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Pouvoirs, risques, filiales…Ce que la Cour des comptes reproche à la CDG

 

 

 

 

La cour des comptes a publié aujourd’hui un rapport extrêmement critique à l’égard de l’organisation et du fonctionnement de la Caisse de dépôt et de gestion. En matière de gouvernance, il est d’abord noté que la CDG n’est pas encore dotée d’un conseil d’administration dûment constitué et siégeant en véritable organe de décision, d’administration et de contrôle du groupe.

Concentration de la gouvernance

La Commission de surveillance, instituée en 1959 et composée de deux membres de la Cour suprême désignés par le ministre de la justice, du ministre de l’économie nationale ou son représentant, du ministre des finances ou son représentant et du Gouverneur de la Banque du Maroc ou son représentant, ne jouit pas de pouvoirs de décision. Son rôle est essentiellement consultatif. Elle n’exerce aucun droit de regard préalable sur les stratégies projetées par la direction générale, ni sur les décisions structurant l’activité du groupe. Par contre,

Le Dahir de création de CDG confère au directeur général des pouvoirs de gestion très étendus. Il décide de toutes les opérations en matière d’investissement, de recrutement et de nomination dans les postes de responsabilité et même de création et suppression de structures.  Cette concentration de pouvoirs étendus entre les mains d’une seule personne n’est pas en adéquation avec les règles de bonne gouvernance universellement admises. Elle ne favorise pas l’instauration d’une maîtrise des risques, indispensable à la sécurisation des ressources confiées à l’établissement.

La vision stratégique du groupe CDG a changé au fil des années avec le passage d’un organisme collecteur de l’épargne et investisseur en bons du Trésor à un opérateur actif qui investit dans des activités plus risquées et dans des domaines tels que les zones industrielles, les zones Offshore, etc.

En matière de contrôle interne et d’audit interne

L’analyse du dispositif de contrôle interne a permis de faire le constat d’une unsuffisance en matière de consolidation des principales faiblesses du contrôle interne, un  non couverture, par les interventions de la structure inspection générale et audit, de l’ensemble des métiers, des filiales et des risques liés à l’activité du groupe.

Elles ne couvrent pas systématiquement les filiales qui connaissaient des difficultés de gestion et pour lesquelles des alertes ont été émises par les commissaires aux comptes et plus précisément les risques se rapportant à la continuité d’exploitation. La non couverture, par les missions d’audit menées, de certains aspects et problématiques importants pour le groupe notamment le diagnostic stratégique des principales filiales, le pilotage des filiales, l’utilisation des prêts et avances accordés, les dispositifs du contrôle interne, les processus de gestion des risques et de la gouvernance des filiales, est également pointée du doigt. 

La cour note également l’absence d’un dispositif de gestion des risques à l’échelle du groupe, de reporting consolidé sur les différents types de risques encourus par le groupe permettant de fixer les différents niveaux de contrôle et les responsabilités des différents intervenants. Elle remarque également une insuffisance en matière de gestion des risques opérationnels au niveau de CDG établissement public, et une déficience en matière de cartographie des risques 

Non-respect des procédures de prises de participation

L’examen du processus de prise de participation d’un échantillon de filiales et participations a permis de relever des cas de non-respect par CDG de l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du Chef du gouvernement tel qu’exigé par l’article 8 de la loi n°39- 89 modifiée et complétée par la loi n°34-98, autorisant le transfert d’entreprises publiques au secteur privé. A titre d’illustration, on cite les sociétés CG Parking, Immolog, Med Resort et Arribat Center. 33. De même, il a été constaté qu’à l’occasion de création de filiales, CDG a dû recourir à des sociétés inactives pour porter de nouvelles activités ou de nouveaux projets. En effet, au lieu de respecter la procédure d’autorisation, prévue par la loi n°39-89 susmentionnée, pour la création de nouvelles filiales, CDG a fait recours aux anciennes filiales non actives à travers la modification de l’objet social, la dénomination et le capital social.

Ainsi, en l’absence de règles formalisées propres à la gestion du portefeuille dans sa globalité, force est de constater que la structure actuelle du portefeuille n’est que la résultante des opérations initiées par CDG et non d’une vision globale prédéfinie. 36. De même, la Cour des comptes note une insuffisance sur le plan de la rationalisation et de la diversification du portefeuille de CDG tenant compte de ses missions, ses orientations stratégiques et les périmètres d’intervention réservés aux filiales métiers. 37. Aussi, convient-il de signaler que le portefeuille « participations » est géré, au niveau de CDG, en l’absence de règles prédéfinies encadrant la gestion en ce qui concerne la concentration des investissements, l’exposition limite maximale par secteur et par investissement et le niveau du rapport risque / rendement escompté par secteur cible.

La performance du portefeuille participations de CDG est impactée par plusieurs facteurs dont principalement la situation financière difficile dont souffrent certaines participations importantes telles que CMVT International, Acacia participations4 et d’autres comme les ex. hôtels du CIH ou la BNDE. Le rendement du portefeuille participations directes est également impacté par le poids de filiales opérationnelles et d’autres en phase d’investissement qui ne génèrent pas encore de dividendes, notamment Foncière-Chellah et certaines sociétés-projets au niveau de CDG Développement tels que l’Agence d’Urbanisation d’Anfa (AUDA) et la Société d’Aménagement de Zenata (SAZ).

En matière de capital-investissement par contre, et, malgré le repli des indicateurs de CDG-Capital de 2007 à 2017, sa performance financière reste à des niveaux satisfaisants, avec une rentabilité moyenne des fonds propres de 17% et une rentabilité moyenne des actifs de 3,5%. Globalement, CDG-Capital est une filiale en croissance mais qui reste encore dépendante des affaires intra-groupe et de l’activité des clients propres de CDG qu’elle lui confie. Cela se fait dans le cadre de mandat d’assistance (conservation des titres, gestion des fonds sous mandat, gestion d’actifs et gestion de trésorerie). Certaines filiales de CDG-Capital manquent d’ouverture sur des clients en dehors du périmètre du groupe. A signaler que certaines filiales n’opèrent pratiquement qu’au service de CDG et de ses démembrements.

Tourisme, le talon d’Achille

L’intervention de CDG dans le secteur touristique vise à accompagner la politique menée par l’Etat pour atteindre les objectifs des visions 2010 et 2020.

De 2008 à 2017, l’activité touristique enregistre des résultats négatifs et une participation structurellement négative au résultat du groupe CDG. L’examen de l’intervention de CDG dans le domaine d’activité touristique suscite les constats suivants :

En l’absence d’une vision claire en matière de stratégie et de gouvernance de cette activité, il a été relevé une faible rentabilité malgré l’importance des investissements engagés. L’analyse des états financiers d’un échantillon de 10 entités pendant la période 2007 à 2012 corrobore ce constat. Plusieurs filiales, présentant des difficultés pour créer de la valeur pour le groupe, ont été jugées comme présentant un risque compromettant la continuité de leur exploitation.

Ainsi, plusieurs entités affichaient des résultats nets déficitaires, générant ainsi des pertes cumulées importantes et une capacité d’autofinancement négative, grevant significativement les capitaux propres. De même, les capitaux investis n’ont pas été couverts par des ressources stables dénotant d’une situation financière déséquilibrée.

En outre, les sociétés objet d’analyse sont surendettées. Le total des dettes représente en moyenne 90% du total bilan, ce qui risque de les empêcher de faire recours au financement par crédit bancaire et encore moins distribuer des dividendes. D’ailleurs, aucune remontée de dividendes n’a eu lieu par ces sociétés pendant la période analysée.

