Observatoire marocain de la TPME : le décloisonnement et la fiabilisation des données s’industrialise !
Élimination des doublons, application de processus de croisement et de fusion des données, recours au text mining et web scraping… l’Observatoire marocain de la TPME (OMTPME) ne lésine pas sur les moyens pour qualifier, fiabiliser et enrichir les données auxquelles il a accès afin d’améliorer, de manière significative, la qualité des bases de données source au Maroc.
Contribuant à hauteur de 73,8% des effectifs d’employés déclarés à la CNSS, la croissance des très petites et moyennes entreprises (TPME) est indéniablement un vecteur de création d’emplois et de richesse. D’où l’intérêt d’avoir une meilleure visibilité sur cette catégorie d’entreprises, à travers des analyses approfondies comme celles auxquelles on a accès grâce aux études réalisées par l’Observatoire marocain de la TPME (OMTPME). Mais comment aboutit-on à la production de statistiques que l’Observatoire qualifie de «fiables et exhaustives» ? Cette quête de fiabilité des données n’est pas fortuite, et comporte des enjeux importants.
En effet, la fiabilité des données détermine si les entreprises peuvent ou non prendre de bonnes décisions grâce à celles-ci. Si elles ne sont pas fiables, elles ne peuvent pas faire l’objet de confiance, ce qui les rend inutiles pour les organisations et dangereuses si elles sont utilisées de manière incorrecte.
Pour appréhender les caractéristiques de base des TPME, les facteurs qui contribuent à leur croissance et qui freinent leur développement, il est capital d’avoir sous la main un dispositif informationnel fiable et exhaustif, et ce, même si plusieurs institutions nationale disposent de bases de données sur les entreprises répondant à des besoins de gestion interne.
Le décloisonnement des données va bon train !
À titre d’exemple, pour les entreprises moyennes et de grande taille, dont le nombre, au Maroc, est de 3.000 environ, il est encore possible de fiabiliser les données manuellement. Mais vu le nombre de TPE et de micro-entreprises (plus de 500.000), il n’est pas possible de travailler de manière manuelle d’où le recours à l’échantillonnage et l’utilisation d’algorithmes de text mining et de web scraping pour la fiabilisation des données.
Élimination des doublons, analyse qualitative des fichiers source, application de processus de croisement et de fusion des données, recours à l’échantillonnage, utilisation d’algorithmes de text mining et de web scraping… sont autant de travaux de qualification, de fiabilisation et d’enrichissement auxquels sont soumises les données afin d’améliorer significativement les productions de l’Observatoire marocain de la TPME (OMTPME) et de participer à l’amélioration significative de la qualité de base de données source au Maroc. À la clé, tous les fournisseurs de données de l’Observatoire ressortent bénéficiaires de ce travail colossal abattu par les équipes.
«Ce processus est déjà opérationnel pour Bank Al-Maghrib et pour le ministère de l’Industrie. Il est prévu de le mettre en place auprès de la CNSS, l’OMPIC et tous les fournisseurs de données qui le souhaitent», annonce Dr. Idrissi Amal, directrice exécutif de l’OMTPME, mardi 1er novembre, lors de la présentation du rapport annuel de l’exercice 2020-2021.
Sur le plan technique et scientifique, il faut rappeler que l’action de l’Observatoire s’articule autour de la data science et des technologies de big data. Rappelons que les fournisseurs de données exploitées par l’Observatoire sont BAM, la CNSS, l’OMPIC, la DGI, le ministère de l’Industrie, de l’investissement et du commerce, ou encore Al Barid-Bank.
Soulignons que la création de l’Observatoire est venue remédier à l’inexistence dans le pays d’un système qui permet de consolider et qualifier les données sur les entreprises à des fins d’analyses multidimensionnelles et temporelles du comportement des entreprises.
