Surliquidité bancaire : Le CMC décortique les causes de la crise
Dans sa dernière note conjoncturelle mensuelle, le Centre marocain de conjoncture (CMC) est revenu sur la problématique de l’abondance des liquidités bancaires qui s’accompagnent paradoxalement d’une faiblesse des crédits. Pour le CMC, ce paradoxe ne fait que traduire le sous-financement du secteur privé. De ce fait, l’amélioration du financement de l’économie est à rechercher davantage dans l’accès à la liquidité que dans sa disponibilité.
Comment se fait-il que l’abondance des liquidités ne s’est pas traduite par un accroissement de l’offre des crédits ? C’est à cette question, qui structure le débat économique depuis quelque temps, que le Centre marocain de conjoncture (CMC) a tenté d’apporter des éléments de réponse dans sa dernière revue conjoncturelle mensuelle. Dans son analyse, le centre est parti du constat que la situation monétaire actuelle est caractérisée, d’un côté par une amélioration substantielle de la liquidité bancaire et de l’autre, par une faiblesse du crédit bancaire au secteur non-financier. «Ce paradoxe fâcheux, qui traduit un sous-financement du secteur privé, interpelle et suggère que l’amélioration du financement de l’économie est à chercher davantage dans l’accès à la liquidité que dans sa disponibilité», a appréhendé le CMC qui a mit en exergue le fait que, récemment, la Banque centrale a réagi à cette situation avec une augmentation du taux de réserve monétaire des banques de 2 à 4%, en plus d’une rémunération de la réserve additionnelle des banques qui font preuve de dynamisme en matière de distribution de crédit. Il convient de relever que, selon les prévisions de la Banque centrale (BAM), le secteur bancaire marocain fait face actuellement à une situation de surliquidité, laquelle a commencé à partir du second semestre de l’année en cours. Pour l’histoire, le Maroc n’avait pas connu pareille situation depuis 2006. Le secteur bancaire devrait ainsi passer d’un déficit moyen de 16,5 MMDH à fin 2015, à une surliquidité de 20,9 MMDH en 2016 et même à 47,1 MMDH en 2017.
Situation paradoxale
Dans leurs analyses, les experts du CMC font constater que deux types d’impacts sur les crédits bancaires sont habituellement attendus de l’abondance des liquidités. Il s’agit d’effet quantitatif selon la logique qui fait que les banques acquièrent une plus grande capacité de prêts alors que l’effet prix est relatif aux taux d’interêts. «Nous assistons, sans conteste, à une baisse généralisée des taux de crédit bancaire», note le CMC s’appuyant sur le fait qu’à partir du troisième trimestre 2014, les banques ont réduit les taux aux professionnels et aux particuliers. Toutefois, «l’effet potentiel des liquidités bancaires sur les volumes des crédits ne s’est pas en revanche produit». L’analyse se réfère, pour ce faire, aux déclarations des banques qui expliquent ce décalage par «une faiblesse de la demande des crédits suite au manque de dynamisme de l’économie marocaine dans son ensemble qui réduit les opportunités d’investissement».
Selon le CMC, le ralentissement en valeur des importations financées en partie par crédit bancaire, particulièrement pour ce qui est de l’énergie, ainsi que les difficultés du secteur immobilier ont également contribué à la baisse des crédits. L’autre facteur déterminant dans le ralentissement des crédits, est, d’après l’analyse du CMC, celui de l’offre. «Les banques sont aujourd’hui réticentes à accorder des crédits puisqu’elles sont dans une phase d’assainissement de leurs portefeuilles avec la hausse des créances en souffrance qui sont actuellement de 7,7%», relève le document qui fait remarquer que cette augmentation est toutefois en train de ralentir. Le volume des créances en souffrance a ainsi augmenté de 10% entre février 2015 et février 2016, contre 18,4% l’an dernier.
Conditions d’accès
À l’issue de son analyse, le CMC s’est référé à d’autres études sur le déficit de financement dans un contexte d’abondance des liquidités, pour faire ressortir qu’il s’agit d’une caractéristique des économies africaines. «La réticence des banques à fournir des crédits à l’économie, résulte principalement du manque de projets d’investissements bancables, des lacunes en matière de normes comptables et d’un système judiciaire faiblement développé et souvent incapable de régler les litiges potentiels entre prêteurs et emprunteurs», estime le centre. De même, la faible concurrence du secteur bancaire constitue également un autre facteur qui pourrait expliquer cette situation de surliquidité bancaire. «Couplé à la faiblesse du cadre institutionnel et judiciaire, ce fort pouvoir de marché des banques se caractérise par des taux d’interêt débiteurs élevés et des conditions drastiques d’accès au crédit bancaire», conclut l’analyse.
Vers un taux de réserve monétaire de 5%
Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) a relevé le taux de la réserve monétaire graduellement de 2 à 4%, à l’issue de sa seconde réunion trimestrielle de l’année, dans le but d’absorber la surliquidité structurelle du secteur bancaire. À en croire son gouverneur, Abdellatif Jouahri, le taux pourrait être révisé à la hausse jusqu’à 5%. «Nous augmenterons graduellement le taux en fonction des résultats observés», a expliqué Jouahri. BAM est, encore une fois, obligée de jouer aux sapeurs-pompiers pour faire face à la situation. Il convient de relever qu’en plus de cette hausse du taux de la réserve monétaire des banques, la Banque centrale a pris la décision de rémunérer les réserves monétaires de 0,75%, pour les banques affichant une dynamique d’octroi des crédits dépassant la moyenne sectorielle. Il est bien loin, le temps où la banque état obligée d’injecter massivement du cash, jusqu’à 70 MMDH par semaine, pour faire face au déficit de liquidité des banques.