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Taxe sur les produits énergétiques : une bouée de sauvetage dont l’État ne saurait se passer !

Selon le dernier Bulletin mensuel de statistiques des finances publiques de la TGR (avril 2022), la TVA à l’import sur les produits énergétiques a enregistré une hausse de 77,9%, soit plus de 1,5 MMDH supplémentaires collectés par la Trésorerie générale du Royaume. Sachant que le sujet du coût des carburants fait couler beaucoup d’encre ces temps-ci, des économistes commentent.    

L’État continue à se refaire une santé grâce à la hausse du prix du baril de pétrole sur fond de crise en Ukraine. Mais est-ce suffisant, et jusqu’ à quand, vu les tensions qui commencent à devenir problématiques ? En effet, malgré l’augmentation enregistrée au niveau de la TVA sur les produits énergétiques importés, l’économie marocaine est sur une délicate ligne de crête.

Selon le dernier Bulletin mensuel de statistiques des finances publiques de la TGR (avril 2022), la TVA à l’import sur les produits énergétiques a enregistré une hausse de 77,9%, soit plus de 1,5 MMDH supplémentaires collectés par la Trésorerie générale du Royaume, comparé à la même période de l’an dernier.

Pour se faire une idée du bond spectaculaire réalisé, voyons les autres produits sur lesquels l’État collecte la TVA à l’import. Les recettes enregistrent une augmentation de 20,4% à fin avril. L’écart est important ! Idem pour mars 2022, où les recettes de TVA sur ces produits ont enregistré une hausse de 71,9%, soit +1,009 MMDH.

Contacté par Les Inspirations Éco, l’économiste, Mostafa Labrak, directeur général d’Energysium consulting et expert en énergie et carburants, explique que «la TVA sur les carburants est de 10%, donc variable. Et vu qu’elle est indexée sur le prix de revient -dont la composante la plus importante est le prix à l’international- il est normal qu’elle augmente presqu’au même niveau que les prix de carburants, atténuée des frais fixes dans la structure de prix. À noter que cet excédent de recette est non planifié, car la loi de Finances 2022 avait tablé sur un baril de pétrole à 80 $».

De son côté, l’économiste Abdelghani Youmni explique que «les recettes de TVA ont augmenté parce que les prix ont été multipliés par 1,2. Quand le prix de n’importe quel produit augmente, les recettes de TVA suivent. C’est pour cela que, normalement, le gouvernement doit mettre en place des mécanismes qui permettent de réorienter une partie de ces recettes de TVA vers le filet social, notamment celui des transporteurs, mais aussi vers les couches les plus vulnérables».

Le bond important que connaissent les recettes sur les produits énergétiques importés dépasse les 70% depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, ce qui confirme l’effet accélérateur de ce conflit sur l’explosion du prix du baril de pétrole brut et des carburants à la pompe, au grand dam des professionnels du transport et de l’économie en général. Ainsi, la hausse à deux chiffres des recettes a évolué crescendo depuis avril 2021.

À titre de rappel, la guerre russo-ukrainienne a été déclenchée le 24 février 2022, donc quasiment à la fin de ce mois. La hausse des prix à l’import entraînant ceux à la pompe, les recettes de la TIC sur les produits énergétiques suivent le même trend, mais pas de manière très perceptible, du fait que l’État procède à des remboursements, dégrèvements et restitutions fiscales.

En valeur brute, les recettes de la TIC sur les produits énergétiques ont été de 5.142 MDH contre 5.184 MDH, en très légère baisse -pour ne pas dire stagnation- de 0,8% par rapport à leur niveau de fin avril 2021 (ou -42 MDH). En mars aussi, l’État a procédé à des remboursements. Les recettes nettes de la TIC sur les produits énergétiques ont atteint 3.748 MDH contre 3.794 MDH, en diminution de 1,2% par rapport à leur niveau de fin mars 2021 (ou -46 MDH), compte tenu de remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux de 4 MDH à fin mars 2022, contre 11 MDH un an auparavant.

Pour ce qui est des légères baisses observées sur les recettes de la TIC,  Youmni, explique que «les recettes de la TIC ne baissent pas. En fait, elles augmentent. Mais si l’État procède à des remboursements, alors forcément, la trésorerie générale en aura moins».

Autre élément à prendre en compte dans l’analyse des recettes de la TIC sur les produits énergétiques : selon Labrak, «les ventes ont baissé par rapport à la même période de l’année dernière. Il y a donc moins de recettes collectées pour ce qui est de la TIC.

Par ailleurs, cette taxe est fixée dans la structure de prix, quelle qu’en soit la variation, et de ce fait, elle ne dépend que des volumes de ventes». À titre de rappel, la TIC sur le gasoil est de 2,42 DH/litre et 3,76 DH/litre pour le super.

Mohamadi Rachdi El Yacoubi 
Président du Cercle des fiscalistes du Maroc (CFM)

La hausse de la TVA sur les produits énergétiques s’explique par l’augmentation des prix des carburants, liée à la crise en Ukraine. En effet, le Maroc est sur le qui-vive du fait des conséquences économiques de cette situation géopolitique. Les risques en termes d’approvisionnement ne semblent pas contenus, tandis que l’augmentation des cours du gaz et du blé pourrait avoir un impact préjudiciable sur les finances publiques. Malgré la hausse enregistrée au niveau de la TVA, l’économie marocaine est sur une délicate ligne de crête. Au-delà des pressions sur les finances publiques et de l’envolée des prix des matières premières et énergétiques, le pays doit faire face à une saison agricole compromise par la sécheresse. Le comportement de la TIC est indexé sur celui de la TVA eu égard à l’évolution du prix des importations, hormis les dégrèvements et restitutions d’impôts effectués par le Trésor. Déjà soumis à la contrainte et à la pression, le renchérissement des prix des matières premières semble être la première conséquence tangible de la crise ukrainienne sur le Maroc. Des tensions qui commencent à devenir problématiques puisque cette situation de guerre en Europe perdure. En fait, la crise est bien là ! Blé, soufre, charbon, huile végétale ou encore pétrole ! La guerre en Ukraine risque bien d’avoir des conséquences sur notre économie. Le panier marocain sera sans doute affecté ainsi que les entreprises et le budget de l’État.

Abdelghani Youmni
Économiste et spécialiste des politiques publiques

Dans un précédent article, vous annonciez que «les prix des carburants pourraient encore grimper à 25 DH/litre». Je ne le souhaite pas et ne l’espère pas, parce que l’inflation est la cause de toutes les turbulences sociales. Les recettes de la TVA augmentent quand les prix augmentent. Donc l’inflation renforce les recettes de TVA au profit de l’État. Mais elle affaiblit le pouvoir d’achat et crée des tensions sociales qu’on ne voit pas encore. Il est vrai que le Maroc est un pays très résilient, mais jusqu’à quand cela va-t-il durer ? C’est la grande question.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO



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