Oléagineux : des semences européennes pour la filière locale
Lancé en 2019, pour une durée de trois ans, le programme Maghreb Oléagineux dresse son bilan, au terme de deux années de mise en œuvre.
Au Maroc, la culture de semences européennes de colza et de tournesol a de beaux jours devant elle, vu les défis à relever pour l’amélioration des performances des exploitations agricoles locales et les enjeux de sécurité alimentaire. Pour renforcer la filière nationale, le Programme Maghreb Oléagineux a été initié en 2019 pour une durée de trois ans. Mis en œuvre au Maroc et en Tunisie, celui-ci a pour objectif d’accompagner le développement de la filière de colza et de tournesol en assurant la promotion des semences européennes. Ce programme, porté par l’interprofession Terres Univia et cofinancé par l’Union européenne, promeut l’adoption de pratiques agricoles durables et l’utilisation de semences produites en Europe.
Entamant sa dernière année, le porteur du programme dit être confiant dans les perspectives et la dynamique locale impulsée. «Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a une dynamique nationale autonome qui fonctionne. En ce qui concerne l’accompagnement que nous pouvons proposer pour la suite, des discussions sont enclenchées. Elles sont fortement concentrées sur la possible expansion des surfaces et le renforcement du monde agricole, à travers l’organisation territoriale. Ce sont des aspects-clés pour l’atteinte des objectifs du plan génération green», souligne Guénaël Le Guilloux, responsable du développement international chez Terres Univia et directeur d’Agropol, l’association de coopération pour le développement à l’international des filières oléo-protéagineuses, lors de la conférence de presse organisée le mardi 28 septembre.
L’intervenant n’a pas manqué de souligner que le programme s’inscrit pleinement dans la stratégie agricole du Maroc, Génération Green, qui ambitionne d’atteindre 80.000 hectares d’oléagineux en 2030.
Accompagnement technique et montée en compétence du monde agricole
Le Programme Maghreb Oléagineux s’inscrit dans la stratégie de développement de la filière oléagineuse des pouvoirs publics et de l’interprofession. Mené en étroite collaboration avec les services de l’ONCA et de FOLEA, il contribue à la formation des acteurs de terrain et sensibilise les décideurs à l’intérêt des filières oléagineuses. Selon Guénaël Le Guilloux «le transfert de bonnes pratiques aux agriculteurs est un facteur clé de succès. Les visites de champs (field days), animées par les conseillers formés par Terres Univia, participent à la diffusion de ces Best Practices et permettent d’informer les producteurs sur les atouts des semences européennes de colza et de tournesol pour réussir leurs cultures». Depuis le lancement du programme en 2019, 86 conseillers et 76 prestataires marocains ont été formés, alors que 88 field days ont été organisés au bénéfice de plus de 2.300 agriculteurs.
Intérêt de la territorialisation de la production d’oléagineux
Pour satisfaire leurs marchés, les industriels éprouvent un important besoin en graines oléagineuses. Or, cette demande ne peut être satisfaite sans une organisation territoriale performante, de la mise en culture à la collecte des graines. D’après Hassan Benabderrazik, cofondateur et directeur général d’Agroconcept, «le monde agricole marocain peut tirer plusieurs avantages de l’intégration des cultures oléagineuses. Dans la mesure où ces dernières participent à stabiliser et à améliorer les revenus des agriculteurs, sans oublier que ces cultures contribuent à la structuration du monde agricole à l’échelle territoriale, à travers l’émergence de coopératives et d’entrepreneurs agricoles, renforçant ainsi le tissu socio-économique rural». Le renforcement des capacités des acteurs et la mise en place d’un cadre favorable au développement de l’entrepreneuriat agricole, sont essentiels pour favoriser l’émergence d’une organisation territoriale performante et pérenne.
Gagner en autonomie avec des semences importées ?
Au Maroc, compte tenu de l’importance de l’agriculture pluviale, les performances du secteur oléagineux sont fortement dépendantes des aléas climatiques. D’où la valeur ajoutée qu’apporte la R&D. Pour Le Guilloux, sur le sujet, «il y a plusieurs stratégies qui ne s’opposent pas, mais se complètent. La première s’appuie sur une démarche de R&D pour la production, au sein de l’INRA, de variétés adaptées aux différentes zones de culture. Mais elle doit être associée à l’importation de semences déjà génétiquement abouties et validées à travers tout un processus qui permet de garantir leur adaptation aux conditions marocaines de production».
Évolution vers des systèmes alimentaires territorialisés durables
Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Évolution du climat (GIEC) dresse un constat alarmant sur l’intensification du changement climatique et l’accélération des problèmes existants. Les conditions climatiques défavorables de ces dernières décennies pourraient donc progressivement devenir la norme au Maroc. Selon Jean-Louis Rastoin, professeur honoraire à Montpellier SupAgro et membre de l’Académie d’agriculture de France : «Dans un contexte de défis majeurs, les systèmes alimentaires sont amenés à des changements profonds s’appuyant sur la transition socio-écologique, la souveraineté et la sécurité alimentaire, le concept «une seule santé».
Les oléagineux et les légumineuses devraient jouer un rôle important dans cette évolution vers des systèmes alimentaires territorialisés durables». Face à cela, les systèmes de production et les pratiques culturales sont appelés à évoluer pour limiter les impacts des difficultés croissantes du secteur.
Au Maroc comme dans le reste du monde, la diversification et l’allongement des rotations sur la sole des grandes cultures est l’une des mesures clé à adopter. Les cultures oléagineuses sont adaptées aux conditions agro-pédo-climatiques de la sole céréalière du Maroc. Elles sont également reconnues comme essentielles pour améliorer les performances et la durabilité des exploitations. Par conséquent, une plus grande intégration de ces cultures aurait de nombreux effets bénéfiques sur la bonne gestion agronomique des terres. En outre, la résilience des populations serait renforcée par la stabilisation ou la hausse du taux d’employabilité et des revenus, plus particulièrement pour les jeunes et les femmes.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO