Éco-Business

Sociétés cotées : le Royaume perdu des big four de l’audit

Il y a encore peu de temps, les enseignes locales de quatre grands réseaux mondiaux d’audit (PwC, E&Y, Deloitte et KPMG qui a rompu avec son partenaire) régnaient en maîtres sur le marché de l’audit légal des sociétés cotées. La roue a tourné avec la percée spectaculaire de concurrents très agressifs, notamment Fidaroc Grant Thornton et Mazars. Mais les big four tiennent encore quelques bastions et de confortables positions dans le conseil.   

Chez Deloitte, la célébration de l’Aid Al Filtr est double. Le cabinet d’audit devait se voir confirmer pour un nouveau mandat de commissariat aux comptes de trois ans chez Maroc Telecom lors de l’assemblée générale ordinaire (AGO) tenue le vendredi 29 avril.

L’avis émis par le comité d’audit ne laisse guère de doute : «… Le comité d’audit salue la performance de Deloitte Audit, qui a été satisfaisante, et recommande le renouvellement de son mandat en qualité de commissaire aux comptes de votre société pour une durée de trois ans, soit jusqu’à l’issue de l’assemblée générale statuant sur les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2024». Aucun mot en revanche sur le deuxième auditeur qui certifie les comptes de l’opérateur télécoms, le cabinet Coopers Maroc. Les résolutions issues de l’assemblée générale renseigneront ou pas sur son sort.

Maroc Télécom est sans doute l’un des plus grands marchés parmi les 4.500 sociétés soumises à l’obligation de commissariat aux comptes au Maroc.  Les honoraires des auditeurs qui épluchent ses comptes feront rêver les jeunes experts comptables qui arrivent sur le marché. En 2019, le groupe a versé 13,34 millions de dirhams d’honoraires à Deloitte et 5,26 millions au co-commissaire aux comptes, Coopers Audit Maroc.

Maroc Telecom est la seule société cotée à publier la rémunération de ses commissaires aux comptes dans un exercice de transparence unique sur la place de Casablanca.

Fidaroc Grant Thornton et  Mazars en embuscade


Chez les sociétés cotées, la saison des assemblées générales bat son plein. Pour la majorité d’entre elles, les auditeurs sont encore en place pour au moins un an, à l’exception d’une demi-douzaine de sociétés. C’est le cas d’Attijariwafa bank S.A où les mandats des cabinets E&Y et Deloitte seront remis en jeu lors de l’AGO statuant sur les comptes de 2022, soit en mai de l’année prochaine. Idem chez le groupe Bank of Africa où les mandats de Fidaroc Grant Thornton et l’ex-KPMG S.A, Managem où Deloitte et Grant Thornton sont installés jusqu’à la prochaine nomination de commissaires aux comptes au printemps 2023, ou encore chez Eqdom.

Mazars et Fidaroc Grant Thornton auditeront les états de synthèse de la société de crédit à la consommation au moins jusqu’en avril-mai 2023, lors de l’AGO des actionnaires qui statuera sur les comptes de l’exercice 2022. S’il n’y aura pas de chamboulement de positions à l’occasion des assemblées générales des actionnaires prévues en avril et mai, il faut relever par contre que la domination de réseaux d’audit internationaux est largement contestée sur le lucratif marché des sociétés cotées.

L’époque où ces enseignes (PwC, KPMG, Deloitte et E&Y) concentraient près de 90% des mandats de commissariat aux comptes, suscitant l’ire de la concurrence (y compris celle des instances ordinales des experts-comptables), est révolue. À noter la montée spectaculaire du cabinet Fidaroc Grant Thornton, omniprésent sur le segment de grandes entreprises et dans le secteur bancaire et financier.

Il officie chez BCP, Maghrebail, Wafasalaf, Eqdom, Sofac, Immorente Invest, Aradei Capital, Managem… Cette montée en puissance s’est faite très discrètement ces dernières années, suscitant parfois des accusations de dumping chez des concurrents qui reculaient sur un marché marqué globalement par la déflation des honoraires. Les entreprises, grandes ou moyennes, n’acceptaient plus de payer très cher la signature des big four.

Mazars est l’autre acteur de la profession qui a gagné des parts de marché au point de déloger deux membres du big four au groupe BCP et à Bank Al-Maghrib. Avec une redoutable efficacité, l’enseigne française déroule au Maroc la même stratégie qui lui a permis de terrasser les majors mondiaux du secteur sur ses terres d’origine en France. Le cabinet est aujourd’hui l’un des plus attractifs du Royaume auprès des jeunes diplômés.

Mazars aligne des mandats dans quasiment tous les secteurs d’activité, de la finance à l’industrie. Par ailleurs, sa branche conseil est aujourd’hui l’une des plus cotées du marché avec des fortes positions dans le secteur public et l’administration. Sur ce marché, la bagarre fait rage avec les cabinets internationaux de conseil en stratégie.

 Un anti dumping désavoué par le Conseil de la concurrence

Pour lutter contre ce que la profession qualifiait de dumping, le Conseil national de l’Ordre des experts comptables avait adopté en 2002, sous la pression d’une base en colère, la norme dite «Budget-Temps et Honoraires» relative aux missions de commissariat aux comptes et d’audit contractuel.

L’idée de ses initiateurs était de cadrer la tarification de l’intervention des auditeurs afin de ne pas «tirer les honoraires vers le bas». La norme  Budget-Temps et Honoraires» s’applique aux travaux de certification des comptes (missions d’audit légal ou contractuel).

Sans le dire explicitement, la manœuvre consistait à placer sous surveillance les pratiques commerciales de cabinets. Ce qui était à l’époque contesté par de jeunes praticiens qui voyaient dans cette norme, un instrument d’obstruction à la concurrence.

C’est surtout la disposition de l’article 4 qui était la plus controversée : «Le montant de la vacation horaire est fixé d’un commun accord entre l’expert-comptable et son client. Cependant, et afin de préserver la qualité des travaux de l’expert-comptable, le Conseil national peut, si les circonstances l’exigent, prévoir, dans une directive, un montant horaire moyen minimum de la vacation».

20 ans après, cette norme est restée lettre morte et, en plus, le Conseil de la concurrence l’avait violemment remise en cause car elle restreignait la liberté des prix.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page