Taxe sur le ciment : Les industriels du béton réclament sa suppression
Le débat, organisé mardi à Rabat par l’Association marocaine de l’industrie du béton, a permis de relever les contraintes imposées par la TSC à un secteur qui cherche toujours à rebondir. La philosophie du Fonds solidarité habitat doit changer, selon les professionnels, sachant que le déficit en logement est aujourd’hui moins important qu’en 2002.
L’Association marocaine de l’industrie du béton (AMIB) se rebiffe encore une fois contre le maintien de la taxe spéciale sur le ciment (TSC) qui est de 150 DH/tonne hors TVA. Pour ceux qui ne le savent pas, il y a aussi une TVA de 20%, appliquée à cette taxe parafiscale, qui à elle seule totalise 430 MDH par an. En définitive, la TSC est de 180 DH/tonne TTC. Pour les économistes comme pour les industriels du préfabriqué, il s’agit d’une aberration fiscale. Lors d’un ftour-débat, organisé mardi à Rabat, l’AMIB a donné le ton. Après avoir signé en mars dernier le contrat de performance 2016-2020 dans le cadre de l’écosystème Matériaux de construction, l’association veut matérialiser ses engagements de créer 2.700 nouveaux emplois, d’investir 210 MDH et de générer un chiffre d’affaires additionnel de 2 MMDH.
Cependant, elle ne peut le faire en traitant le boulet de la TSC. Cette dernière, qui alimente à 80% le Fonds solidarité habitat (FSH), n’est plus tolérée par un secteur confronté à une concurrence qui elle n’est pas soumise à la même pression fiscale. Résultat, ils sont plusieurs à basculer dans l’informel; même les entreprises ayant pignon sur rue sont de plus en plus tentées de vendre leurs produits au noir, hors TVA. Pour Azzedine Abaakil, président de l’AMIB, la première condition de l’essor du secteur est l’exonération des industriels du béton de la taxe sur le ciment qui est la matière première pour le préfabriqué. Deuxièmement, le responsable n’en demande pas moins la suppression de l’exonération du seuil de la TVA sur l’auto-construction qui représente un manque à gagner pour les industriels du béton de 60.000 logements.
Pour l’économiste Driss Effina, la TSC est venue combler, en 2002, la faiblesse du budget de l’État en matière de lutte contre l’habitat insalubre. À l’époque, la taxe était de 50 DH/tonne et le déficit en habitat de 1,2 million d’unités. Avec l’élargissement du champ d’action du FSH, cette taxe a été portée en 2012 à 150 DH/tonne. Pour alimenter davantage un fonds dont l’intervention ne faisait qu’augmenter, d’autre produits de construction ont été passé en revue comme le sable, le fer et l’acier. Aujourd’hui que le déficit en habitat est de 500.000 unités, les industriels du béton ne voient pas l’opportunité de garder une taxe qui commence à sérieusement compromettre le développement de la filière.
Selon une étude, la TSC aura contribué à faire augmenter le prix du ciment de 18% sur 13 ans. L’idéal, selon Effina, est de réformer progressivement le Fonds de soutien habitat pour qu’il soit alimenter par une source pérenne émanant du budget de l’État. Pour lui, trois taxes peuvent remplacer efficacement la TSC à savoir une taxe sur le foncier aménagé, une taxe sur les dérogations en matière d’urbanisme et une taxe sur le logement vide. Sauf que les trois taxes posent aussi plein de problématiques et sont difficile à mettre en place. Le débat reste donc ouvert et la capacité de lobbying de l’AMIB devra se mesurer à la disposition ou non de l’administration fiscale à lâcher du lest par rapport à une source sûre de financement du FSH. Ceci dit, dans le contrat de performance susmentionné, il y a une promesse à peine voilée de débarrasser le secteur de la TSC. On peut lire dans le contrat que le développement de la filière du préfabriqué passera aussi par «l’alignement des charges du secteur par rapport aux produits de substitution, importés ou fabriqués localement».
Brique rouge vs préfabriqué
Le secteur du béton compte 500 opérateurs, emploie 11.000 personnes, réalise un chiffre d’affaires de 5 MMDH et participe au PIB à raison de 2 MMDH. Le secteur produit localement et n’est pas trop énergivore. Toutefois, le taux de pénétration du béton est de seulement 8% alors qu’il est de 18 voire 30 % dans d’autres pays. La brique rouge, utilisée à raison de 80%, a toujours l’ascendant sur le préfabriqué malgré les garantie de qualité et de sécurité que ce dernier propose. C’est ce qui explique la faible croissance du secteur entre 2007 et 2013 malgré le boom de l’immobilier.