Réalité de la transition vers le zéro émission nette en Afrique : Modus operandi, défis et opportunités
Les ressources naturelles abondantes, les conditions climatiques favorables, le potentiel humain et la création de valeur ajoutée offrent des opportunités significatives pour le continent africain. Cependant, des défis subsistent, notamment en termes de financement, de gouvernance et de volonté politique. Comment réaliser pleinement le potentiel du développement durable sur le continent ? Détails.
Le développement durable constitue, sans aucun doute, un enjeu clé pour le développement de l’Afrique. D’après nos experts, en adoptant une approche holistique et en travaillant en partenariat, l’Afrique peut surmonter ces défis et faire progresser son développement économique tout en préservant l’environnement et en améliorant les conditions de vie de sa population.
Dans un contexte historique où les pays du continent contribuent beaucoup moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre que les pays développés, représentant moins de quatre pour cent des émissions mondiales, il est important de prendre en compte les réalités sur le terrain et de comprendre la perspective africaine. Si ces pays contribuent peu aux émissions, ils subissent souvent une part plus importante des conséquences du changement climatique. Par conséquent, exiger une transition vers le zéro émission nette en Afrique peut sembler difficile, voire préoccupant, étant donné que de nombreux pays du continent luttent déjà pour mettre en place des stratégies d’atténuation et d’adaptation.
Selon Samir Rachidi, directeur général de l’Institut de recherche en énergie solaire et nouvelles énergies (IRESEN), «cette demande peut sembler paradoxale pour les pays africains en pleine croissance».
Il souligne que ces derniers disposent de ressources, principalement fossiles, qui leur permettraient de poursuivre leur développement économique à moindre coût. La transition énergétique et la réduction des émissions pourraient donc sembler moins prioritaires. Cependant, Rachidi souligne que pour inciter les pays africains à agir différemment, il est essentiel que les pays développés s’engagent à transférer des technologies et à fournir un soutien financier pour cofinancer cette transition énergétique.
Des défis considérables
Il est important de souligner que de nombreux pays africains disposent de ressources stratégiques, telles que le cobalt utilisé dans les batteries, qui pourraient être exploitées dans le cadre de la transition vers des énergies plus propres. Cependant, cela nécessite des investissements importants en recherche et développement, ainsi que la formation et le développement du capital humain pour acquérir l’expertise nécessaire.
Rachidi souligne également que de nombreuses technologies, nécessaires pour atteindre l’objectif de zéro émission nette, ne sont pas encore disponibles sur le marché ou sont encore en développement. Par conséquent, il est essentiel d’investir dans la recherche et développement (R&D), ainsi que dans l’innovation, afin de localiser et d’adapter ces technologies aux spécificités africaines.
«Cela permettrait aux pays du continent de réaliser leur transition énergétique de manière efficace, tout en créant des opportunités économiques et en renforçant leur autonomie», soutient le DG de l’IRESEN.
Dans l’ensemble, la réalité sur le terrain est complexe. Bien qu’ils contribuent peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, ils sont confrontés à des défis considérables liés aux conséquences du changement climatique. Pour faciliter la transition vers le zéro émission nette en Afrique, il est crucial que les pays développés s’engagent à soutenir technologiquement et financièrement ces pays, tout en favorisant le développement de l’expertise locale et de l’innovation.
La frugalité, une caractéristique de la vie en Afrique
Le Dr. Rachidi souligne à juste titre que la décarbonation est un défi mondial qui nécessite la participation de tous les pays du monde, y compris d’Afrique. Il met en évidence les effets du changement climatique que nous ressentons déjà sur le continent. Cependant, il est important de reconnaître que l’Afrique possède également des atouts uniques en matière de durabilité.L’un de ces atouts est la frugalité, qui a toujours été une caractéristique de la vie en Afrique. La frugalité peut être considérée comme une forme d’efficacité, et elle contribue grandement à atténuer le changement climatique.
«Les Africains ont traditionnellement adopté un mode de vie frugal, valorisant la valeur des biens et des ressources consommés. Cette approche est déjà en accord avec les initiatives actuelles axées sur l’efficacité, ce qui place l’Afrique en position favorable pour aborder les objectifs de durabilité», explique le DG de l’IRESEN.
Cependant, l’Afrique est confrontée à un défi majeur en ce qui concerne les produits manufacturés, qui sont souvent importés. Cela signifie que les émissions associées à la fabrication de ces produits sont externalisées vers d’autres pays. Pour Rachidi, si l’Afrique veut avoir un impact significatif sur ses émissions, il est essentiel d’influencer la manière dont ces produits sont fabriqués et de promouvoir leur durabilité.
Des atouts uniques
L’opportunité de la transition énergétique offre la possibilité de reconstruire certaines chaînes de valeur industrielles en Afrique, en les rendant plus durables et en favorisant la localisation de ces activités. Un avantage majeur dont dispose le continent réside dans le fait qu’elle ne possède pas d’actifs bloqués dans des technologies carbonées obsolètes. Contrairement à certaines économies développées, l’Afrique a la flexibilité de choisir des technologies moins intensives en carbone et de construire une industrie plus verte dès le départ.
Avec ses ressources naturelles abondantes et une population désireuse de relever les défis, elle peut saisir cette opportunité pour orienter son développement industriel vers une voie plus durable. Il est clair que l’Afrique est confrontée à des défis majeurs en matière de durabilité, mais elle dispose également d’atouts uniques pour relever ces défis. Pour maximiser son potentiel, il est essentiel qu’elle développe des politiques et des stratégies économiques qui favorisent la durabilité tout en encourageant la croissance et le développement. Pour Dr. Rachidi, «cela nécessitera une collaboration étroite entre les gouvernements, les entreprises et la société civile, ainsi qu’un soutien international pour faciliter la transition vers une économie verte».
Exploiter localement les ressources
Lors de ce panel, Hicham Slaoui, directeur du développement des affaires chez INNOVX, a souligné l’importance de répondre aux besoins actuels sans compromettre les générations futures. En effet, l’Afrique regorge de ressources naturelles, telles que les minéraux et les matières premières nécessaires à l’industrie.
Slaoui souligne que le continent possède les matières premières nécessaires à la production de batteries et d’autres industries. «Cette disponibilité des ressources représente une opportunité majeure pour le développement durable. En exploitant ces ressources localement, le continent peut créer une chaîne de valeur ajoutée et réduire sa dépendance vis-à-vis des importations», soutient-il.
En plus, l’Afrique bénéficie de conditions climatiques idéales pour le déploiement des énergies renouvelables. Slaoui souligne que le continent dispose de ressources solaires et éoliennes abondantes. En investissant dans les énergies renouvelables, il peut diversifier son mix énergétique, réduire sa dépendance aux combustibles fossiles et atténuer les impacts environnementaux. Cela permettrait également de fournir un accès à l’énergie aux millions d’Africains qui en sont actuellement privés.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO