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Précipitations : des pluies salvatrices, des effets contrastés

Malgré les récentes et abondantes pluies, le taux moyen de remplissage des barrages au Maroc se limite à 31,3%. Le gain est estimé à 1011,4 millions de m³ mais avec une répartition inégale selon les régions. Trop peu dans tous les cas pour sortir de la spirale de plusieurs années de sécheresse. L’effet sur l’agriculture est également contrasté selon les régions et les types de culture. Bilan.

Attendues, les récentes pluies ont régulé les réserves en eau, avec des hausses notables par endroits, mais loin d’être généralisées. Si certaines régions agricoles profitent de cette manne, d’autres, privées de précipitations en début de saison, restent en difficulté. Et une chose est certaine : ce répit ne suffira pas à compenser des années de sécheresse.

Les réserves en hausse, mais les grands barrages en souffrance
Côté pile, les récentes pluies et chutes de neige ont enfin redonné du souffle aux barrages marocains, réduisant le retard accumulé par rapport à 2024. Selon la Direction générale de l’hydraulique (DGH), au jeudi 13 mars, le total des ressources en eau au Maroc s’élève à 5,272 milliards de mètres cubes, soit une augmentation d’environ 23,7% par rapport à la même période de l’année précédente. Le tout équivaut à une hausse de près de 1,011 milliard de m³ par rapport à l’année dernière.

«Au jeudi 13 mars, le taux global de remplissage des barrages au Maroc atteint 31,3%», précise la DGH.

La tendance se confirme au barrage Oued El Makhazine, le plus imposant de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Son taux de remplissage grimpe à 72,8% (490 millions de m³), contre 67,5% l’an dernier (454,5 millions de m³).

Même constat pour le barrage Mohammed V, près de Nador, qui grimpe à 49%, soit un volume de 117,2 millions de m³, contre seulement 33,8 millions de m³ un an plus tôt, signant une augmentation de 246,8%. Le barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah, à proximité de Rabat, connaît un sursaut impressionnant : son taux de remplissage bondit à 45,4%, contre 23,8% en 2024. Avec 442,3 millions de m³ actuellement stockés, c’est un gain de 210,1 millions de m³ (+90,5%).

À Marrakech-Safi, le barrage Mansour Dahbi cartonne : de 14,9% en 2024, son taux de remplissage atteint 44%, avec 196,1 millions de m³ actuellement stockés, soit une progression de 194,9%. Mais tout n’est pas au beau fixe. Côté face, le barrage Al Wahda, plus grand réservoir du pays, encaisse un revers : son taux de remplissage recule à 39,4% (1,387 milliard de m³), contre 42,2% l’an dernier, accusant une perte de 100,8 millions de m³.

Le barrage Al Massira, deuxième plus importante structure du genre au Royaume, reste en en difficulté chronique. Son taux de remplissage, qui est des plus modestes, passe de 1,2% à 3,1%, avec un volume atteignant 83,5 millions de m³ (+156,1%). Le barrage Bin El Ouidane, malgré une capacité de 1,2 million de m³, subit un net recul, passant de 8,1% (99 millions de m³) à 6,5% (78,9 millions de m³), ce qui représente une diminution de 20,1 millions de m³ (-20,3%).

Un répit bien fragile
Ces pluies tombent à pic pour les agriculteurs, mais leur impact reste inégal. Pour les grandes cultures (céréales, légumineuses), la situation est contrastée. Les régions du nord (Gharb, Loukkos, Fès, Saïss) devraient tirer leur épingle du jeu grâce à un enracinement précoce favorisé par les pluies automnales.

«Là où des précipitations ont déjà été enregistrées en début de saison, les cultures ont atteint un certain stade de développement qui va se poursuivre pour bien boucler le cycle et aboutir à une production optimale», indique un expert agronome.

Dans les régions arrosées dès l’automne, les nouvelles pluies sont en effet une aubaine. Pour les céréales en phase de tallage ou de montaison, elles renforcent les tiges et optimisent la formation des grains. Quant aux légumineuses, très sensibles au stress hydrique, elles en tirent un double bénéfice : une croissance végétative stimulée et une production de gousses améliorée.

Ailleurs, comme en Chaouia, Doukkala ou Abda, le scénario est plus sombre: l’absence de précipitations en début de saison a condamné les semis, rendant ces pluies quasi inutiles. Et pour cause, le cycle des céréales démarre en novembre pour s’achever en mai. Malgré la pluie et le travail au champ, ce cycle ne peut être compressible.

Les zones irriguées bénéficieront davantage de l’eau de pluie, moins salée que l’eau de pompage, ce qui améliore la qualité globale des sols. Cela e réduira également le recours à l’irrigation artificielle, permettant ainsi aux agriculteurs de réaliser des économies d’énergie et d’eau, tout en préservant les nappes phréatiques, explique notre expert. Les arbres fruitiers, quant à eux, font preuve d’une plus grande résilience face aux périodes de sécheresse, grâce à leurs racines qui vont chercher l’eau plus profondément.

Toutefois, les pluies printanières peuvent non seulement restaurer les réserves en eau, mais aussi stimuler la floraison et la nouaison dans certains cas. Cependant, les effets réels ne se manifesteront que l’année prochaine, car l’eau accumulée dans les sols et les nappes souterraines renforcera la vitalité des arbres à long terme.

«À condition que les conditions soient favorables», précise l’expert.

Du côté des éleveurs, l’espoir était grand que la pluie redonne vie aux pâturages et prairies. Pourtant, l’impact sera limité, car les plantes des pâturages dépendent d’un cycle annuel. Techniquement, l’automne est la période clé pour la germination des herbes destinées au pâturage. En l’absence de précipitations suffisantes, ces plantes n’ont pas pu se développer. Même une pluie abondante au printemps ne pourra pas compenser ce retard accumulé sur plusieurs mois. Quant à celui de ces six dernières années…

«En moyenne, au courant de ces six dernières années, nous avons eu une baisse des précipitations de l’ordre de 75% par rapport à la moyenne nationale et la moyenne historique», a résumé le ministre de l’Équipement et de l’Eau, mercredi 12 mars au cours d’un ftour-débat organisé à Rabat par le Centre des jeunes dirigeants.

Autant dire que le chemin reste long et que la sécheresse est une donne désormais structurelle et plus seulement cyclique au Maroc. Même généreuses, les pluies relèvent désormais de l’exception et non de la règle.

Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO



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