Tissu productif : effets contrastés des crises sur les entreprises
C’est une évolution mitigée du tissu productif qui ressort du dernier rapport 2022-2023 de l’observatoire marocain de la TPME. Si les grandes entreprises ont pu tirer profit des périodes de crise, les petites entreprises ont essuyé un échec avec un taux de dissolution qui a fortement grimpé entre 2017 et 2023. L’emploi, et principalement celui des femmes, n’est pas mieux loti.
Le tissu productif national continue de résister. C’est le constat global qui se dégage du rapport 2022-2023 de l’Observatoire marocain de la TPME(OMTPME). Un rapport qui se veut plus musclé en matière de données, dont la combinaison avec de nouveaux indicateurs a permis d’aboutir à des analyses plus complètes.
Pour Amal Idrissi, directeur exécutif de l’OMTPME, ces résultats plus exhaustifs par rapport aux rapports précédents sont principalement dus au nombre important de partenaires fournisseurs de données qui collaborent avec l’Observatoire, dont la Direction générale des impôts.
Des EPMA en croissance
Dans son diagnostic, l’OMTPME fait état d’une croissance de l’ordre de 37,2% du nombre des entreprises personnes morales actives (EPMA) entre 2017 et 2023. En termes d’activité, c’est le secteur tertiaire qui se taille la part du lion avec 69,8% en 2023, soit en hausse de 1,8 point par rapport à 2017.
La part de l’industrie manufacturière s’est établie à 6,5% en moyenne depuis 2017. Le rapport dévoile l’émergence de la région du Nord avec 12,5% des EPMA. À noter que les régions du Sud ne sont pas comprises dans les analyses, en raison de la non-représentativité des données.
Toutefois, Amal Idrissi a souligné, dans ce sens, qu’il est prévu, pour 2025, de lancer un projet pilote avec la ville de Dakhla. L’analyse des données révèle également qu’au niveau de la forme juridique, une migration importante a été observée vers la SARL-AU. Bien que la forme juridique SARL reste la plus couramment adoptée par les EPMA, sa part a connu, entre 2017 et 2023, une diminution importante de 16 points au profit de la SARL-AU, qui est passée de 22,1% à 40,5% sur cette période. Par ailleurs, si le nombre de créations d’entreprises personnes morales reste en évolution (+20%), le nombre de dissolutions suit fortement la même tendance (+48,6%).
«Ces chiffres seraient encore plus élevés si l’on incluait les entreprises inactives n’ayant pas officiellement déclaré leur fermeture. D’après l’étude menée avec la Banque mondiale, 7,3% des entreprises sont restées inactives pendant au moins deux années et ont été les plus vulnérables à ces chocs. Le taux de dissolution les concernant est passé de 2% en moyenne avant la crise de Covid-19 à 17,2% dans la période post-Covid».
Crises, quel impact ?
Dans un autre registre, l’Observatoire s’est penché sur l’impact de la crise pandémique et des crises successives sur le chiffre d’affaires et la valeur ajoutée des différentes catégories d’entreprises. Sans grande surprise, les grandes entreprises ont tiré profit de la situation, avec une évolution de 66% en 2023, contre 63% en 2017. Ces évolutions reflètent l’impact inégal de la crise sanitaire et celui de la reprise économique qui s’en est suivie.
Pour les entreprises de petite taille, en plus d’être moins résilientes, elles sont confrontées à des conditions de marché défavorables, y compris l’accès au financement. Dans ce sillage, 29,3% des crédits bancaires ont été accordés aux TPE, alors que les GE ont raflé 59%. En somme, 148.937 entreprises ont bénéficié de crédits en 2023, soit une hausse de 5% par rapport à 2022.
En termes d’emploi, la majorité des secteurs ont enregistré une progression notable, à l’exception de l’industrie manufacturière. Alors que d’autres secteurs, en dépit d’une amélioration, ont enregistré une diminution de l’emploi. Ces évolutions reflètent une migration croissante des travailleurs vers le secteur tertiaire, ce dernier accaparant 66,5% du total des emplois des EPMA en 2023, contre 62,2% en 2017.
L’emploi des femmes est une autre paire de manches. 59% du total des employées femmes ont perçu un salaire inférieur au SMIG, contre 53% pour les employés hommes. Pour les autres tranches de salaires, la part des employés masculins est supérieure tout en tendant à se rapprocher de celle des employés féminins au fur et à mesure que ces tranches de salaires sont plus élevées. Cependant, la santé humaine et action sociale draine plus d’employées femmes avec une part estimée à 71%. Le rapport fait également ressortir que seulement 15% des entreprises sont dirigées par des femmes.
De plus, le taux d’accès au crédit bancaire n’a pas dépassé 14,6% et la part des prêts dont elles ont bénéficié représente à peine 11,3% de l’encours total des crédits bancaires. Par ailleurs, pour disposer de données plus exhaustives, l’observatoire compte poursuivre son programme d’actualisation du répertoire des entreprises formelles actives afin d’enrichir davantage la cartographie des indicateurs. Il envisage aussi de s’aligner sur les meilleurs standards dans les processus de production en favorisant le développement des compétences. Pour y parvenir, le renforcement des partenariats nationaux et internationaux est envisagé.
D’ailleurs, avec Bank Al-Maghrib, il est prévu de lancer un projet de veille pour les PME, dès 2025. Dans la même lancée, la coopération avec le ministère de l’Investissement devrait aboutir à la mise en place de l’Observatoire national de l’investissement.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO