Éco-Business

Pourquoi les prix du poisson flambent-ils ?

Le poisson, produit de forte consommation pendant le ramadan, coûte  cher. Face à la flambée des prix, les acheteurs boudent, voire boycottent les produits de la mer. Résultat, ces derniers ont sensiblement baissé sur les étals des poissonniers prouvant que la hausse n’est provoquée que par les nombreux intermédiaires qui font leur beurre sur le dos des consommateurs.

Au marché de Labhira, à l’ancienne médina de Casablanca et à deux heures de la rupture du jeûne, le poisson n’a pas trouvé preneur ce 23 mai. Kamal, poissonnier, observe sa marchandise désemparée. «Avec les niveaux actuels de prix, je comprends parfaitement la réaction des consommateurs», soutient-il.

Les premiers effets du Boycott
Les premiers effets de la campagne de boycott lancée avec le hashtag : «#Laissez-le pourrir» (en arabe) commencent à se faire sentir sur les étals de ce marché de rue, limitrophe au marché municipal de Bab Marrakech. Les crevettes se vendent à 70 DH/kg le 23 mai. «C’est 30% moins cher que les trois premiers jours du Ramadan», estime Kamal, ce diplômé chômeur converti au commerce de poissons. Pour son voisin, cette situation s’explique par «le rôle joué par les mareyeurs». Ces grossistes et semi-grossistes font et défont le marché à leur guise. Mourad Alboubi, président de l’Association de pêche artisanale et membre à de la Chambre de pêche maritime Atlantique Nord (Région de Casablanca) confirme la baisse des prix sur le marché depuis deux jours. «Les prix se stabilisent», rassure-t-il. Mais pour lui, la hausse des prix est due «aux pratiques  de ceux qui s’improvisent poissonniers». Brahim Mounassir est secrétaire général du Syndicat national des marins  pêcheurs de la pêche côtière et hauturière au Maroc. Pour ce représentant de marins au port d’Agadir et dans plusieurs ports de pêche au Maroc, «la situation de rente actuelle est valable toute l’année. Les monopoles, le marché noir, le non respect du circuit de la distribution, la sur-exploitation des ressources rendent impossible toute politique de prix favorable aux citoyens», estime-t-il. Dans la rue d’Agadir, le marché municipal a également fermé ses portes. Deux poissonniers ambulants avec leurs triporteurs continuent de proposer leur marchandise. Abdelmoughit a déjà écoulé son lot  de sardines à 20 DH/kg. «Ma marge est de 2,5 DH/kg. Une misère. Depuis le début du Ramadan, je n’arrive pas à m’approvisionner en d’autres types de poissons. Les prix chez chena9as [intermédiaires] ne permettent plus aux petits commerçants de satisfaire la demande de nos clients habituels en poisson», déplore-t-il. Résultat, l’engouement n’est pas énorme sur ce produit vedette du Ramadan. Les mauvaises affaires du jour ont un impact sur le tempérament de deux commerçants de la place. Un client demande le prix et affiche son insatisfaction : «C’est trop cher», lance-t-il, avant de partir sans rien à acheter. Mustapha, diplômé de l’enseignement supérieur et poissonnier depuis des années, retient sa colère. Il tente d’analyser l’attitude du consommateur ce Ramadan : «Ce boycott c’est le cumul d’une situation économique et sociale. Cela révèle un vrai malaise».

Les responsables se renvoient la balle
Cette situation est aussi révélatrice des difficultés à organiser le circuit de commercialisation des produits de pêche au Maroc. Acteurs publics et privés n’arrivent à pas à trouver un équilibre entre les intérêts économiques des acteurs de ce marché et les droits du consommateur pour accéder à des produits de mer diversifiés et de qualité. Les acteurs de la chaine intervenant dans la commercialisation du poisson sont nombreux. La partie publique compte le département de la pêche avec ses délégations régionales qui est en charge de l’aspect réglementaire et de la régulation de l’approvisionnement du marché. L’Office national de pêche (ONP) est, entre autres, en charge de la commercialisation. Les autorités locales, à travers le service économique des préfectures, sont en charge de contrôler les grossistes et les commerçants et les prix. Les communes s’occupent de la gestion des marchés de gros. Dans cette longue chaine, des intermédiaires interviennent et dictent leurs prix.  Le département de la pêche annonce à la veille de chaque Ramadan que des mesures ont permis d’approvisionner le marché de manière à ce que l’offre soit supérieure à la demande. Selon les données du département, le marché a été approvisionné en +41 % de sardines pour le Ramadan 2018. D’ailleurs, la note remise le 23 mai au ministère de l’Agriculture et de la Pêche, par des acteurs du marché souligne que «la hausse des prix au détail est due à la multiplication des intervenants dans la chaîne de commercialisation qui ne dépend nullement du secteur». Cette note a  recensé les prix de la sardine dans plusieurs villes. Les prix annoncés sont en deça de ceux constatés sur les marchés marocains. Les auteurs de cette note fustigent aussi les petits commerçants : «Les prix varient selon les quartiers et le type de clientèle : le détaillant décide du prix de vente». C’est l’avis aussi de Mourad Alboubi.  «Nous ne pouvons pas contrôler les prix de commerçants qui ne sont pas inscrits au niveau des préfectures», botte en touche cet acteur du secteur à Casablanca. Dans ce cercle infernal, les responsabilités ne sont pas déterminés. Chaque département se renvoie la balle. Et le consommateur paie les frais… 


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