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Perspectives économiques : le spectre de la récession plane

Une décélération de l’économie nationale est attendue en 2022, les prévisions des différents acteurs du marché le confirment. Par ailleurs, le doute subsiste pour ce qui est d’une véritable reprise économique en 2023, surtout si la pression internationale continue à s’exacerber avec la persistance de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine. 

2023 sera-t-elle l’année du salut? Selon les pronostics des acteurs économiques, tout porte à croire que ce ne sera peut-être pas le cas pour notre économie. Au vu de la situation actuelle du marché, et surtout des rebondissements de la crise sanitaire, couplée avec la guerre en Ukraine, le monde est dans le flou, et le Maroc ne déroge pas à la règle. En effet, les récentes statistiques du Haut commissariat au Plan (HCP) confirment la forte décélération de l’économie nationale, désormais attendue en 2022.

Ceci a amené l’institution à réajuster à la baisse ses estimations de croissance pour, au moins, les trois premiers trimestres, ne tablant plus que sur de timides hausses de 0,3% au T1, de 0,9% au T2 et de 0,8% au T3 contre des projections initiales de, respectivement, 1,8% pour les deux premiers trimestres et 2,8% pour le troisième. Dans ce contexte, BMCE Capital Global Research (BKGR), dans sa note de juin 2022, revoit à la baisse ses perspectives de croissance économique.

Elle a également procédé à «la révision à la baisse de son scénario économique, anticipant, pour sa composante centrale, une hausse limitée à 1,1% contre 1,8% projetée trois mois auparavant».

Hausse des prix et repli de l’investissement
Dans son analyse, le bureau de recherche présente un topo de la situation nationale en pointant plusieurs aspects qui freinent la croissance. En effet, sachant que le contexte actuel est marqué par la forte augmentation des prix à la consommation et par le repli des revenus ruraux, «il est négativement impacté par la consommation finale. Celle-ci serait ainsi restée modérée au deuxième trimestre 2022, freinée par le manque de dynamisme de la demande des ménages dont la hausse se serait limitée à +1,8%, contre +13,6% une année auparavant», note-t-on dans ce sens.

De plus, l’investissement aurait continué son repli au deuxième trimestre 2022 au rythme de -1,3% au lieu de +7,3% une année auparavant. BKGR explique que «cette évolution serait la résultante de la poursuite du mouvement de déstockage des entreprises, amorcé en début d’année, notamment dans le secteur des industries extractives et du ralentissement des investissements dans celui de la construction».

Faible niveau de croissance en 2022
En tout cas, il est à noter que le faible niveau de croissance, qui se profile pour l’année 2022, s’accompagne aussi par une exacerbation des tensions inflationnistes, majoritairement d’origine externe. «Cette hausse des prix est principalement tirée par la flambée des cours des produits énergétiques et alimentaires ainsi que par l’accélération de l’inflation chez les principaux partenaires commerciaux du Royaume», selon BKGR.

Pour sa part, l’IPC a ainsi connu une augmentation sensible au cours des quatre premiers mois de l’année, avec une progression moyenne de 4,5% en glissement annuel. Pour Bank Al-Maghrib, la tendance devrait se poursuivre à court terme pour atteindre 5,3% en 2022. Toutefois, l’institution estime qu’elle devrait revêtir un caractère provisoire, tout en escomptant un retour à 2% en 2023.

L’agriculture pour sauver la mise
Sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière normale (75 MQx), la production agricole devrait, selon Bank Al-Maghrib, rebondir en 2023 de 12,9%. Elle devrait être accompagnée d’une hausse attendue de 2,8% des activités non agricoles, ce qui devrait permettre à l’économie de retrouver une meilleure dynamique avec une hausse du PIB global de l’ordre de 4% l’année prochaine.

BKGR rappelle, dans ce sens, que la Banque centrale a révisé ses prévisions de croissance pour l’année 2022, les revoyant légèrement à la hausse à 1% contre 0,7% en mars dernier. Elle y intègre une contraction, moins forte que prévue initialement, de la contribution du PIB agricole sous l’effet, notamment, du bon comportement prévu des cultures printanières et du niveau relativement plus élevé qu’estimé auparavant de la production céréalière locale.

Kamal Mesbahi
Économiste

«Valeur aujourd’hui, l’année 2023 sera difficile ! En prenant en compte les paramètres des années 2020, 2021 et 2022, il faut dire que nous avons oublié assez vite le coût du confinement, et la crise ukrainienne est venue amplifier un passif qui date du déclenchement de la crise sanitaire. De plus, notre pays a vécu deux années de sécheresse qui n’a fait que s’amplifier durant cette année. Faut-il le rappeler, le Maroc a fourni un effort louable pour gérer cette période.

Toutefois, pour l’année prochaine, la situation s’annonce corsée, car non seulement il va falloir résorber la facture salée de ces trois dernières années, mais aussi dealer avec le fait que notre économie dépend étroitement de nos liens avec le marché externe, à l’achat et à la vente. Les leviers à activer, pour assurer une meilleure année 2023, sont relativement limités, dans le sens où la balance commerciale est structurellement déficitaire.

S’il y a des économies à faire, c’est en réduisant le rythme de nos dépenses. Et l’État et l’administration, ainsi que les établissements publics et les ménages, suivent un rythme supérieur aux moyens disponibles. Le Maroc devrait redevenir un pays normal qui vit selon les moyens dont il dispose».

Driss Effina
Professeur d’économie

«La lueur d’espoir, pour une amélioration de la situation économique en 2023, dépend tout d’abord de la situation à l’international. Nul ne sait comment ni quand la guerre en Ukraine se terminera. Plus la situation devient difficile, plus l’économie mondiale en pâtit et, par ricochet, l’économie nationale. De son côté, le prix du pétrole, qui demeure sur des niveaux élevés, ne peut être longtemps supporté par les opérateurs marocains.

Pour ce qui est des perspectives, les prévisions tablent sur un taux de croissance de 1%, d’autres penchent même sur des prévisions négatives, aux alentours de -0.5 à -1%. Ceci au cas où la conjoncture mondiale se dégrade encore plus dans les prochains mois.

Ceci dit, il y a encore des choses à faire au niveau de notre économie. Il faudrait s’ouvrir davantage sur l’endettement des régions, lancer des partenariats public-privé ou encore des projets d’infrastructure structurants, ce qui aurait des effets positifs à long terme sur l’économie nationale».

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO


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