Microfinance : les multiples opportunités qu’offre la loi 50-20
Abdelatif Laamrani.
Avocat aux Barreaux de Casablanca, de Paris et de Montréal,
La loi 50-20 est-elle suffisamment ambitieuse pour le secteur de la microfinance au regard des enjeux ?
Cette loi constitue incontestablemenun apport législatif majeur dans le monde de la microfinance au Maroc. Car elle inaugurera, certes, une transformation structurelle d’un secteur ayant subi une véritable mue depuis la loi n° 18-97 du 5 février 1999 relative au micro-crédit, en passant par l’intégration des associations de microcrédit à la loi bancaire n°103-12 de 2014 en tant qu’organismes assimilés (article11), pour arriver enfin à l’émergence de ce que la nouvelle loi appelle aujourd’hui les «institutions de microfinance».
Le développement de la microfinance au Maroc a permis depuis une vingtaine d’années de s’intéresser aux personnes exclues jusque-là des services bancaires et de permettre de sonder, à l’usage des autorités de régulation et des pouvoirs publics, ces franges de la société «non bancables» mais pouvant répondre aux conditions minima d’obtention d’un micro-crédit, en vue de leur inclusion financière. Les acteurs actuels de la microfinance au Maroc ont pu démontrer que l’offre de services financiers aux plus démunis pouvait tout à la fois être économiquement rentable et efficace dans la lutte contre la pauvreté. Il est apparu, toutefois, qu’une grande partie de la population ciblée n’a pas encore accès à ce type de services.
Cette réforme induit-elle des changements majeurs ?
Cette loi offre aujourd’hui, à mon avis, un cadre juridique très favorable pour l’évolution de l’offre financière des institutions de microfinance et l’acheminement vers une phase de forte croissance résultant d’une stratégie à double optique. La première est commerciale, avec l’élargissement de l’offre en termes de produits et clientèle. Il s’agira de proposer une offre de produits, modulable en fonction des régions et populations, des systèmes de paiement et de collecte innovants, d’accessibilité, avec la définition de solutions simples à utiliser, rapides et conviviales. Et de deux, les services financiers (avec la mise en place de techniques innovantes de financement, de collecte de fonds, d’octroi, de gestion de crédit et de gestion du recouvrement, et non financiers en facilitant la mise en relation entre prêteurs et emprunteurs et en proposant des prestations d’assistance techniques ou de conseil, à travers les associations de développement, etc.).
Comment les établissements de micro-crédit peuvent-ils s’adapter à ce nouvel environnement ?
Les institutions de microfinance sont appelées à effectuer une véritable transformation juridique. Tout d’abord, elles prennent, soit la forme d’une société anonyme, conformément à la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes, soit la forme d’association conformément aux dispositions du dahir du15 novembre 1958 réglementant le droit d’association. Toutefois, si elles veulent, en plus de leur activité de microfinance, recevoir des fonds du public et effectuer des opérations de transfert de fonds, elles doivent avoir la forme de société anonyme et solliciter un agrément en tant qu’établissement de crédit de Bank Al-Maghrib. Et pour l’exercice d’opérations de micro-assurance elles doivent requérir un agrément de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale. Les associations de microfinance subsisteront, mais elles ne peuvent exercer leur activité de microfinance qu’à travers une société anonyme agréée en tant qu’établissement de crédit dans les conditions décrites ci-dessus, ou par apport à cette société. Elles porteront désormais la dénomination d’associations de développement dans le domaine de la microfinance et ne peuvent, par elles-mêmes, exercer que des activités de services de formation, de conseil et d’assistance technique dans le domaine de la microfinance. Sur le plan prudentiel, la nouvelle loi prévoit que les dividendes qui seraient servis par une société anonyme agréée, en tant qu’établissement de crédit pour exercer l’activité de microfinance à l’association de développement, vont servir à constituer des réserves pour la couverture des risques inhérents à l’activité de microfinance dudit établissement de crédit. Une circulaire de Bank Al-Maghrib interviendra ultérieurement afin de préciser les conditions et les modalités de la constitution de ces réserves. De plus, la Fédération nationale des associations de microcrédit sera remplacée dans le Comité des établissements de crédit par une association professionnelle des institutions de microfinance dont le président en serait membre de droit (article 25) à l’image des autres présidents des associations professionnelles comme l’association professionnelle des établissements de paiement ou l’association professionnelle des sociétés de financement.
Les défis sont donc multiples…
Tout à fait. Les associations de microfinance actuelles ne disposent que de douze mois à compter de la date de publication de la nouvelle loi au B0 pour la mise en conformité de leurs statuts et de leurs règles de fonctionnement avec les dispositions de la loi bancaire et la nouvelle législation. Ainsi, elles doivent opérer la mutation en sociétés anonymes et réaliser toutes les formalités juridiques subséquentes mais aussi, et surtout, faire les demandes d’agréments qui s’imposent auprès des autorités de tutelle. Enfin sur le plan de leur fonctionnement interne, le nouveau cadre peut constituer une véritable opportunité pour que les associations de microfinance qui créent des établissements de crédit déploient leur force de frappe que constitue la capillarité et l’importance de leurs réseaux d’agences étendu à travers tout le territoire, soit par la création de véritables groupes financiers, soit en scellant, dans un premier temps, des partenariats avec des banques existantes pour la gestion du back-office avec l’objectif de réduire les coûts et les délais de traitement en déléguant la gestion des paiements et des recouvrements.
Modeste Kouamé / Les Inspirations Éco