Ressources stratégiques : Le talon d’Achille du modèle économique marocain
Un rapport des analystes de l’IRES met en perspective les grandes évolutions économiques, politique et sociales du Maroc depuis 1995. Si le pays a connu une évolution sensible de ses grands agrégats macro-économiques, la gestion de son indépendance alimentaire et énergétique laissent à désirer.
Alors que la question d’une alternative au modèle économique marocain se pose de plus en plus depuis le discours du chef de l’État lors de la rentrée parlementaire, l’Institut royal des études stratégiques a publié son rapport sur le positionnement international du Maroc avec en filigrane un diagnostic édifiant sur la situation actuelle du royaume. En mettant en perspective les grandes évolutions tant macro-économiques que politiques, sociales depuis 1995, se basant principalement sur les chiffres du HCP, des départements ministériels, de l’Office des changes, mais également du FMI, de la Banque mondiale ainsi que d’autres institutions internationales. Les conclusions du rapport sont loin d’être monolithiques au vu du large éventail de sujets abordés, mais remet en tout cas en perspective les ambitions du royaume car si le Maroc a connu une sensible évolution au niveau des grands agrégats économiques, plusieurs facteurs fragilisent son modèle de développement. L’indépendance en ressources stratégiques (alimentaires et énergétiques principalement) ainsi qu’une grande difficulté à protéger la biodiversité sont ainsi considérés par les rapporteurs de l’IRES comme jouant contre la durabilité de l’économie du pays.
Ainsi, l’objectif d’autosuffisance alimentaire est remplacé aujourd’hui par celui de la sécurité alimentaire. Le Maroc a en effet connu une accentuation, sur le long terme, de la dépendance extérieure (taux de dépendance à l’importation de 43,44%) en céréales en raison de l’augmentation de la population et de la fréquence élevée des sécheresses. Idem pour le sucre. La production nationale qui n’est pas en mesure de faire face à la forte demande en sucre en raison, entre autres, d’une atomisation de la superficie cultivée en betteraves et le Maroc est dépendant des marchés internationaux à hauteur de 67,8%. Pire pour l’huile végétale, malgré le développement récent de la production oléicole dans le cadre du Plan Maroc vert (taux de dépendance : 73,4% !). Concernant l’énergie, le Maroc développe un taux de dépendance de plus de 93%. «Néanmoins, cette très forte dépendance énergétique a amené le Maroc à développer la production hydro-électrique et à lancer récemment un projet ambitieux de développement des énergies renouvelables, une politique d’amélioration de l’efficacité énergétique ainsi qu’une stratégie de renforcement de la coopération régionale en la matière», tempèrent les analystes. La contribution des énergies renouvelables dans le mix énergétique, de 4,2% en 2012, serait portée à près de 12% à l’horizon 2020. Mais la dégradation du capital naturel demeure l’une des principales préoccupations. Une dégradation dont le coût moyen, selon les estimations de la Banque mondiale, s’élevait à près de 4% du PIB en 2014. Cette situation est préoccupante dans la mesure où le Maroc ne consacre, annuellement, que moins de 1% de son PIB à la préservation de l’environnement. Une biodiversité au Maroc soumise à de fortes tensions, avec une part importante des espèces existantes vulnérables. Le score obtenu par le pays au titre de l’indice des bénéfices pour la biodiversité confirme cette réalité. Et si le Maroc est un pays faiblement émetteur de gaz à effet de serre, il reste fortement concerné par le réchauffement climatique. Les impacts potentiels du changement climatique sur les ressources en eau et sur la sécurité alimentaire «requièrent la mise en œuvre d’une véritable politique d’adaptation», exhorte le rapport.
es ressources en eaux renouvelables de 843 m3/habitant/an sont relativement limitées. Malgré une politique de mobilisation des ressources superficielles, reconnue par la communauté internationale, le Maroc est placé dans une situation de pénurie d’eau en raison d’une demande croissante, couplée à une baisse des apports hydriques sous l’effet notamment du changement climatique. Résultat, une forte réduction de la surface agricole utile par habitant consécutive à l’augmentation de la population et au changement climatique qui modifie l’aptitude des terres pour certaines cultures vers des classes moins appropriées notamment en raison du raccourcissement des périodes végétatives. En y ajoutant le changement des modes de consommation, l’empreinte écologique par habitant a pratiquement doublé. Toutefois, le Maroc n’est pas non plus un mauvais élève. Selon Yale University, le royaume a connu une progression de 66,8%, au cours des 16 dernières années, de son score obtenu en matière de performance environnementale grâce principalement à l’amélioration de la qualité de l’air, à une meilleure gestion des ressources forestières et à l’extension du réseau d’assainissement.