Sur la base des recettes encaissées et des dépenses émises, la Trésorerie générale du Royaume affiche un déficit de 16,6 MMDH.
171,282 MMDH de recettes collectées par la Trésorerie générale du Royaume (TGR) à fin juillet 2022, soit 10% de plus que ce qui a été encaissé à la même période en 2018, période qui correspond au meilleur niveau atteint ces 5 dernières années.
Comparé à la même période de l’an dernier, les recettes de la TGR sont en hausse de 20,4%. Autant dire qu’elles ne se sont jamais aussi bien portées à pareille période de l’année. Qu’est-ce qui explique cette augmentation importante ?
Plusieurs éléments, à commencer par la hausse de la facture à l’import de bon nombre de produits et matières.
En effet, il est évident que plus les prix augmentent, plus les recettes fiscales de l’Etat, notamment la TVA à l’importation et les recettes des droits de douanes, suivent.
Comme en attestent les données de la TGR, à fin juillet, les recettes douanières nettes ont grimpé de 24,9%, en dépit des remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux de 173 MDH à fin juillet 2022 contre 50 MDH un an auparavant. Les droits de douane ont également grimpé de 23,4% ; la TVA à l’importation a bondi de 33,9% ; la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits énergétiques a affiché une hausse de 2,8%, tenant compte de remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux de 137 MDH contre 33 MDH un an auparavant.
Les tabacs manufacturés ne sont pas en reste avec la hausse de la TIC appliquée à ce produit de 16,2%, dans le même temps les autres TIC ont également évolué de 21,2%.
Hausse des recettes nettes de la fiscalité domestique
Les recettes réalisées au titre de la fiscalité domestique se sont rehaussées de 19,1%. Dans le détail, l’IS a enregistré une hausse de 51,9%, compte tenu de restitutions qui ont été de 356 MDH à fin juillet 2022 contre 305 MDH un an auparavant.
Les encaissements dûs à l’IR aussi ont grimpé de 5%, à l’inverse des recettes de l’IR sur les profits immobiliers qui ont quant à eux connu une baisse de 6,7%.
Ce qui s’explique par le ralentissement observé dans le secteur et la hausse des invendus. Pour ce qui est des recettes de la TVA à l’intérieur, elles ont été tirées vers le bas à -8,2%, compte tenu des remboursements supportés par le budget général qui ont été de 5,126 MMDH.
Les remboursements de TVA à l’intérieur (y compris la part supportée par les collectivités territoriales) ont été de 7,324 MMDH contre 5,404 MMDH un an auparavant.
Les recettes dues aux droits d’enregistrement et de timbre ont également augmenté, s’établissant à 11,147 MMDH contre 9,688 MMDH un an auparavant, en hausse de 15,1% ou +1,459 MMDH. Idem pour les majorations de retard qui ont bondi de 35,2%, résultant de recettes brutes de 1,076 MMDH contre 881 MDH et de dégrèvements de 70 MDH contre 137 MDH un an auparavant.
Mohamadi El Yacoubi
Président du Cercles des fiscalistes du Maroc (CFM)
“L’évolution de la TVA à l’intérieur combinée aux taux d’inflation et de croissance ont de quoi inquiéter !”
Qu’est-ce qui explique cette hausse importante de recettes à fin juillet ?
Nous sommes effectivement devant une bonne «vendange» fiscale. La crue de l’Impôt sur les sociétés (IS), par rapport à fin juillet 2021 s’explique par la conjoncture économique favorable de 2021 qui a été l’année de reprise. Étant précisé que le reliquat de l’IS et le 1er acompte provisionnel payés à fin mars, et le 2e acompte payé à fin juin, sont calculés sur le résultat fiscal de l’exercice comptable antérieur, c’est-à-dire 2021.
L’année 2022 étant ce qu’elle est, il faudra s’attendre, en 2023, en matière d’IS, à des résultats beaucoup plus faibles. Et même avant, car pour le dernier acompte d’IS, en 2022, les entreprises ont parfaitement le droit de demander la dispense du 4e acompte, en justifiant l’évolution défavorable de leur chiffre d’affaires. Il faut le dire, notre pays fait face, jusqu’à maintenant, à un déficit budgétaire «gérable», grâce notamment à la bonne récolte fiscale provenant de l’IS et des recettes de TVA sur les importations.
Ceci étant, le surplus fiscal exceptionnel devrait permettre de réduire le niveau compromettant de la charge de compensation qui, au mois de juillet, a déjà atteint une hausse spectaculaire. Cette amélioration notable des recettes fiscales provient essentiellement des secteurs phosphatier, cimentier et financier (banques et assurances). Il s’agit aussi de l’augmentation de l’impôt sur le revenu (IR) grâce, notamment, aux recettes émanant de l’IR sur salaires…
Qu’avez-vous à dire sur la hausse des recettes fiscales provenant de la Douane ?
Pour ce qui est de la hausse des recettes fiscales provenant de la Douane, c’est-à-dire des importations, elle corrobore véritablement la situation de dépendance externe de l’économie marocaine, et le caractère structurel des déficits de la balance commerciale et de la balance des paiements. La crue des recettes douanières s’explique aussi par l’augmentation de certains tarifs douaniers opérés par les dernières lois de Finances.
Pour la TVA à l’importation, l’explication principale réside dans l’augmentation des prix des produits et articles importés, parmi lesquels figurent, au premier rang, les produits alimentaires et les produits pétroliers. Il en va de même des droits de douane avec néanmoins une assiette plus réduite par rapport à celle de la TVA, eu égard à la multitude des accords de libre-échange (ALE) en vigueur.
Le Maroc a presque aboli son mur de protection tarifaire et ses portes sont désormais ouvertes aux quatre vents de l’international. L’autre indicateur important est la TVA à l’intérieur, qui constitue un baromètre de la consommation interne et donc de la demande sur le marché national. Celle-ci a connu une quasi-stagnation avec une légère hausse. Combinée au taux d’inflation supérieur et au faible taux de croissance annoncé pour 2022, il y a de quoi s’inquiéter sur tous les fronts.
En effet, l’inflation a touché une belle brochette de produits et matières : blé, soufre, charbon, huile végétale ou encore pétrole. La guerre en Ukraine a bien eu des conséquences préjudiciables sur l’économie nationale. Le panier marocain a été affecté mais aussi les entreprises et le budget de l’Etat. Si l’on exclut l’agriculture, le taux de croissance de l’économie nationale connaîtra une légère hausse. Mais ce taux est tiré vers le haut principalement par les activités de services ou tertiaires contribuant à +2,5 points à la croissance de la richesse globale. Et dans les services, deux branches viennent en tête : l’administration publique et le tourisme qui sort de son engourdissement complet suite à la crise pandémique.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO