Migration forcée : près de 54% des migrants veulent rester au Maroc
Selon les résultats de l’enquête nationale sur les migrants forcés que vient de publier le Haut commissariat au plan, 53,7% des migrants qui veulent rester au Maroc évoquent comme raison principale le sentiment de sécurité (23,9%). Suivent les meilleures conditions de vie (20,6%), la possibilité d’accéder au marché du travail (10,5%) et la préférence de la famille de rester au Maroc (9,5%).
Le Maroc est de moins en moins un pays de transit pour les migrants désirant aller s’installer en Europe. Le royaume est, au contraire, devenu un pays d’accueil et d’immigration ; et cette tendance, amorcée depuis le début des années 2000, se confirme d’année en année, comme le montre les résultats de l’enquête nationale sur les migrants forcés que vient de publier le Haut commissariat au plan (HCP). Il en ressort, en effet, que plus de 53,7% des migrants veulent rester au Maroc. Ceux qui veulent émigrer dans un autre pays que le Maroc ne représentent plus que 25,9%, mais ils sont bien supérieurs à ceux qui entendent retourner au pays d’origine selon différents timing, avec ou sans conditions (11,8%). Enfin, le projet migratoire reste indéterminé pour 8,6% des migrants.
Le Maroc est un pays sûr
Concernant les migrants qui ont exprimé le désir de rester au Maroc, les Syriens sont les plus nombreux. Ils sont 72,4% à l’avoir déclaré, suivis par les Sénégalais (62,7%) et les ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC) avec 62%. Ces derniers évoquent comme raison principale le sentiment de sécurité (23,9%) en premier lieu, suivi par les meilleures conditions de vie (20,6%), la possibilité d’accéder au marché du travail (10,5%), la préférence de la famille de rester au Maroc (9,5%). Les attitudes et comportements positifs des Marocains envers les migrants (6,9%) viennent après, suivies à la fin par la régularisation de la situation au Maroc (6%). Environ les deux-tiers des migrants au Maroc (67,3%) estiment, en effet, que les Marocains ont une attitude plutôt positive envers les migrants, les hommes sensiblement plus que les femmes avec respectivement 71,1% contre 61,6% et les personnes âgées de 60 ans et plus relativement plus que les jeunes avec respectivement 75,5% contre 63,4%. Les nationalités qui ont le plus exprimé cette opinion sont les Yéménites (87,5%), les Syriens (86,8%), les Sénégalais (78,7%) et les Guinéens (66,9%).
Ceux qui veulent partir évoquent des conditions de vie difficiles
S’agissant des migrants désirant aller s’installer dans un autre pays (25,9%), de préférence européen, la proportion la plus élevée est notée parmi les Centrafricains (52,3%), suivis des Maliens (42,3%) et des Camerounais (40,9%) ; tandis que celle, la plus faible, est relevée parmi les Syriens (12,3%) et les Sénégalais (18%). Plus de 30% d’entre eux ont déclaré que le Maroc ne constitue qu’une étape transitoire et que leur projet migratoire initial est d’émigrer en Europe. Cette proportion atteint 44,8% parmi les ressortissants de la RDC, 39.5% parmi les Sénégalais, 37,3% parmi les Camerounais et 36,6% parmi les Maliens.
Pour justifier leur choix, 19% d’entre eux avancent que les conditions de vie sont difficiles au Maroc, 11,9% déclarent qu’ils aspirent à de meilleurs droits, conditions et protection des migrants ailleurs, 10,7% évoquent la difficulté d’accéder au marché du travail au Maroc, et 9,8% déclarent être encore à la recherche de travail. En tous cas, les pays de destination visés par les migrants sont, dans l’ordre, le Canada (20,1%), la France (19,1%), l’Espagne (15,5%), l’Allemagne (4,7%), la Belgique (3,9%), les États-Unis (2,8%) et l’Angleterre (2,2%).
Pour ce qui est des migrants qui ont exprimé la volonté de retourner dans leur pays d’origine (11,8%), la proportion la plus élevée est notée parmi les Yéménites (30,6%), suivis de loin derrière par les Sénégalais (13,3%) et les Ivoiriens (12,3%) ; tandis que celle la plus faible est relevée parmi les originaires de la RDC (3,2%) et les Maliens (7,1%). Le premier motif avancé par 27,7% d’entre eux est la difficulté de vivre ou d’accéder au marché du travail au Maroc. Il est suivi par la nostalgie du pays 21,9%, (26,2% parmi les femmes et 19,3% parmi les hommes), le désir d’investir dans le pays d’origine (15,5%), les contraintes familiales (4,6%) et l’échec du projet d’immigration (4,6%).
64,8% «contraints» de rester
D’un autre côté, un peu moins des deux tiers des migrants (64,8%) affirment ne pas pouvoir retourner dans leurs pays d’origine à n’importe quel moment. Les ressortissants syriens sont dans cette situation à raison de 85,6% suivis par les yéménites (77,2%), les ressortissants de la RDC (74,6%), les Centrafricains (72,4%) et les Maliens (70,2%).
C’est ainsi qu’au total, 58,8% des migrants affirment ne pas pouvoir retourner dans leur pays d’origine, à n’importe quel moment, pour des raisons liées à l’insécurité, la guerre ou la persécution dans le pays d’origine. Le manque de moyens financiers est également évoqué en seconde position par 14,8% des migrants. Il est suivi par l’intention de transiter vers un autre pays en troisième position par 7,8% (8,9% parmi les hommes et 6,1% parmi les femmes) et le regroupement familial par 5,8% (8,1% parmi les femmes et 4,3% parmi les hommes). Ceci étant, il y a lieu de noter que 10,2% des migrants, qui ont exprimé la volonté de retourner dans leur pays d’origine, ont affirmé avoir déjà contacté les autorités compétentes pour retourner, sans différence significative entre les hommes (10,9%) et les femmes (9,3%). La proportion la plus élevée est observée parmi les ressortissants de la Centrafrique (33,1%), de la Guinée (27,3%), du Cameroun (22,2%) et de la Côte d’Ivoire (11,8%).
S’agissant du sort de la demande de retour formulée auprès des services compétents, un peu plus de la moitié d’entre eux déclarent que les procédures de retour sont toujours en cours (57,7%), et 33,6% ont obtenu l’accord et se préparent à retourner et 8,8% ont renoncé au retour. Enfin, concernant les migrants dont le projet migratoire est indéterminé (8,6%), les hésitations sur la ré-émigration sont plus fréquentes parmi les Maliens (19,1%), les Yéménites (16,1%) et les Centrafricains (12,7%).
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco