Neutralité concurrentielle : Nadia Fettah détaille les contours des réformes
La neutralité concurrentielle est un élément clé du développement économique du Maroc. C’est le message fort qui a été délivré lors d’une rencontre initiée par le Conseil de la concurrence à Marrakech, en présence, notamment, du trésorier général du Royaume et d’un parterre de personnalités politiques et économiques.
On ne peut parler de véritable concurrence que lorsque toutes les entreprises suivent les mêmes règles et opèrent sur un pied d’égalité, d’où l’importance de la garantie par les pouvoirs publics de la neutralité concurrentielle et d’un accès équitable aux marchés publics. Une question qui a été au centre d’une rencontre initiée, mercredi à Marrakech, par le Conseil de la concurrence. Cette conférence a connu la participation d’un parterre d’acteurs du monde politico-économique.
Parmi eux, le président du Conseil de la concurrence, du trésorier général du Royaume, le président du Comité de la concurrence de l’OCDE et la directrice de la politique et de la stratégie de la direction générale de la concurrence à la Commission européenne. La rencontre a été l’occasion d’évoquer les perspectives essentielles des réformes et des enjeux de neutralité concurrentielle au Maroc.
«La question de la neutralité concurrentielle et de l’accès équitable aux marchés est devenue un enjeu majeur pour le Maroc comme pour tous les États. Au centre de ces réflexions, se trouve la question de la place et du rôle des entreprises publiques face à la neutralité concurrentielle. Au Maroc, le secteur public, de par sa nature même, est un acteur important du marché. Sa spécificité, au regard des règles de la concurrence, ne peut être ignorée. Les aides d’État, la réglementation des prix ou la subvention de l’offre sont autant d’éléments qui peuvent potentiellement fausser le jeu de la concurrence», explique Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des Finances.
Trouver un juste équilibre
Il serait toutefois réducteur de ne voir dans les entreprises publiques qu’une source potentielle de distorsion de la concurrence.
De l’avis de la ministre, «le défi qui se pose est de trouver un juste équilibre, entre le maintien des missions d’intérêt général et de service public essentielles, d’une part, et la garantie d’une concurrence loyale et équitable, d’autre part».
C’est pourquoi, pour relever ce défi, la réforme des entreprises publiques a été entamée à travers la loi-cadre n° 50-21. Ces réformes ont été entamées suite aux directives royales et conformément aux recommandations du rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement. Elles visent à instaurer un nouveau paradigme où l’État, loin d’être un acteur omnipotent, devient un facilitateur et un garant de la neutralité concurrentielle.
«La rationalisation du portefeuille public, la transformation des établissements publics en sociétés anonymes et la refonte de la gouvernance des EEP ne sont pas de simples ajustements administratifs. Ce sont des leviers puissants pour aligner le secteur public sur les meilleures pratiques du privé, réduisant ainsi les distorsions de concurrence», a insisté Nadia Fettah, lors de son intervention.
Parallèlement, la nouvelle Charte de l’investissement et le Fonds Mohammed VI pour l’investissement créent un écosystème où l’investissement privé est stimulé et facilité, diminuant de facto la nécessité d’une intervention étatique directe. À cela s’ajoute la réforme des marchés publics.
Les faits saillants de la réforme
La publication en juillet 2021 de la loi-cadre n° 50-21 relative à la réforme des EEP et de la loi n° 82-20 portant création de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État et de suivi des performances des EEP (ANGSPE) a marqué le début de cette réforme avec la rationalisation du portefeuille public. Mettant l’accent sur les grandes lignes de cette réforme, Nadia Fettah en a exposé les principales réalisations, notamment les avancées législatives et les actions visant à améliorer la gouvernance des EEP.
«En juillet 2023, nous avons élaboré une procédure rigoureuse pour la désignation de membres indépendants au sein des conseils d’administration. À ce jour, 24 EEP ont adopté ou entamé l’adoption de cette procédure. Nous avons également créé 24 comités spécialisés et revu les missions de six comités existants pour y intégrer la dimension risque ainsi que les aspects liés à la nomination et à la rémunération», a indiqué la ministre.
Parallèlement, l’opérationnalisation de l’ANGSPE joue désormais un rôle central dans la coordination de la position des administrateurs représentant l’État, autres que les autorités gouvernementales, au sein des instances de gouvernance des entreprises publiques.
Aussi, un autre palier a été franchi le 1er juin 2024 avec l’approbation des orientations stratégiques définissant la politique actionnariale par le Conseil des ministres, sous la présidence du Roi Mohammed VI. Ces orientations visent à faire du secteur des EEP un levier stratégique pour la consolidation de la souveraineté nationale.
Par ailleurs, le secteur de l’énergie a fait aussi l’objet d’une refonte des relations entre l’État, l’ONEE et MASEN. Dans le secteur bancaire et financier, une réflexion a été également engagée sur la création d’un pôle financier public performant et compétitif.
L’autre volet de la réforme a concerné la transformation de certains établissements publics en sociétés anonymes. Des entités telles que l’ONDA, l’ONCF, l’OMPIC, la MAP, l’ONHYM et le FEC sont concernées par cette mutation alors que la nouvelle Charte de l’investissement, régie par la loi-cadre n°03-22, a permis, depuis mars 2023, l’approbation de 110 projets de convention, représentant un investissement total de 130 MMDH et la création de plus de 24.000 emplois directs.
Par ailleurs, dix projets stratégiques, d’une valeur totale de 181 MMDH, ont été identifiés et soutenus. Ce résultat est appuyé par le rôle du Fonds Mohammed VI pour l’investissement dans la dynamisation de l’investissement privé. Au total, 15 sociétés de gestion ont été sélectionnées pour piloter des fonds thématiques.
Parallèlement, l’Observatoire marocain de la commande publique a été rendu opérationnel. Il a également été fait recours à la dématérialisation progressive des procédures et au renforcement de la transparence, toutes les étapes des appels d’offres, de l’annonce à l’attribution du marché, étant désormais publiées en ligne, garantissant ainsi une visibilité totale du processus.
L’objectif est aussi d’aboutir à l’élimination systématique des offres anormalement basses ainsi qu’à l’accès des PME aux marchés publics. Ceci passe par l’instauration d’un quota de 30% du montant prévisionnel des marchés réservés aux PME et par des délais de paiement réduits à 60 jours maximum pour les PME.