Tomate marocaine: Perspective prometteuse, mais…
La filière tomate poursuit sa tendance haussière de ces dix dernières années jusqu’à voler la vedette à la concurrence, mais de nombreux «parasites» menacent le légume-fruit.
Perspective prometteuse pour les exportations de tomates marocaines. En témoigne le tableau flatteur des premières expéditions de ce légume-fruit vers le marché européen pour la saison en cours. Même les plus pessimistes pourraient se laisser convaincre. En effet, la campagne des exportations démarre plutôt bien avec une demande de plus en plus forte, doublée d’une hausse relative des prix. Avec 1,5 euro le kg, suivant le calibre du fruit dès la première semaine de la campagne d’exportation, les exportateurs se frottent les mains même si le coup de vent des premières heures de la mise en vente sur le marché commence à s’affaiblir au fur et à mesure que la récolte s’intensifie. Mais il va en falloir plus pour faire rougir les maraîchers marocains qui semblent sur un petit nuage. «La tomate marocaine a toujours eu la cote dans le marché européen, et ce, malgré la rude concurrence», se félicite un membre de la Fédération interprofessionnelle des producteurs et exportateurs de fruits et légumes, pour qui les facteurs à l’origine de cette prouesse sont à la fois externes et internes.
Une stratégie payante
«Dans le cadre du plan agricole Maroc Vert, des efforts considérables ont été déployés pour booster la production et la superficie cultivée en tomates primeurs, et promouvoir le label de la tomate marocaine», ajoute notre interlocuteur avant de saluer le «travail remarquable» des producteurs et exportateurs nationaux, lesquels allient innovation et agressivité pour se distinguer de la concurrence. Une stratégie payante au vu des résultats des saisons précédentes et de celle en cours.
Durant la saison 2019/2020, le Maroc a exporté, pour la première fois, un volume de tomates plus élevé que celui de la province d’Almeria, considérée comme le potager de l’Europe. Si l’on en croit les chiffres du service statistique d’Estacom, la province ibérique a exporté 418.640 tonnes de tomates, lors de ladite campagne, soit une baisse de 11,3% par rapport à la saison précédente et 25,2% par rapport aux cinq dernières saisons. En revanche, les producteurs marocains, surfant sur la vague d’une tendance haussière depuis dix ans, ont expédié 486.880 tonnes. Si ces chiffres prouvent à suffisance la montée insolente de la filière, les spécialistes avancent d’autres phénomènes qui favoriseraient la percée de la tomate marocaine, à savoir une tendance des producteurs espagnols à se tourner vers d’autres cultures plus rentables. Dans la province espagnole, alors que les coûts ont augmenté de 2%, les prix de tomates ne cessent de baisser jusqu’à accuser une chute de 9%. En parallèle, le chiffre d’affaires a baissé de 16%, selon l’association des organisations de producteurs de fruits et légumes d’Almería (Coexphal). Mais le positionnent de la belle tomate marocaine n’est pas sans susciter des crises de jalousie chez la concurrence, comme en témoigne la toute dernière attaque du lobby agricole espagnol contre les expéditions agricoles marocaines destinées au marché européen. La coordination des organisations des agriculteurs et éleveurs (COAG) a en effet récemment ressorti ses griffes pour attaquer les exportateurs marocains.
Crise de jalousie
Dans un communiqué, l’association a estimé que la baisse des cours de ventes de fruits et légumes sur les marchés européens est provoquée par l’entrée massive des exportations marocaines. Fidèle à son ton accusateur, sans fondements apparents, ce puissant lobby qui se mobilise au début de chaque saison agricole, en s’apitoyant sur le sort de ses confrères, en veut à la sacro-sainte loi du marché. Dans ce sens, le secrétaire général, Andrés Gongora, connu pour ses attaques systématiques et surtout sa désinformation concernant les exportations nationales agricoles, a dirigé ses critiques contre les envois marocains horticoles, les accusant de “déstabiliser” la bourse des fruits et légumes. À côté de la concurrence espagnole, d’autres chenilles envahissent la tomate marocaine. Mi-août, les producteurs de fruits et de légumes de l’Union économique eurasienne (UEEA) ont appelé la Russie à interdire l’importation des tomates marocaines pendant deux mois dénonçant une «concurrence déloyale».
D’autres vers dans le fruit
À cela, il faut ajouter d’autres parasites. «Les frais de production sont devenus insupportables, les barrages sont à sec à cause notamment de la sécheresse», regrette un producteur sous-couvert de l’anonymat. «À cause de tout cela, certains agriculteurs sont obligés d’irriguer leurs productions avec des citernes d’eau», poursuit le haut responsable du patronat agricole avant de dénoncer, dans la même foulée, le niveau insupportable de la TVA notamment pour les producteurs non-exportateurs, lesquels ne récupèrent pas la taxe. Et pour ne rien arranger, le nouveau coronavirus est venu s’attaquer à la filière. «Pour respecter les mesures barrière, nous sommes obligés de réduire nos effectifs dans les plantations. C’est un stress supplémentaire sachant que nous avons entre les mains un produit périssable», souligne la même source qui table, avec beaucoup d’espoir, sur la saison prochaine qui verra le démarrage de la plus grande usine de dessalement d’eau de mer jamais construite en Afrique.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco