Secteur bancaire: le rythme de distribution des crédits au ralenti en 2021
Le système bancaire a réussi à faire preuve de résilience face aux différents défis posés par la Covid-19, et ce grâce à la réglementation prudentielle mise en place au cours de la dernière décennie. Cela n’empêche pas les banques de resserrer leurs critères d’octroi des crédits. Selon la dernière étude de CDG Capital, le rythme de croissance des crédits bancaires devrait connaître un ralentissement en 2021.
L’année 2020 a été marquée par le déclenchement de la pandémie de Covid-19, affectant au passage un grand nombre d’opérateurs et de secteurs. Le système bancaire n’a pas été épargné. Celui-ci a dû composer, durant la crise sanitaire, avec l’accélération des créances en souffrance, les tensions sur les liquidités ou encore le ralentissement de la distribution des crédits.
Ceci s’est traduit, au niveau des réalisations des banques cotées, par une forte baisse des résultats due à une importante hausse du coût du risque et à l’impact de la contribution des banques au fonds Covid-19.
Dans ce contexte économique fragilisé, l’encours brut des crédits a enregistré une progression de 4,4% par rapport à fin 2019 pour s’établir à 957,4 MMDH à fin 2020. Cette tendance, dont la trajectoire s’oppose à celle du PIB, s’explique essentiellement par les différentes mesures de soutien et de relance instaurées par la Banque centrale et le gouvernement (environ 53 MMDH de crédits ont été distribués dans le cadre de ces programmes de financement garantis par la CCG courant 2020).
En effet, les crédits débiteurs et de trésorerie ont contribué à hauteur de 40% à l’augmentation de l’encours brut des crédits, suivis des créances diverses sur la clientèle qui ont contribué à 35% à cette progression (portée essentiellement par les crédits octroyés dans le cadre des opérations de pension). Retraité de cette dernière catégorie, l’encours brut des crédits enregistre une hausse de seulement 3,4%.
L’analyse par banque révèle que la plus forte hausse de la distribution des crédits courant 2020 a concerné le groupe CIH avec une progression de 20,9%, suivi des groupes BMCE Bank of Africa et Attijariwafa bank avec des augmentations respectives de 8,7% et de 4%, selon les statistiques du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM).
La bonne performance du groupe CIH s’inscrit dans la poursuite de sa dynamique de croissance constatée ces cinq dernières années dans le cadre de la stratégie de diversification de son portefeuille. Par ailleurs, la solvabilité des ménages et des entreprises a été fortement altérée par la pandémie de Covid-19, entraînant une forte augmentation des créances en souffrance (passant de 53,2 MMDH à 59,4 MMDH pour le secteur coté).
Dans ce sens, l’encours des provisions a progressé de 9,2% à 40,5 MMDH, ce qui implique un taux de provisionnement de 68,2% à fin 2020. Cette dynamique de croissance observée au niveau du secteur a concerné la majorité des banques, à l’exception de la BCP qui a vu son encours de provisions baisser, et par conséquent son coût du risque diminuer de 3%. Dans ce sillage, le coût du risque du secteur coté a explosé de 81,9% pour atteindre 8,7 MMDH en 2020 contre 4,8 MMDH en 2019.
Au final, le résultat net a affiché une baisse de 44,2% à 6,2 MMDH. Cette dépréciation des résultats n’a pas manqué de se répercuter sur les ratios de rentabilité des différentes banques. En effet, les ratios ROE et ROA du secteur coté ont enregistré des diminutions respectives de 5,3% et 0,5% pour s’établir à 5,1% et 0,6% à fin 2020.
Néanmoins, face à toutes ces perturbations, «le système bancaire a fait preuve d’une grande résilience et semble bien armé pour relever ces différents défis», soutient CDG Capital. En effet, la réglementation prudentielle des dix dernières années, qui a poussé les banques à renforcer leur fonds propres, porte aujourd’hui ses fruits, prouvant ainsi sa solidité jusqu’à présent.
Cela laisserait présager une évolution positive des résultats du secteur bancaire. En effet, la bonne tenue du PNB et de la structure des coûts, couplée à la non-récurrence de la contribution au fonds Covid-19, devrait largement compenser la pression continue sur le coût du risque. Par ailleurs, si les prémices d’une reprise économique se confirment, les analystes de CDG Capital s’attendent tout de même à un ralentissement du rythme de croissance des crédits bancaires.
«Certes, ils devraient bénéficier d’une toile de fond assez favorable, avec la reprise de la croissance économique, la poursuite des mesures de soutien et de relance et une politique monétaire qui demeure globalement accommodante. Toutefois, la poursuite de la détérioration de la qualité des actifs devrait pousser les banques à être plus exigeantes en resserrant leurs critères de risques quant à l’octroi des crédits», expliquent les analystes. Les banques pourraient ainsi avoir tendance à resserrer leurs critères de risques quant à l’octroi des crédits, n’allouant ainsi leur capital qu’aux prêts les plus solvables.
Par ailleurs, «la mise en place d’autres mesures (la réduction de la distribution des dividendes et l’optimisation des coûts etc.) sont nécessaires pour permettre aux banques de reconstituer leur capital», estime la banque d’affaires. À noter que le secteur bancaire devrait bientôt entamer une nouvelle phase se caractérisant par le retrait des différentes mesures de soutien du dispositif de garantie de la CCG et par un environnement de taux de bas.
La fin du dispositif de garantie aura probablement pour effet une réévaluation de la prime de risque de crédit ainsi qu’une évolution de la lecture du risque de la part des banques et de leurs stratégies de crédit, après une année marquée par une forte évolution des crédits de trésorerie. «Nous restons attentifs à l’impact du niveau bas des taux sur le résultat des activités de marché et de son incidence sur les résultats», concluent les analystes de CDG Capital.
Aida Lo / Les Inspirations Éco