Éco-Business

Sommet des affaires USA-Afrique : “C’est une conjugaison d’efforts qui peut régler les problèmes de financement de la PME”

Brahim Benjelloun Touimi
Administrateur, directeur général délégué du groupe Bank of Africa

Les Africains échangent très peu entre eux, ce n’est pas nouveau. Mais, avec la ZLECAf, c’est la promesse d’accélérer l’intégration africaine. Cela passera, notamment, par des systèmes de paiement unifiés. Intervenant au sommet des affaires USA-Afrique, Brahim Benjelloun Touimi, directeur général exécutif du groupe Bank of Africa livre son analyse sur les moyens de baisser les coûts de transaction pour les entreprises et les particuliers ainsi que sur le financement des PME. 

La baisse des coûts de transaction pour les entreprises et les particuliers est un enjeu clé pour les économies africaines. Sur quels leviers faut-il agir ?
Indubitablement, il faut un système de paiement unifié sur lequel les Africains se seront mis d’accord. Pour l’instant, nous avons eu une expérience pilote regroupant six pays en Afrique de l’ouest. Cela semble être une réussite puisque les paiements étaient instantanés. Un importateur peut régler sa marchandise en devise locale et un exportateur être payé en monnaie locale et tout cela, en toute transparence. Mais il faut absolument qu’on développe ces initiatives.

Les préoccupations sont mondiales, et il faut que nous nous inspirions d’un socle commun à partir duquel on peut ensuite adapter les spécificités africaines parce qu’il y a des enjeux considérables liés à la connaissance du client, la lutte anti-blanchiment, le financement du terrorisme, la cybersécurité… Il faudra adresser tout cela d’une manière uniforme. On considère qu’un système unifié permettrait une économie de l’ordre 5 MM$ par an. Il y aurait, par ailleurs, 50 MM$ de commerce intra-africain en dehors des circuits formels qu’il faut arriver à capter. Et cela ne peut se faire que grâce à des systèmes unifiés de paiement.

Il est beaucoup question de renforcer le rôle du secteur privé en tant que moteur de la croissance. Il y a un déficit important en matière de financement des PME. Certes, les banques ne peuvent pas, à elles seules, couvrir l’ensemble de leurs besoins mais jouent-elles déjà totalement le jeu ?
Le financement de la PME n’est pas seulement un problème de banque. Le Maroc a montré la voie à suivre, c’est-à-dire une mobilisation de tous. C’est le cas, notamment, du programme Intelaka qui, au-delà des taux concessionnels adossés aux prêts, offre tout un accompagnement extra-financier. Il y a des recettes de succès qui montrent qu’on ne peut pas adresser le problème de financement de l’entrepreneuriat, de la petite entreprise sans qu’il y ait une conjugaison d’efforts d’autorités publiques et du secteur privé.

Les banques classiques sont soumises à des règles prudentielles qui préservent l’essentiel de leurs activités dans l’intérêt ultime des économies. On ne doit pas imaginer une banque comme un puissant fonds d’argent avec des méchants banquiers qui ne veulent pas le distribuer aux entreprises. C’est une conjugaison d’efforts qui peut régler les problèmes de financement de la PME. Il faut de l’accompagnement financier et extra financier.

Pour les PME qui parviennent à lever des fonds, les taux d’intérêt restent élevés. En quoi la technologie peut-elle aider à mieux apprécier le risque et réduire les tarifs ?
L’analyse du Big Data permet de ressortir avec des données fines sur le comportement des entreprises, une traçabilité des paiements, … Tout cela éclaire énormément, au-delà des états comptables, sur la réalité du fonctionnement de l’entreprise. Mais le financement des entreprises ne peut pas reposer uniquement sur le crédit bancaire. Nous avons aussi le private equity et le marché de la dette. Dans le private equity par exemple, il y a l’avantage d’avoir des gestionnaires de fonds qui jouent un rôle dans l’accompagnement et dans l’amélioration des pratiques de gouvernance des entreprises.

Les sommets entre les grandes puissances et l’Afrique se multiplient. Est-ce que les engagements sont réels et gagnant-gagnant ?
Les dirigeants américains, puisque nous sommes dans un évènement qui les associe, considèrent que le rôle et la voix de l’Afrique devraient être beaucoup plus importants dans les instances internationales. La vice-présidente des États-Unis a annoncé une réunion à la mi-décembre avec les chefs d’États africains. Je ne pense pas que ce soit juste par équité, mais parce que l’avenir du monde dépend de celui de l’Afrique. Je n’exagère pas en le disant. C’est véritablement le continent où nous avons de formidables opportunités en termes de ressources et de jeunesse de la population.

Nous avons aussi la chance que la technologie nous permet d’effectuer des sauts de grenouille dans le développement. Et puis, nous avons toute cette pression migratoire. Nous devons créer des opportunités pour que les Africains soient fiers de leurs pays et y restent, dans leur propre pays ou ailleurs, sur le continent. Le Maroc a montré ce qu’il était capable de faire en matière de politique migratoire. Je pense que la démarche de puissances comme les États-Unis est sérieuse. Des pays comme le Maroc, le Nigéria, l’Égypte, l’Afrique du Sud peuvent véritablement être légitimes pour porter la voix de l’Afrique.

Franck Fagnon / Les Inspirations ÉCO


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