Mohamed Rahj : “L’application de cette mesure ne sera pas facile”
Mohamed Rahj
Fiscaliste
L’État prévoit une taxe de 30% sur les gains réalisés sur les jeux. La décision est saluée, car elle permet d’élargir l’assiette fiscale. Sauf que son application demeure encore floue, surtout si les jeux et les gains sont réalisés par des joueurs basés au Maroc, mais sur des plateformes étrangères. Explications.
Le gouvernement prévoit d’élargir le champ d’application de l’IR, notamment à de nouvelles catégories de contribuables comme sur les gains des jeux… ?
Il y a les influenceurs et les blogueurs. En l’absence d’un texte juridique qui réglemente leur profession, ce sont quand même des gens qui exercent une activité et qui génère des revenus, et ces revenus doivent être soumis à l’IR. Parallèlement, il y a des gens qui font des mises sur des opérations de jeux, comme le tiercé, le loto, la loterie nationale, les casinos, notamment virtuels. Et ces gains ne sont actuellement pas compris sur la base d’imposition. On leur prélève à la source quelques taxes et quelques taxes parafiscales.
À partir de l’année prochaine, toutes les personnes qui réalisent des gains de jeux seront soumises à l’IR. Et les organismes payeurs seront dans l’obligation de retenir à la source un impôt de 30%. Je pense que c’est une bonne chose pour élargir l’assiette fiscale, car ce sont des gains exceptionnels, contrairement aux salaires qui sont soumis à des impositions. Cela rentre dans le cadre de l’équité et de la justice fiscale.
Comment l’État va-t-il pouvoir récupérer les fonds lorsqu’il s’agit de jeux opérés avec des opérateurs basés à l’étranger ?
Si les gains de jeux sont distribués sur le plan technique, sur le territoire marocain, il n’y aurait pas de problème. Car les organismes qui s’occupent de ces jeux, seront tenus obligatoirement, de retenir à la source cet impôt au taux de 30% libératoire. Mais le risque, c’est lorsqu’il s’agit de jeux gérés depuis l’étranger. Là, le texte prévoit que ce sont les banques et les organismes financiers qui reçoivent le transfert d’argent, qui seraient invités à retenir 30% de l’impôt. Mais le risque, c’est lorsqu’il s’agit de jeux gérés depuis l’étranger
Justement, comment les services des impôts peuvent-ils récupérer cette taxe ?
L’application de cette mesure ne sera pas facile car l’État devra surmonter plusieurs obstacles. Il faudra soit activer les conventions sur l’échange d’informations financières ou que les joueurs puissent être détectés lorsque des versements sont effectués par exemple sur leurs cartes. Et surtout si les joueurs décident de garder leur argent à l’étranger. Je pense qu’il faut attendre la note circulaire qui sera publié à cet effet.
Mais cela dit, je pense que l’essentiel, c’est que l’assiette de l’impôt sur le revenu s’élargisse aux gains sur les jeux. Je rappelle que les revenus classiques auxquels ceux-ci viennent s’ajouter sont : les revenus professionnels (salaires), les revenus agricoles, ainsi que les revenus mobiliers et fonciers.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO