Pourquoi la Bourse de Casablanca ne devrait pas fermer ?
C’est sur une légère accalmie que la Bourse de Casablanca a clôturé la séance de vendredi dernier, le 20 mars. Le Masi avait en effet enregistré une hausse de près de 3,42% pour remonter à 9.60,27 points, ramenant ainsi sa contre-performance annuelle à 21,05%. Une évolution qui rompt avec les épisodes cauchemardesques qu’a vécus le marché ces dernières semaines. L’hémorragie s’était en effet aggravée lundi dernier, quand l’indice phare de la place avait chuté de 8,82%, plombé par les mouvements à la vente enregistrés sur plusieurs grandes et moyennes capitalisations. Celles-ci se sont pratiquement toutes dépréciées de 9,99%.
«Heureusement que le seuil de variation était limité à 10%, sinon la baisse aurait été plus spectaculaire», remarque un analyste.
La valeur de l’ensemble des actions s’est, quant à elle, réduite de 27% en moins de 3 semaines. C’est dans ce contexte de grande crise sanitaire, économique et financière qu’une bonne partie des investisseurs a demandé une fermeture de la Bourse. En réponse à cette détresse, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) s’est rapidement attelée au resserrement des seuils de variation maximale.
«Ces seuils de réservation jouent le rôle d’interrupteurs qui se déclenchent lorsque la panique gagne le marché, pour permettre aux acteurs de reprendre leurs esprits avant de reprendre les négociations», nous explique l’autorité.
Une mesure qui a pu contenir les baisses des séances suivantes aux alentours de 3%. «Il ne s’agit pas d’empêcher la chute, mais de s’assurer qu’elle ne provient pas d’une sur-réaction due à un mouvement de panique», souligne l’autorité.
Consciente que la situation sur le marché fait écho à la panique liée à l’évolution de la pandémie du Covid-19, l’AMMC rejette toute option de fermeture de la place. Selon elle, la suspension n’est pas nécessaire à ce stade, après la décision de resserrer les seuils de variation. «Les prix sur le marché sont censés refléter l’équilibre de l’offre et la demande. Il est normal que les prix baissent dans des circonstances pareilles…», remarque l’AMMC. Elle tranche: «La suspension n’est pas productive dans ce contexte, car elle prive les investisseurs de l’accès à leur patrimoine censé être disponible rapidement». Même son de cloche auprès des professionnels de la place. «Même si nous sommes aujourd’hui dans l’incapacité de valoriser correctement le potentiel de nos positions, il ne faut en aucun cas penser à la suspension de la cote», remarque cet analyste, soulignant que la Bourse a pu survivre aux effets de la crise financière mondiale de 2008.
Cela, les petits porteurs ne peuvent assimiler. «Nous souffrons déjà du manque de liquidités sur la place; aujourd’hui, nous craignons que l’ensemble de l’épargne nationale parte en fumée», s’alarme un investisseur. Selon lui, le marché ne sera pas non plus à l’abri de spéculations, mettant en péril les positions de chacun. Il est clair que dans des conjonctures difficiles comme celles-ci, les acteurs du marché sont plus susceptibles de présenter des biais psychologiques et de ne pas agir de manière rationnelle. «Il faut, dans ce cas de figure, faire très attention à ne pas céder aux mouvements de foule et de panique. Les décisions d’investissement devraient être fondées sur une analyse adéquate d’informations fiables et vérifiées», recommande l’AMMC.
Pour l’heure, seuls Attijari Global Research (AGR) et CFG Bank se sont prêtés au jeu des pronostics dans ce contexte de crise. Selon AGR, les grandes capitalisations devraient enregistrer une croissance bénéficiaire de 2,3% en 2019 et de 5,7% en 2020.
Pour CFG Bank, seules 2 des 23 grosses capitalisations analysées (Risma, Marsa Maroc) devraient connaître de fortes baisses. Les valeurs comme Maroc Telecom et Cosumar devraient quant à elles faire face à un risque plus faible. La banque d’affaires préconise par ailleurs d’opter pour des investissements long-termistes portant sur les entreprises qui affichent des fondamentaux sains, tributaires de la demande intérieure et générant des revenus récurrents tels que Cosumar, SBM et LabelVie.