Projets verts : le Maroc mise sur le partage des risques pour doper les investissements privés
Afin de doper la finance climat et attirer davantage d’investissements privés dans les projets environnementaux, le Maroc prévoit d’instaurer des mécanismes de partage des risques tels que le financement mixte et les partenariats public-privé.
Mécanismes innovants, financement mixte, partenariats public-privé… Le Maroc entend mettre les petits plats dans les grands pour rendre ses projets verts plus attrayants et convaincre le secteur privé d’investir dans la finance climat.
Selon le rapport sur la stratégie de développement de la finance climat au Maroc à l’horizon 2030, les pouvoirs publics prévoient de mettre en place des «mécanismes de partage des risques innovants» pour rendre les projets verts plus bancables et attirer les investisseurs privés.
«Les autorités publiques s’engagent à jouer un rôle d’accélérateur essentiel en mettant en place, au niveau de la demande, des mécanismes de partage des risques innovants, tels que le financement mixte et les partenariats public-privé afin d’améliorer l’attractivité de certains archétypes de projets peu rentables ou émergents», indique le rapport.
Concrètement, différents outils sont à envisager selon un expert en finance verte : «Le financement mixte (blended finance) combinant financements publics et privés permettra de réduire les risques supportés par le secteur privé. Les pouvoirs publics pourront par exemple prendre en charge une part des risques à travers des garanties ou des prises de participation dans les projets», nous dit-il.
Les partenariats public-privé (PPP) transféreront également une partie des risques des projets verts des entreprises vers l’État. L’État pourra prendre en charge les risques les plus importants comme les risques réglementaires, politiques ou de construction.
Assistance technique, modélisation financière et promotion ciblée
Selon le rapport, ces mécanismes seront associés à d’autres mesures visant à améliorer la préparation et la compétitivité des projets comme «l’assistance technique, la modélisation financière ou encore des actions de promotion du Maroc comme destination d’investissement climatique» auprès des investisseurs internationaux.
L’assistance technique vise à fournir un soutien spécialisé aux porteurs de projets, aux entreprises et aux investisseurs. Cela peut inclure des conseils d’experts, de la formation, du mentorat, etc.
L’objectif est de les aider à structurer leurs projets de manière optimale, à respecter les normes et réglementations en vigueur, et à maximiser leurs chances de succès. La modélisation financière consiste à élaborer des modèles détaillés pour évaluer la faisabilité économique et financière des projets envisagés. Cela implique des analyses approfondies des coûts, des revenus potentiels, des risques, des flux de trésorerie, etc. Ces modèles permettent aux investisseurs de prendre des décisions éclairées et d’optimiser la structure de financement des projets.
Pour ce qui est des actions de promotion du Maroc comme destination d’investissement climatique, il s’agit d’efforts de marketing et de communication pour valoriser les atouts du Maroc en tant que destination attrayante pour les investissements liés à la lutte contre le changement climatique. Cela peut inclure des campagnes de sensibilisation, des événements de networking, la participation à des salons internationaux, etc.
L’objectif étant d’attirer davantage d’investisseurs étrangers et de promouvoir les opportunités d’investissement dans des projets verts au Maroc. Toutes ces mesures visent à créer un environnement favorable pour le développement de projets d’investissement climatiques au Maroc, en offrant un soutien technique, financier et promotionnel aux porteurs de projets et aux investisseurs potentiels. Elles contribuent ainsi à renforcer la compétitivité du Maroc dans ce domaine et à accélérer la transition vers une économie plus durable et résiliente face au changement climatique.
Pour bénéficier de ces mécanismes, les projets devront répondre à des critères d’éligibilité stricts en termes d’impact climatique positif et de solidité économique et financière. Un cadre réglementaire spécifique définissant ces critères devrait être mis en place. La répartition précise des risques entre puissance publique et investisseurs privés reste à définir. Cela dépendra des caractéristiques de chaque projet. Mais, en règle générale, l’État prend en charge les risques les plus élevés pour rendre les projets suffisamment bancables pour le privé.
Vers une autonomisation progressive du secteur privé dans la finance climat
Les mécanismes de soutien mentionnés, tels que l’assistance technique, la modélisation financière et les actions promotionnelles, doivent être considérés comme un coup de pouce initial de la part des pouvoirs publics. Leur objectif est de créer une dynamique favorable au développement de la finance climat au Maroc, en aidant le secteur privé à prendre son envol dans ce domaine.
Cependant, il ne s’agit pas d’un soutien permanent, mais plutôt d’un tremplin temporaire. L’objectif à long terme est que le secteur privé, comprenant les entreprises, les investisseurs et les institutions financières, acquière progressivement l’expertise, les capacités et la maturité nécessaires pour conduire de manière autonome et pérenne des projets d’investissement liés au climat.
Cette approche vise à éviter une dépendance excessive aux aides publiques, qui pourrait freiner l’innovation et la prise de risques par les acteurs privés. Au contraire, en bénéficiant d’un coup de pouce initial, le secteur privé sera encouragé à développer ses propres compétences, à explorer de nouvelles opportunités d’investissement et à trouver des solutions innovantes pour financer et mettre en œuvre des projets climatiques rentables et durables.
Au fur et à mesure que le secteur privé gagnera en expérience et en confiance, les mécanismes de soutien public pourront être progressivement réduits ou réorientés vers d’autres domaines prioritaires. La finance climat deviendra alors une activité autoportante, ancrée dans les stratégies d’investissement et les modèles d’affaires des acteurs privés.
Ainsi, cette approche vise à créer une dynamique vertueuse où le secteur public joue un rôle de catalyseur initial, permettant au secteur privé de prendre le relais et de s’approprier pleinement le financement des projets climatiques au Maroc, assurant ainsi la durabilité et la pérennité de ces efforts à long terme.
Des mécanismes fiscaux et financiers complémentaires à l’étude
Des mécanismes fiscaux et financiers complémentaires sont à l’étude pour renforcer l’attrait du Maroc selon le rapport, qui n’en précise pas la nature.
«La transparence et la bonne gouvernance seront essentielles dans la mise en œuvre de ces mécanismes complexes impliquant des fonds publics», prévient un analyste.
Les coûts pour l’État restent à chiffrer mais un niveau élevé d’investissements publics sera nécessaire au départ. Les secteurs de l’énergie renouvelable, de l’efficacité énergétique et des transports verts seront prioritaires. Si ces mécanismes visent à mobiliser le secteur privé dans son ensemble, certains pourraient être réservés aux investisseurs institutionnels compte tenu des montants en jeu.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO