aboutir à une réglementation de l’activité. Contactés par les Inspirations ÉCO, les responsables d’Uber n’ont pas souhaité communiquer dans l’immédiat sur ces questions.

Données personnelles
De plus en plus d’études démontrent qu’une interdiction de ces modes alternatifs serait contre-productive. Un récent rapport du Forum international du transport (ITF) rattaché administrativement à l’OCDE, et dont le Maroc est membre permanent, depuis 2015, s’est intéressé à la question. Il y est démontré qu’une interdiction de ces applications ou leur intégration dans le champ d’application des règles du marché du transport de personnes contre rémunération, causait des problèmes.

Le forum avance surtout les avantages fournis par ces modes de transport aux citoyens, en termes d’accessibilité aux services de transports. Pour les experts de l’organisation, les systèmes d’information, mis en place par ce genre d’application, permettent de réunir des données sensibles sur la réalité du transport. C’est ainsi que le Big Data, réuni par ces services, permet de fournir des données précises sur les pratiques des conducteurs, la circulation, la clientèle etc. Autant d’informations dont les politiques ont besoin en vue d’adapter leurs décisions aux réalités du transport.

Par ailleurs, «les applications de transport de personnes améliorent la répartition des capacités disponibles, ce qui est bénéfique pour les consommateurs, les professionnels, les villes et l’environnement», souligne l’ITF dans son rapport. Leur apport peut également être important en matière de politiques sécuritaires. De nombreuses informations concernant les utilisateurs et les chauffeurs sont aujourd’hui récoltés par ces applications qui peuvent décider de les partager avec les autorités sécuritaires. Ce qui pose d’ailleurs la question de l’utilisation des données personnelles. En revanche, de l’aveu même de ses rédacteurs, l’étude ne traite pas des impacts sociaux que ce genre d’applications peut avoir sur certaines professions, comme celle des taximen, tout en soulignant que ces questions mériteraient d’être traitées au cas par cas par les différents régulateurs nationaux.

En attendant, l’ITF estime que «la réglementation du transport de personnes contre rémunération doit devenir plus souple pour permettre l’innovation, tout en veillant à assurer la sécurité publique, la protection des consommateurs et des chauffeurs ainsi qu’en renforçant la discipline fiscale». 


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