Éco-Business

«Nous espérons que les ambitions du Maroc se renforceront avec le temps»

Anthony Hobley : Directeur général de Carbon Tracker

Anthony Hobley est le directeur général de Carbon Tracker, un think tank financier à but non lucratif qui a comme objectif de favoriser un marché mondial de l’énergie respectueux du climat. Pour ce faire, il ambitionne d’aligner les marchés de capitaux sur les réalités climatiques. Ci-dessous ce qu’il pense de la science climat, les énergies et la transition énergétique à l’orée de la COP22 .

Quelle est votre approche en tant que think tank financier ?
Carbon Tracker a comblé le vide entre la science du climat et les marchés financiers, en traduisant les enjeux environnementaux en un langage que les investisseurs peuvent comprendre grâce à son analyse pionnière de la «bulle de carbone». Nous avons simplement montré que deux tiers des carburants fossiles connus ne doivent pas être extraits pour empêcher le taux de réchauffement climatique de dépasser 2°C, la cible universelle adoptée par l’Accord de Paris. Il faut dire que des sommes colossales sont en jeu surtout que nous avons identifié l’équivalent de deux trillions de dollars d’investissements planifiés dans les carburants fossiles qui risquent d’être des actifs «bloqués» potentiels. Néanmoins, puisque les carburants fossiles sont différents en termes d’émissions de carbone et des coûts d’extraction, nous sommes passés à l’analyse granulaire de tous les grands projets mondiaux du charbon, du pétrole et du gaz. C’est pour cela que nous fournissons aux investisseurs ces données, dans un souci de différentiation. Par exemple, nous avons fait une conclusion contre-intuitive mais importante que les plus grandes compagnies pétrolières du monde valent, au total, plus de 100 milliards de dollars si elles alignent leur production à la cible de 2°C.

Quelle est votre définition du marché carbone (Carbon market) ?
C’est une méthode de réduction des émissions carbone, le principal vecteur du changement climatique, à travers les signaux-prix. Cette méthode consiste à fixer un niveau maximal d’émissions qui sera réparti en allouant des permis commercialisables. Les entreprises qui polluent doivent donc acheter des passes pour chaque unité de carbone qu’elles émettent. Ainsi, un marché carbone fait en sorte, au moins en théorie, que les baisses en termes d’émissions se produisent au niveau le moins coûteux. En même temps, les entreprises qui polluent et qui ne peuvent pas se permettre d’acheter des permis évitent de polluer tout simplement.

Le nom Carbon Tracker  véhicule l’idée d’un fonds plus qu’une initiative sans  but lucratif. Quelle est votre mission ?
Notre mission en tant qu’organisation sans but lucratif consiste à aligner les marchés capitaux à la réalité du climat. Et nous sommes soutenus par les fondations philanthropiques aux EU, au RU et en Europe. Nous sommes une équipe, composée de 20 analystes financiers et professionnels de communication, alors que nous étions trois personnes, cinq ans auparavant. De plus, nous ouvrons notre bureau à New York pour présenter nos recherches aux professionnels de Wall Street.

Quel impact de votre activité sur le changement climatique? Avez-vous fait une évaluation de votre activité ?
Nos recherches mettent la lumière sur un risque inaperçu jusqu’à présent : l’argent des actionnaires est investi dans les projets de carburant fossile dont on peut se passer à la période où nous essayons de limiter les effets du dérèglement climatique. L’idée des «actifs bloqués» de carburant fossile, décrite par le Financial Times comme «l’idée la plus puissante» qui s’est invitée récemment dans le débat sur le climat, suscite l’intérêt des investisseurs et rend les marchés conscients que les impacts financiers du dérèglement climatique peuvent précéder les impacts physiques, aussi néfastes soient ces derniers. C’est pour la même raison que The Guardian nous a décrits comme évoluant d’une position de «départ arrêté» à une position centrale dans le débat, et ce dans un temps court. En effet, nos recherches sont à l’ordre du jour des grands investisseurs, comme Blackrock, le plus grand «Fund House» dans le monde, en plus des instances régulatrices comme le Financial Stability Board.

Comment le Maroc peut-il promouvoir un marché de l’énergie, global et écologique, et quel rôle peut jouer Casablanca Finance City dans ce sens ?
La transition énergétique globale est influencée par les politiques, d’un côté, et les technologies, d’un autre. Le Maroc a déjà une vision claire et poursuit des objectifs très ambitieux en matière d’énergies renouvelables. Le pays a déjà construit la plus grande centrale solaire dans le monde. Nous espérons que ces ambitions se renforceront avec le temps. L’économie est de plus en plus favorable aux énergies renouvelables. Nos recherches montrent que ces énergies sont déjà, en moyenne, les moins coûteuses. Par ailleurs, Casablanca Finance City jouera un rôle important dans la dynamisation de toute action entreprise et dans le partage des stratégies innovantes adoptées par les leaders dans le domaine.

Quelles sont vos attentes par rapport à la COP22 ?
L’entrée en vigueur rapide de l’Accord de Paris avant la tenue de la COP a surpris le monde entier. Cela montre que le processus de la transition énergétique est irréversible. Néanmoins, il y a toujours des parties prenantes qui interprètent mal le rythme du changement. Puisque la COP22 se concentrera sur la mise en œuvre l’Accord de Paris, nous nous attendons à ce que les investissements dans le secteur privé aient droit à plus de priorité, ce qui peut créer un cercle vertueux avec une implication du secteur public, notamment des villes et des États. Nous espérons que les gouvernements vont profiter de cet élan pour promouvoir une grande «divulgation des risques» liées au climat pour permettre aux investisseurs de surfer de manière fluide sur la transition énergétique, tout en évitant d’anéantir la valeur des actions et en préservant le climat.  


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