PLF, régime des changes, boycott… les grands dossiers de la rentrée
Plusieurs dossiers économiques sont sur la table de l’Exécutif. «Les Inspirations ÉCO» fait la liste des chantiers qui vont revenir de manière insistante durant les trois prochains mois.
La rentrée économique au Maroc s’annonce chargée. Après un mois d’août atone marqué par un attentisme dans les milieux économiques et financiers, les milieux économiques et politiques devront plancher sur plusieurs dossiers. Le mois d’août a été marqué par la suspension annuelle de l’activité des Conseils de gouvernement pour deux semaines et la fin des sessions parlementaires des deux chambres en juillet. Dans le lot, il y a des sujets conjoncturels et d’autres plus nombreux d’ordre structurels. Une rentrée économique qui sera décisive pour porter une appréciation sur l’action économique de l’actuel Exécutif, qui peine à faire des marques sur territoire. Précisons que cette liste n’est pas exhaustive, de nombreux dossiers économiques sont aussi en suspens pour diverses raisons.
Nomination
Mohamed Benchaâboun prend le relais après Boussaïd
Le projet de Loi de finances (PLF) 2019 en cours de préparation sera repris, au pied levé, par Mohamed Benchaâboun qui a été nommé ministre de l’Économie et des finances (MEF), le 20 août dernier, après le limogeage de Mohamed Boussaïd. Tous les regards seront donc braqués sur l’ex PDG du groupe Banque centrale populaire (BCP). Ce dernier aurait déjà tenu plusieurs séances de travail avec les responsables de son département (voir aussi page 2).
PFL 2019
Quelles marges de manœuvre ?
C’est un PLF 2019 avec un penchant social prononcé qui se prépare entre les services du chef du gouvernement et la direction du budget au MEF. Le discours royal de la Fête du trône et le contexte social marqué par des expressions de mécontentement populaire mettent la pression sur l’Exécutif pour donner la priorité au volet social dans sa feuille de route budgétaire annuelle. Le «social» est à la mode même au niveau universitaire. Le colloque annuel du MEF et de l’association pour la Fondation internationale des finances publiques (FONDAFIP) aura pour thème cette année: «Finances publiques et justice sociale». Il se tiendra les 21 et 22 septembre à Rabat. Si la volonté exprimée par le chef du gouvernement est «de donner la priorité aux politiques sociales : éducation, santé et emploi et aux programmes d’assistance sociale» et «faire aboutir le dialogue social et le soutien au pouvoir d’achat», comme le souligne El Othamni dans sa lettre de cadrage du 13 août dernier. Il demeure que ces volontés devront passer par le filtre du MEF où des arbitrages seront réalisés, surtout en termes de dotations budgétaires supplémentaires aux secteurs sociaux.
Régime de change
Jouahri ira-t-il plus loin ?
Pour Bank Al-Maghrib (BAM), la réforme du régime de change, menée conjointement avec les finances a eu un impact «limité» sur les finances du pays. Ce diagnostic permet à la Banque centrale d’annoncer la prochaine étape : «La préparation d’un cadre de référence pour ce nouveau régime de politique monétaire». Et d’ajouter : «Lorsque le processus de flexibilisation atteindra un stade avancé, la banque mettra en place un cadre de ciblage d’inflation avec comme ancre nominale l’inflation au lieu du taux de change actuellement», peut-on lire dans son rapport annuel ; les observateurs suivront attentivement la prochaine sortie du wali de BAM prévue le 25 septembre lors du Conseil de BAM.
Boycott
Quel effet sur les entreprises ?
Le boycott de trois entreprises (Centrale Danone, Afriquia et Sidi Ali) qui dure depuis cinq mois sera inscrit dans l’agenda de la rentrée économique du royaume. Et pour cause, les résultats semestriels des trois compagnies sont attendus en septembre. Danone et Sidi Ali, cotées en Bourse, avaient déjà émis des profits warning, au début du 1er semestre 2018. Centrale qui s’est activée depuis deux mois pour communiquer avec les consommateurs dans plusieurs villes veut reconquérir ses parts de marché perdus depuis le 20 avril, date du lancement de ce mouvement populaire. Pour sa part, le gouvernement est attendu sur le nouveau système de fixation et de contrôle des prix du carburant. Un mécanisme technique suspendu à une décision politique.
Agenda
31 août
Date limite pour le dépôt des propositions budgétaires des départements ministériels et offices publics à la direction du budget au MEF.
21 et 22 septembre
Colloque MEF & FONDAFIP : «Finances publiques et justice sociale».
25 septembre
Conseil de BAM
20 octobre
Date limite pour le dépôt du PLF au Parlement.
Automne 2018
Revue annuelle du FMI au titre de l’article IV.
El Mehdi Fakir
Économiste
«Les Chartes de la déconcentration et de l’investissement sont prioritaires»
Pour cet analyste, les priorités consisteront en l’adoption de la Charte d’investissement et celle de la déconcentration telle que fixé par le discours royal et la réforme des centres régionaux d’investissement (CRI).
Les Inspirations ÉCO: Quelles sont les priorités économiques de la rentrée économique ?
El Mehdi Fakir : Les priorités de cette rentrée seront la révision du cadre réglementaire pour l’investissement et la gestion administrative de l’État. Le roi avait fixé fin octobre pour publier la Charte de la déconcentration ainsi que la nouvelle mouture de la Charte d’investissement et la réforme des CRI. Ces réformes vont mobiliser les pouvoirs publics et sont très attendues par les opérateurs de la place. Ils constitueront des coups de pouce très attendus à l’économie nationale.
Pensez-vous que le boycott continuera à peser sur la scène économique ?
Je ne le crois pas. Le boycott n’a plus la même ampleur qu’à son lancement. Ce mouvement s’est relativement estompé. Maintenant, il faut s’attendre à un effet financier sur les comptes des trois entreprises boycottés. Des profit warnings ont déjà été annoncés. Attendons les chiffres de la fin de l’année pour déterminer s’il y a eu un effet de rattrapage. Je note aussi que Centrale a fait des efforts pour reconquérir les consommateurs. Du boycott, on retiendra que le branding des entreprises devient un élément incontournable, et ce sujet s’invitera dans les débats prochainement.
La réforme du régime de change pourra-t-elle être lancée dès septembre prochain ?
Ce qui est sûr, c’est que la réforme est certes lancée; le planning n’est pas encore fixé, mais cette réforme est déjà à l’œuvre. Il faut attendre la réunion de BAM en septembre et la sortie du nouveau statut de BAM, toujours en discussion au Parlement, pour y voir plus clair. Un élargissement de la bande de fluctuation vers plus de 2,5% est une décision à prévoir et elle dépendra du contexte et des pré-requis, notamment les réserves de devises, le contexte économique mondial et l’évolution du dirham pendant la première année de flexibilité.