Par ailleurs, plusieurs entités enregistrent une trésorerie nette négative montrant que le besoin de financement global et important.

Pour le cas particulier des hôtels achetés auprès du CIH, CDG a entamé une action d’assainissement de leur situation sur les plans foncier, juridique, fiscal et social. Toutefois, elle rencontre des difficultés à rentabiliser ces hôtels malgré les actions de redressement menées et les ressources importantes engagées sous forme de prêts (19 prêts octroyés pour un montant total de 211 M DH). Par ailleurs, l’analyse des business plans de ces sociétés de 2013 à 2020 fait ressortir des résultats négatifs. Ainsi, le total de pertes prévisionnelles s’élève à 70,2 M DH.

En outre, en matière d’aménagement des zones touristiques intégrées, Medz, filiale de CDG-Développement, a procédé à la prise de participation de 34% dans la société d’aménagement et de valorisation de Cala Iris dans la province d’Al-Hoceima (SAVCI). Dans le cadre de l’aménagement de la zone d’Oued Fès, elle a créé, en avril 2009, sa filiale « Oued Fès ».

Pour sa part, CDG a procédé en 2011 à l’acquisition de sept actifs hôteliers9 du CIH pour un montant de 725 M DH. Cette acquisition s’inscrit dans le cadre de la restructuration de CIH-Bank. Elle visait à lui permettre de libérer 77 M DH de ses fonds propres supplémentaires afin d’améliorer son ratio de solvabilité et son coefficient de liquidité.

CDG a poursuivi son développement en investissant dans plusieurs projets touristiques à travers la filiale Madaef. En 2010, via la société « New Marina Casablanca », en 2013 à travers la Société Hôtelière de Rabat ainsi que la prise de participation dans le capital des sociétés Club Med, la société de développement de résidences touristiques (SDRT) et SIM.

En ce qui concerne l’organisation, l’activité touristique est partagée entre plusieurs filiales et sous filiales portant les actifs et projets touristiques. Ainsi, il a été relevé qu’environ 40 fonds et véhicules d’investissement et de gestion interviennent dans l’activité touristique avec des niveaux superposés, en l’absence de liens clairs.

 Une refonte législative urgente

Au vu des constats et des observations relevés dans le rapport, la cour des comptes a présenté plusieurs recommandations. En ce qui concerne la gouvernance, la cour a recommandé  aux pouvoirs publics, de procéder à la refonte du cadre juridique et institutionnel régissant la CDG, de manière à ce qu’il puisse se conformer aux meilleures pratiques de gouvernance d’entreprise. Et à la CDG, elle a recommandé de renforcer le dispositif de contrôle interne et mettre en place un dispositif de gestion des risques à l’échelle du groupe.

En ce qui concerne la stratégie et le pilotage la cour a recommandé à la CDG d’assortir ses choix stratégiques par des plans opérationnels réalisables selon un échéancier précis et par des mécanismes d’évaluation et de suivi, et de renforcer les mécanismes de pilotage afin d’assurer un suivi rapproché des filiales et participations.

Au sujet de la création de filiales et des prises de participation, les recommandations étaient de procéder à la mise en conformité des filiales et participations non autorisées, combler le déficit enregistré dans le suivi de certaines filiales et participations. Et au ministère de l’économie et des finances, en tant qu’autorité de tutelle de CDG, la cour a recommandé de s’assurer que cette dernière respecte les engagements et les objectifs au vu desquels les autorisations ont été délivrées.

Quant à la gestion des participations directes, la cour a recommandé de formaliser des règles encadrant la gestion du portefeuille des participations directes concernant la concentration des investissements, l’exposition par secteur et par contrepartie, renforcer la fonction pilotage des filiales et participations afin de s’orienter vers une organisation cible permettant la redistribution des rôles entre les différents intervenants, et mettre en place une politique clarifiant les règles de remontée des dividendes par les filiales et participations et revoir celles qui ne le font pas.

 


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