Ainsi, l’Observatoire utilise ces technologies parce qu’elles procurent une robustesse et une puissance de calcul, surtout grâce à la volumétrie importante de données traitées. «Nous produisons ces indicateurs et réalisons ces études à partir d’une base de données qui regroupe la quasi-exhaustivité des entreprises formelles au Maroc, soit environ 600.000 entreprises (personnes morales et personnes physiques), en plus de 300.000 auto-entrepreneurs», fait valoir Dr. Idrissi Amal.
Objectif : apporter un éclairage sur le tissu productif national, quantifier les problématiques de la TPME et mieux dimensionner les politiques publiques dédiées à ces entreprises. Et qui dit exhaustivité dit que la marge d’erreur des statistiques que produit l’Observatoire est très faible par rapport aux études faites à travers des échantillons, qui, en règle générale, ne dépassent pas quelques milliers d’entreprises.
Caractéristiques du tissu productif national
Ainsi, en 2022, l’Observatoire a analysé une population d’entreprises (personnes morales) actives s’élevant à 296.223 unités. Entendons par «actives», les entreprises qui ont fait une déclaration auprès de la DGI, ou la déclaration d’un employé auprès de la CNSS, ou encore toute entreprise ayant déposé un bilan auprès de l’OMPIC. Sur cette population, 99,6% sont des TPME. Soulignons que la définition de la TPME, retenue par l’Observatoire, est basée sur la segmentation par le chiffre d’affaires, en alignement avec la définition retenue par Bank Al-Maghrib.
95% ont un chiffre d’affaires (CA) qui ne dépasse pas les 10 MDH. 88% ont un CA ne dépassant pas 3 MDH, quant 78,7% ont un CA inférieur ou égal à 1 MDH. Sur cette même population, le constat est que les résultats sont globalement alignés avec ceux de 2019 au plan régional et sectoriel. 65% de ces entreprises sont concentrées sur l’axe Tanger – El Jadida avec une prépondérance dans la Région Casablanca-Settat qui recense près de 39% de l’effectif total. Au niveau de la section d’activité, 53% des entreprises opèrent dans des activités peu consommatrices de ressources financières : près de 30% des entreprises recensées opèrent dans le commerce et 23% dans la construction.
Pour ce qui est de l’emploi déclaré à la CNSS, les TPME y contribuent de manière importante, à hauteur de 73,8%. Cependant, elles ont une contribution relativement modeste à l’économie marocaine, dans la mesure où elles ne représentent que 41% du CA, 26% du CA à l’export et 35% de la valeur ajoutée. Concernant les créations d’entreprises, les effets de la pandémie ont fait qu’il y a eu moins de création au cours de l’année 2020, avec une baisse de 10,5% par rapport à 2019, suivie d’une amélioration de 23,4% en 2021. Pour ce qui est des dissolutions anticipées, 2020 a enregistré une baisse de 17,6%. Ce qui pourrait en surprendre plus d’un, mais selon Dr Idrissi Amal, «cette baisse est expliquée par la fermeture des tribunaux à cause de la crise pandémique». La courbe des dissolutions d’entreprises repart à la hausse en 2012 (+52%). L’analyse du comportement du CA révèle que 20.560 entreprises ont enregistré une dégradation au niveau de la catégorie de CA en 2020.
Des avancées importantes en termes d’apprentissage sur les données
Dans le but d’assurer une démarche scientifique, itérative et évolutive pour le traitement des données, des groupes de travail, constitués de l’OMTPME et de représentants des organismes fournisseurs de données, permettent de réaliser des avancées importantes en termes d’apprentissage sur les données, leur analyse et interprétation et la cohérence des résultats. Ainsi, plusieurs groupes de travail sont à l’œuvre, dont celui avec la CNSS, qui travaille actuellement sur la qualification de l’emploi féminin.
Idem pour le groupe de travail avec le ministère de l’Industrie, avec qui les travaux portent sur l’identification et l’enrichissement des entreprises manufacturières du répertoire de ce ministère à partir de la base consolidée de l’Observatoire.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO