Tourisme : comment stimuler l’investissement au-delà du Mondial 2030 ?
Le Maroc s’impose comme une destination phare pour les investissements touristiques. Un constat mis en lumière lors du Morocco Showcase Summit tenu à Casablanca les 19 et 20 novembre. Si les performances affichées (records en termes d’arrivées et de revenus touristiques) témoignent d’une dynamique impressionnante, une question persiste : comment inscrire cette dynamique dans la durée, bien au-delà du Mondial 2030 ?
À cinq ans d’un événement appelé à marquer d’une pierre blanche l’histoire conjuguée du sport et du tourisme, le Maroc renforce, déjà, son statut de terre d’hospitalité. Pour preuve, les réalisations record énoncées par le ministère du Tourisme : 14,6 millions de touristes accueillis sur les dix premiers mois de 2024, nettement supérieurs aux chiffres enregistrées une année auparavant, et des revenus touristiques atteignant les 87,1 milliards de dirhams sur neuf mois, en hausse de 8,4% par rapport à il y a un an !
Ces performances, aussi remarquables soient-elles, posent une question essentielle : comment pérenniser cette dynamique au-delà du Mondial de 2030 ? Telle est la réflexion affichée lors du Morocco Showcase Summit, tenu les 19 et 20 novembre à Casablanca. Cet événement, co-organisé par la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT), a réuni investisseurs, opérateurs et institutions financières de dix pays pour explorer les opportunités d’un secteur en pleine mutation.
«Le Maroc se positionne comme l’une des destinations les plus attractives pour les investisseurs, et le moment est idéal pour saisir ce potentiel exceptionnel», a souligné Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme.
Porté par une feuille de route de 6 milliards de dirhams sur la période 2023-2026, le Maroc n’a pas pour unique ambition de se tenir prêt pour la grand-messe planétaire du football. Le cap fixé par la tutelle est d’intégrer le club sélect des 15 meilleures destinations mondiales.
L’augmentation de la capacité hôtelière, la diversification des offres d’animation et la mise à niveau du capital humain figurent parmi les priorités. En s’appuyant sur des programmes tels que le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement et la nouvelle Banque de projets, le pays entend créer les conditions d’un tourisme qui allie résilience et innovation.
Miser sur l’expérience !
Plus qu’un simple effet d’aubaine, le Maroc mise en effet sur une refonte de son approche touristique. L’accent n’est plus seulement mis sur le nombre de lits ou d’infrastructures, mais sur la qualité de l’expérience. «Pour la première fois, la politique touristique met en avant l’expérience, au-delà des simples infrastructures», souligne Selma Belkhayat, cofondatrice d’AMF Africa.
Cette vision intègre des projets hybrides où l’hospitalité se conjugue avec des éléments de culture, de loisirs et de gastronomie, positionnant le Maroc dans une catégorie à part sur la scène internationale. Cette stratégie bénéficie d’un cadre réglementaire renforcé, soutenu par la nouvelle charte d’investissement.
«Ce document crée un environnement favorable, qui permet un alignement des politiques publiques et des acteurs privés», souligne Markson Baker, représentant du fonds d’investissement DEG.
Grâce à des incitations fiscales inédites, qui prévoit, entre autres, des cashbacks allant de 20 à 30%, le Maroc s’affirme, de plus en plus, comme un acteur ambitieux sur la scène mondiale pour attirer les investissements. «C’est le bon moment pour investir, pas seulement grâce aux chiffres, mais parce que tous les acteurs sont enfin alignés», renchérit Younes Hajoui, directeur de développement au sein de la SMIT.
Élargir la bases de clients
Pour autant, la diversification de l’offre reste un impératif. Si les segments haut de gamme, tels que les hôtels cinq étoiles, se multiplient, des segments encore sous-exploités, comme les éco-resorts et les hôtels économiques de qualité, nécessitent une attention particulière. «Le Maroc doit également miser sur des produits adaptés à des budgets variés, tout en maintenant une qualité irréprochable», lance Nabil Faher, directeur des investissements de Westmont Maroc.
Cette approche permettrait d’étendre l’attractivité du pays à un spectre plus large de voyageurs, tout en renforçant les retombées économiques. L’autre grand enseignement du Morocco Showcase Summit est la nécessité d’élargir l’offre touristique. Le Maroc a certes la réputation d’être accueillant, mais pour attirer et fidéliser des visiteurs exigeants, il faudra aller au-delà de cet héritage naturel en structurant des programmes de formation adaptés.
«Nous sommes un pays d’hospitalité, mais il faut structurer cet atout pour répondre aux standards internationaux», analyse Mehdi Ksikes, managing partner d’Al Foundokia. À cela s’ajoute la nécessité d’assurer une cohérence dans l’expérience proposée.
«Le véritable enjeu est l’après-Mondial : maintenir la qualité des services et assurer une cohérence dans l’expérience offerte», lance Nabil Faher.
D’ailleurs, les opérateurs s’accordent à voir dans cette dynamique bien plus qu’un effet de mode, mais un véritable tremplin vers une croissance durable.
Manque de compétences
Dans cette logique, le capital humain apparaît comme un élément clé. Le secteur touristique marocain, en pleine expansion, souffre d’un manque criant de compétences qualifiées, notamment à des postes de middle management.
«Aujourd’hui, nous avons un grand écart. Les écoles hôtelières forment pour les niveaux supérieurs, tandis que l’OFPPT se concentre sur les postes d’entrée de gamme. Mais il n’y a rien entre les deux», souligne Nabil Faher.
Cette lacune structurelle freine le développement d’une industrie capable de rivaliser avec des destinations internationales. Mais ce n’est pas tout. Le Maroc fait face à une concurrence croissante de la part de l’Arabie Saoudite qui investit massivement dans le secteur, et qui cherche à attirer les talents locaux, bénéficiant d’une solide réputation dans le domaine de l’hospitalité.
«L’Arabie Saoudite est une cible facile pour capter nos travailleurs qualifiés, et elle a les moyens de le faire», prévient Markson Baker, représentant de DEG.
Ce constat souligne l’urgence de retenir et de former localement ces talents. Pour y parvenir, les opérateurs appellent à renforcer les partenariats public-privé pour développer des programmes de formation adaptés, reconnaître l’expérience professionnelle moyennant des certifications, et créer des incitations pour encourager le retour des talents marocains expatriés.
«Nous avons une diaspora talentueuse qui ne demande qu’à revenir, mais elle manque de visibilité et d’opportunités», explique Nabil Faher.
Si le Maroc a démontré sa capacité à attirer des investissements, la pérennité de cette dynamique repose ainsi en grande partie sur la formation et la valorisation de son capital humain. La Coupe du monde 2030 représente une opportunité exceptionnelle, mais elle ne pourra être pleinement exploitée qu’en investissant dans les hommes et les femmes qui incarnent l’hospitalité marocaine. «Sans eux, nous ne sommes rien», conclut Mehdi Ksikes, rappelant l’urgence de bâtir un socle humain solide pour porter les ambitions du pays.
Fatim-Zahra Ammor
Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire
«Le Maroc se positionne comme l’une des destinations les plus attractives pour les investisseurs, et le moment est idéal pour saisir ce potentiel exceptionnel»
Le all-inclusive, un levier pour séduire les investisseurs
Le modèle all-inclusive s’impose comme une réponse stratégique pour diversifier l’offre touristique au Maroc. À l’heure où le pays cherche à capter des investissements, plusieurs opérateurs ont souligné l’apport de ce format, notamment dans sa version premium, pour redéfinir les standards de l’hospitalité.
«Dans le premium, tout doit être aligné, de l’architecture à la gastronomie, pour excéder les attentes des clients», confie Mehdi Ksikes, managing partner d’Al Fondoukia, lors du Morocco Showcase Summit à Casablanca.
Au-delà d’une simple formule, le all-inclusive devient un levier de différenciation dans un marché globalisé. Il ne s’agit plus seulement de proposer un séjour, mais une expérience holistique, capable de fidéliser des visiteurs en quête d’excellence. Alors que le Maroc se prépare à accueillir la Coupe du monde 2030, ce format pourrait jouer un rôle clé pour renforcer l’attractivité du pays.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO